Les derniers développements, en l’occurrence l’accord-cadre sur le nucléaire conclu entre les Etats-Unis et l’Iran, l’intervention militaire au Yémen et leurs retombées sur le plan local et régional ont été au centre d’un entretien avec le député Farid el-Khazen, membre du Bloc du Changement et de la Réforme.
Quelle est l’incidence de la guerre du Yémen sur le Liban et sur le dossier de la présidentielle?
La guerre au Yémen n’a pas de répercussions sur le Liban. Mais la tension entre les pays du Golfe, surtout l’Arabie saoudite et l’Iran, après l’accord-cadre entre Téhéran et les grandes puissances, ne favorise l’entente sur aucun sujet. Le dossier libanais n’est pas une priorité sur l’échiquier international et le conflit sur la présidence est étranger à toute cette situation. La guerre au Yémen n’a pas pour seul but de mettre un terme à l’influence iranienne, mais c’est également une riposte à l’accord conclu entre l’Iran et les Etats-Unis. D’ailleurs, les effets de cette guerre sont appelés à s’intensifier à l’avenir avec les rencontres prévues entre le président américain Barack Obama et les dirigeants du Golfe.
Où se situe le Liban dans tout cela?
Le Liban n’est pas une priorité. L’élection présidentielle est une question interne autant qu’externe. Il ne faut pas négliger ou sous-estimer l’importance du facteur interne. Je n’ai pas l’impression que la situation va changer. Les positions des uns et des autres sont prises et déjà connues des deux côtés, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Depuis longtemps, le dossier libanais n’est pas une priorité pour les acteurs régionaux et internationaux, ce qui se passe en Syrie, en Irak et au Yémen est bien plus important. Malheureusement, les Libanais sont habitués à croire que leur pays est une priorité. C’était bien le cas lorsque le Liban était un champ de bataille. Heureusement d’ailleurs que ce n’est plus le cas. Sinon, nous aurions assisté au Liban à ce qui se passe aujourd’hui en Syrie et en Irak: un conflit armé entre sunnites et chiites qui aurait complètement détruit le pays. Les grandes puissances et, à leur tête les Etats-Unis, ne portent aucun intérêt au Liban. Même la Syrie ne présente plus beaucoup d’intérêt. Il y a un retrait américain stratégique de la région. Même le pétrole n’est plus aussi important qu’avant. En 1973, 70% de la consommation mondiale du pétrole provenait du monde arabe. Aujourd’hui, elle n’est plus que de 30%. Les conflits dans la région ont fatigué les Etats-Unis et l’Europe. Leur souci actuel est d’être tenus à l’écart de l’extrémisme. Le monde est épuisé et c’est pour cette raison que le facteur interne dans l’élection présidentielle est important.
Qu’en est-il de l’accord entre l’Iran et les Etats-Unis?
Il n’a aucune conséquence majeure sur le Liban qui vient en dernier dans l’ordre des priorités. Cet accord a des répercussions sur les pays du Golfe. C’est une question d’influence et de prestige national pour l’Iran. Avec cet accord, Israël n’a plus le monopole du nucléaire dans la région. En cas de guerre, personne n’utilisera le nucléaire. Le monde arabe panique, car il est affaibli et vulnérable.
Comment voyez-vous la scène régionale aujourd’hui?
L’offensive au Yémen est la riposte saoudienne à l’accord entre l’Iran et les Etats-Unis. Le Yémen est devenu le candidat idéal pour être la nouvelle Libye. Avant cette guerre, le Yémen souffrait des divisions régionales, politiques, tribales et sectaires. Il est encore plus fragmenté que ne l’était le Liban au temps de la guerre. C’est le champ de bataille régional et quelle que soit la partie qui remporte la guerre, elle ne pourra pas gouverner. C’est un projet de division et de guerre qui ne finira pas de sitôt. Il va y avoir le chaos tout comme en Libye, en Somalie et au Liban pendant la guerre. Personne ne peut régler le conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Je pense que le président américain, Barack Obama, est personnellement derrière l’accord entre son pays et l’Iran parce qu’il a désespéré d’une solution du conflit israélo-palestinien et n’a pas voulu se brûler les doigts là où beaucoup avaient échoué avant lui. En revanche, avec l’Iran, un accord était possible et il a agi dans ce sens. Après l’accord final dont la signature est en juin, l’Iran devrait s’exécuter. L’absence d’exécution de cet accord, à long terme, pourrait éventuellement servir de prétexte à un conflit armé entre l’Iran, d’une part, et les Etats-Unis et Israël, de l’autre.
Et le vide présidentiel?
C’est un statu quo qui va durer quelque temps. La clé de la solution est interne. La situation des années 90 où le président atterrissait en parachute n’est plus admise aujourd’hui par les chrétiens. La règle du représentant le plus fort de la communauté doit être appliquée aux chrétiens. Mais certaines personnes misent encore sur ce qui se passait à l’époque syrienne.
Propos recueillis par Joëlle Seif