Art on a green line se tient actuellement au Carleton Curatorial Laboratory. Johnny Alam, derrière cette exposition, revient sur le travail varié d’artistes libanais qui se sont intéressés, après 1990, à «la ligne verte» séparant Beyrouth-Est de Beyrouth-Ouest. On y découvre des photos, des vidéos, des livres, des cartes postales… de la vie quotidienne de la population locale lors de la Guerre civile.
Quels sont les points communs entre des artistes comme Lamia Joreige, Hassan Choubassi, Zeina Abirached ou Joumana Medlej?
Chacun d’eux fait revivre à sa façon la «ligne verte» dans son œuvre artistique. Revenons un peu sur ce concept de «ligne verte» et ses définitions. Dans la présentation de l’exposition, Johnny Alam parle de divers sens et attributions. Certes, il s’agit d’un «lieu de mémoire», mais c’est aussi un «symbole de l’atrocité» et de «l’emplacement des batailles impitoyables, des enlèvements et des crimes». Il renvoie à une «crise d’identité nationale». Cette démarcation a donc un sens particulier et surtout assez subjectif, puisqu’elle est inspirée par le témoignage de tout un chacun. Prenons d’abord le documentaire de Lamia Joreige, Houna Wa Roubbama Hounak, produit en 2003. La ligne verte occupe une place primordiale dans ce film. C’est ici que la réalisatrice va à la rencontre d’habitants de Beyrouth avec une seule question: «Connaissez-vous quelqu’un qui a été kidnappé ici durant la guerre?». Dans son synopsis, elle explique qu’elle «enclenche le processus de mémoire» et montre «la multiplicité des discours existants sur la guerre», ainsi que «la présence et l’actualité de cette guerre à travers le langage».
Dans son film Beirut Map, l’artiste Hassan Choubassi dévoile un aspect spécifique de la ligne de démarcation. Il imagine les passagers à bord d’un métro obligés, lors de leur voyage beyrouthin, de s’arrêter brusquement à cette ligne verte. L’inédit c’est qu’à chaque point de passage, des anecdotes sur la guerre sont racontées. A part ces projections et ces films, l’exposition laisse au public le loisir de découvrir les livres de Zeina Abirached et de Joumana Medlej. Dans Un jeu pour les hirondelles, c’est sur la ligne de démarcation que se trouvait l’immeuble où habitait Abirached. L’auteure revient sur un souvenir bien ancré durant la guerre, celui de l’attente de ses parents à l’abri des obus.
Malak, l’ange de la paix de Medlej, qui lutte de toute sa force contre les violences, permet aux lecteurs de découvrir, dès la première page, cette ligne verte.
Quant à Jayce Salloum, il apporte cette ligne au premier plan en se positionnant à la place des Martyrs. Avec ses images et ses représentations dans Sniper’s hole (from inside the church), il montre comment il n’existe pas de manière objective ou détachée de considérer son sujet. Pour lui, le Liban est à la fois réel et imaginaire, un lieu d’exotisme.
En fait, Alam explique qu’il a essayé de montrer comment «ces œuvres variées nous aident à nous souvenir et, peut-être, commémorer les guerres au Liban». Mais il est tout autant important, selon lui, «d’examiner les façons dont ces œuvres font oublier certains aspects des guerres et des conflits plus récents».
Etats-Unis, Pauline Mouhanna
Art on a green line se poursuit jusqu’au 14 avril 2015, au Carleton Curatorial Laboratory. Pour plus d’informations: http://cuag.carleton.ca/index.php/exhibitions/259/
Qui est Johnny Alam?
Johnny Alam est un artiste et doctorant en médiations culturelles au sein de l’Université de Carleton. Il a déjà obtenu une maîtrise en histoire de l’art, un diplôme en arts visuels appliqués et en histoire. Ses recherches lui ont permis d’obtenir divers prix et bourses, dont celle du CRSH Canada (Social Sciences and Humanities Research Council). Ses centres d’intérêt sont la photographie, la guerre, la mémoire, la technologie et la représentation.