Dix ans après la révolution du Cèdre, les forces du 14 mars, conscientes des voix dissonantes qui divisent leurs rangs, annoncent la formation du Conseil national de la coalition. Conseil qui, selon elles, sert de plateforme à la coexistence susceptible de sauver le Liban. Mais peut également servir d’exemple au Moyen-Orient.
C’est donc au pavillon royal du Biel que près de 400 personnes, issues des rangs des partis du 14 mars, mais aussi de ce qu’on appelle les indépendants et les activistes de la société civile, se sont rassemblées pour présenter une feuille de route politique et, surtout, annoncer la formation d’un Conseil national de la coalition. Cela faisait plusieurs années que le secrétaire général du 14 mars, Farès Souhaid, conscient des dissensions qui secouent la coalition et des choix politiques indépendants de l’un ou l’autre parti, souhaitait rassembler toutes les formations politiques sous le label de Conseil national qui, selon lui, formerait une plateforme commune aux diverses communautés qui composent le Liban et un exemple de vivre en commun dans un Moyen-Orient déchiré par les conflits interreligieux. Ce sont notamment les partis du 14 mars qui hésitaient à s’engager dans ce projet pour diverses raisons. Ils craignaient essentiellement de perdre de leur pouvoir dans une mouvance plus élargie. Ce projet avait été sans cesse remis. Mais, consciente que la situation ne pouvait se prolonger, après une réunion préparatoire élargie au Biel, la coalition a compris la nécessité de ce Conseil national pour renforcer les rangs, mais également pour répondre aux attentes d’une opinion publique qui leur reproche de faire du surplace, voire de perdre de vue les principes qui les ont réunis. L’ancien Premier ministre, Fouad Siniora, a donc annoncé dans une conférence sur le thème du 14 mars 2005 au 14 mars 2015 la formation du Conseil national du mouvement, ainsi que la création d’un comité préparatoire formé de 35 personnes, dont la mission principale est de mettre en place un programme de travail.
Selon les partisans du 14 mars, ce conseil constituera une sorte d’instance consultative, un front modéré, un outil qui tentera, entre autres, de connecter tous les modérés du monde arabe. Un comité de préparation d’une trentaine de personnes a été formé sur-le-champ. Sa mission est de mettre au point les règlements internes du conseil. Chantier qui devra être achevé d’ici deux mois. A la suite de quoi, ses membres seront nommés et son secrétaire général élu par les participants au congrès.
Qu’en sera-t-il des prérogatives du secrétariat général du 14 mars? Farès Souhaid n’a pas voulu faire de commentaires à ce sujet. Mais des sources qui lui sont proches ont affirmé à Magazine qu’il met tout le secrétariat au service de ce conseil qui revêt une importance majeure à ses yeux, car il contribue à renforcer l’image, mais aussi l’action de la coalition pour relever tous les défis auxquels elle fait face. Que pensent les partis de cette annonce? Magazine a interrogé le député de Batroun des Forces libanaises, Antoine Zahra. Pense-t-il que ce conseil est une bonne chose pour le 14 mars? «Ce 14 mars 2015, répond-il, me fait penser à la fameuse rencontre du Bristol qui a réuni toute notre coalition politique. Nous souhaitons que la conférence de samedi contribue à raviver l’esprit du 14 mars et à activer la vie politique sur le plan national, parce qu’il n’y a pas d’issue en dehors de l’Etat et de ses institutions. Il est également important de conjuguer tous les efforts pour y arriver. C’est pourquoi la participation de la société civile est importante. Le public du 14 mars va serrer les rangs et les instances politiques de la coalition s’attelleront à répondre à ses attentes».
Que pense le parti Kataëb de cette initiative? «Ce conseil a un rôle bien défini, répond à Magazine Fadi Habr, député de Aley. Il est consultatif. Il vise à renforcer le 14 mars et à développer le travail de son secrétariat général. Les militants y ont pris part. C’est une bonne chose. Mais soyons clairs, le rôle de ce conseil est bien défini. Il est consultatif, alors qu’il revient aux partis du 14 mars et à eux seuls de s’occuper du volet administratif».
Le député du Courant du futur, Ahmad Fatfat, considère pour sa part que ce conseil «est indispensable pour le 14 mars et se répercutera positivement sur l’action du mouvement».
En parallèle à cette annonce, une feuille de route politique a été mise sur le tapis. Des critiques ont fusé de part et d’autre, les militants du 14 mars reprochent aux politiciens de se contenter de slogans ronflants sans proposer d’initiatives pratiques qui sortiraient le 14 mars du marasme dans lequel il se débat depuis quelque temps. Plusieurs interventions ont eu lieu. Des reproches aussi de la part de partisans qui considèrent que le mouvement ne répond pas aux attentes de la base. Devant ce flot de récriminations, Samir Frangié a demandé aux militants de mener eux-mêmes des actions pratiques et concrètes pour contribuer aux changements qu’ils préconisent. n
Danièle Gergès
Siniora critique le Hezbollah
Un communiqué final a été diffusé à l’issue de la conférence. Il a été donné par Fouad Siniora qui, faisant allusion nette au Hezbollah, a appelé les Libanais qui ont tiré des leçons du passé à s’unir «pour mettre un terme à la violence exercée par ceux qui vivent toujours dans des souterrains sombres». L’ancien Premier ministre a affirmé que le camp auquel il appartient «ne souhaite la défaite de personne, mais ne permettra pas d’être défait par quiconque», toujours en allusion au Hezbollah. Il a transmis le souhait de la coalition du 14 mars de voir tous les Libanais unis sous l’égide de l’Etat dans le respect de la Constitution. Il a appelé à un partenariat entre musulmans et chrétiens dans la gestion d’un Etat civil qui constituera un exemple unique dans le monde arabe. Revenant sur le conflit syrien, il accuse Bachar el-Assad «de crimes contre l’humanité», assurant que le régime de Damas est à la base du terrorisme qui menace l’ensemble du monde. Toujours est-il que, certes, le 14 mars a commémoré ce dixième anniversaire, qu’il a réussi après des années de tergiversations à s’entendre sur le Conseil national dans une tentative de présenter l’image d’une coalition unie. Reste à espérer que cette initiative aille de l’avant.