Jusqu’à la veille du scrutin, mardi, il était donné perdant au profit de son rival travailliste Isaac Herzog. Pourtant, Benyamin Netanyahu est parvenu à déjouer les pronostics en imposant le Likoud à la Knesset avec 29 sièges.
Alors que les premiers résultats des urnes annonçaient, mardi soir, le même nombre de sièges à la Knesset – le Parlement israélien – pour le Likoud de Benyamin Netanyahu et l’Union sioniste d’Isaac Herzog, c’est finalement le Premier ministre sortant qui devrait rempiler à la tête du gouvernement. Mardi matin, après une nuit de suspense, les urnes ont parlé. Après décompte de 99% des bulletins, le Likoud obtiendrait finalement 29 sièges, soit cinq de plus que son adversaire travailliste de l’Union sioniste, mené de concert par Isaac Herzog et Tzipi Livni. Celui-ci obtiendrait pour l’heure environ 19% des voix, soit 24 sièges, contre environ 24% pour le Likoud. La liste des Arabes israéliens (voir encadré) obtiendrait entre 13 et 14 sièges, talonnée par Yesh Atid avec 11 sièges et le parti de centre droit Koulanou, avec 10 sièges. Des résultats assortis d’une forte mobilisation des électeurs, puisque le taux de participation s’est élevé à 71,8% contre 67,8% en 2013.
Campagne énergique
Ce bon résultat surprise permet en outre à Benyamin Netanyahu de prétendre à sa propre succession au poste de Premier ministre et d’aborder en position de force les négociations pour composer une coalition intégrant l’extrême droite et les partis ultraorthodoxes.
Il faut dire que loin de se laisser démoraliser par les sondages, qui le donnaient perdant face à «Bouji», alias Isaac Herzog, Bibi Netanyahu n’a pas hésité à donner toute son énergie dans la bataille électorale. Jusqu’à la veille du scrutin. Jusqu’à lundi soir, le Premier ministre israélien n’a eu de cesse de mobiliser son camp, en mettant un très grand coup de barre à droite, histoire de convaincre les plus récalcitrants de se rassembler sous la bannière du Likoud. Il s’est notamment rendu dans le quartier de colonisation très symbolique de Har Homa, à la lisière de Jérusalem-Est, pour y déclamer qu’il «continuer(ait) de construire à Jérusalem». Dans une interview fracassante au site d’informations NRG, il avait aussi promis de s’opposer à la création d’un Etat palestinien, écartant de fait une solution à deux Etats, s’il était reconduit dans ses fonctions. «Il est impossible d’appliquer ce discours parce qu’en face de nous, nous avons des terroristes», a-t-il martelé, estimant qu’«il n’y a pas de partenaire pour la paix». Fidèle à son sens du drame, il avait aussi dressé un tableau pessimiste de l’avenir de l’Etat hébreu en cas de victoire des travaillistes, lors d’un discours sur la place Yitzhak Rabin à Tel-Aviv, dimanche soir. Netanyahu avait ainsi accusé l’Union sioniste d’être prête à diviser Jérusalem, à revenir aux frontières de 1967 et à se satisfaire d’un mauvais accord sur le nucléaire iranien, son grand cheval de bataille.
Une stratégie de durcissement qui a visiblement payé dans les urnes. Et qui était destinée à rassembler des électeurs de la droite nationaliste et religieuse qui semblaient être séduits par d’autres sirènes, notamment celles du Foyer juif, un parti d’extrême droite qui avait affaibli le Likoud lors des précédentes élections de janvier 2013.
Herzog pas convaincant
Si le Likoud et Bibi Netanyahu avaient concentré l’essentiel de leur campagne sur les questions sécuritaires, le camp adverse avait choisi de centrer ses discours et son programme sur les questions sociales. L’Union sioniste d’Isaac Herzog avait notamment dénoncé la vie chère et surtout les problèmes inhérents à la crise du logement qui touche le pays, et notamment les jeunes. Le conflit israélo-palestinien avait, en revanche, été soigneusement évité, pour ne pas faire fuir les électeurs qui reprochaient à la gauche son angélisme sur la question. Et même si les questions sociales demeurent de la plus grande importance pour la société israélienne, une explosion sociale n’étant pas à exclure, l’avocat issu de l’une des grandes dynasties d’Israël − son père fut président d’Israël dans les années 80 −, Isaac Herzog, n’aura pas su convaincre.
Si Benyamin Netanyahu semble avoir remporté son pari, il lui reste désormais à composer une coalition gouvernementale viable. Satisfait de son score, le chef du Likoud a déclaré, dès mardi soir: «Je suis fier du peuple d’Israël qui a reconnu ce qui est important et s’est mobilisé pour la véritable sécurité, l’économie et le bien-être social que nous nous sommes engagés à faire respecter. Maintenant, nous devons former un gouvernement fort et stable».
Les tractations seraient d’ores et déjà en cours, même si le chef du gouvernement dispose d’un mois pour former une coalition. Les choses ne devraient pas forcément être évidentes. Bibi Netanyahu devra s’accorder par exemple avec l’ex-ministre Moshe Kahlon, un ancien du Likoud qui vient d’obtenir une dizaine de sièges à la Knesset avec son propre parti, le rendant incontournable pour former une coalition. Les relations des deux hommes sont notoirement mauvaises, rendant la tâche ardue dans la perspective d’une entente. Certains analystes évoquent même la possibilité que Kahlon trahisse son camp pour s’allier, contre toute attente, à l’Union sioniste.
Pour composer son gouvernement, Netanyahu devra en outre s’appuyer sur le Foyer juif de Naftali Bennett, dont il a réussi à éroder l’électorat, puisque ce parti est passé de 12 à 8 sièges. Et bien sûr, sur la formation d’Avigdor Lieberman, Israël Beitenou, ainsi que sur les partis ultraorthodoxes.
Mardi matin, Bibi a ainsi annoncé qu’il se donnait «un délai de deux à trois semaines», pour former un gouvernement, tandis que son adversaire, Isaac Herzog, reconnaissait sa défaite et souhaitait «bonne chance» au Premier ministre israélien. Le chef du Likoud aura le choix entre fédérer un gouvernement de droite ou opter pour un gouvernement d’union nationale, ce qui semble peu probable.
Rien n’est donc fait. D’autant que le président de l’Etat hébreu, Reuven Rivlin, à qui revient la désignation du prochain Premier ministre, a déjà prévenu. «Seul un gouvernement d’unité peut prévenir la désintégration rapide de la démocratie israélienne et la tenue de nouvelles élections dans un futur proche».
Jenny Saleh
Les Arabes, troisième force
Troisième force parlementaire à la Knesset, les partis arabes auront surpris tout le monde. Se présentant pour la première fois sur une liste commune arabe israélienne hétéroclite, les différents partis arabes (communistes, nationalistes et islamistes) auront réussi leur pari, celui de mobiliser leur électorat dans l’espoir peut-être, de faire entendre leur voix. C’est en tout cas l’ambition du député chrétien arabe Bassel Ghattas, qui déclarait sur RFI que les «Arabes seront combatifs, un acteur incontournable».
Selon les premières projections, la liste commune devrait ainsi obtenir treize à quatorze sièges à l’Assemblée, un score historique qui a été salué par des explosions de joie dans les villes arabes de l’Etat hébreu, comme Nazareth.
Les Arabes israéliens se sentent en effet souvent oubliés et marginalisés au sein de la société israélienne.
S’ils sont déçus de la victoire de Benyamin Netanyahu, ils pourraient décider d’apporter leur appui au travailliste Isaac Herzog, sans toutefois aller jusqu’à former une coalition avec lui.
Le succès de cette victoire d’une liste commune arabe repose notamment sur son numéro un, Ayman Odeh, un avocat de 40 ans, qui a réussi le tour de force de réunir sur une même liste, Juifs, Arabes, communistes, islamistes et nationalistes arabes et surtout de mobiliser l’électorat arabe israélien, traditionnellement abstentionniste.
Désormais troisième force de la Knesset, les Arabes israéliens pourraient tenter de peser, en accédant notamment à la présidence de commissions parlementaires, comme celles des Finances ou des Affaires sociales. La communauté arabe d’Israël est concernée à plus d’un titre par ces deux thématiques, plus d’un Arabe israélien sur deux vivant sous le seuil de pauvreté.