Himaya. Une ONG qui lutte contre la maltraitance des enfants au Liban met tout son savoir et ses moyens en œuvre pour protéger les jeunes de 5 à 18 ans de toutes les formes d’abus. Magazine a rencontré Lama Yazbeck, la directrice exécutive.
A combien s’élève le nombre d’enfants maltraités au Liban? Les statistiques sont-elles précises à ce sujet?
Nous avons deux sources de statistiques. Une étude faite en 2008 par le ministère des Affaires sociales, Kafa et Save the children, montre qu’un enfant sur sept a subi une forme de maltraitance sexuelle, un enfant sur quatre a subi une des formes de maltraitance. Himaya a mené des statistiques basées sur les cas suivis par l’association, sur 711 enfants maltraités (408 garçons, 303 filles. Répartition géographique: 278 enfants du Nord, 211 de la Békaa, 168 du Mont-Liban, 49 de Beyrouth et 5 du Liban-Sud). Les types de maltraitance concernent 118 cas de négligence, 238 cas d’abus physiques, 312 cas de maltraitance psychologique et 43 de cas d’abus sexuels. La répartition par tranche d’âge: un an à 5 ans, 85 cas. 6 à 10 ans, 279 cas. 11 à 18 ans, 347 cas.
Qu’appelle-t-on au juste un enfant maltraité?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on identifie quatre types de maltraitance. La négligence: le fait de ne pas pouvoir assurer à un enfant ses besoins de base: nourriture, logement sécurisé, soins médicaux… Ce n’est pas un problème de moyens financiers, mais plutôt de laisser-aller. La maltraitance psychologique: harcèlement verbal par l’usage de termes humiliants, menaçants, dévalorisants… ce type de maltraitance a des conséquences sur le développement de l’enfant. C’est une forme pernicieuse d’abus parce qu’elle peut passer inaperçue. La maltraitance physique peut aller d’une gifle à l’utilisation d’objets tels les bâtons, les fils électriques, les ceintures… avec ou sans traces physiques. La maltraitance sexuelle va d’un attouchement au niveau des parties intimes jusqu’au viol. La majorité du temps, c’est quelqu’un de confiance qui fait partie du cercle de famille, de l’entourage ou c’est carrément un membre de la famille. Les gens hésitent à signaler les cas de maltraitance sexuelle, même s’ils sont au courant, surtout si cela se passe au sein de la famille. Ce type d’abus concerne aussi bien les filles que les garçons.
Y a-t-il des milieux plus touchés que d’autres?
Il n’y a pas de statistiques à ce niveau. Mais nous savons que la maltraitance touche toutes les régions, toutes les classes sociales, toutes les communautés, les confessions…
Comment éveiller les enfants et leur entourage pour les prévenir de ce genre de comportements?
Depuis 2010, nous avons lancé un programme de formation qui s’adresse aux enfants de 5 à 18 ans, aux parents et aux professionnels qui travaillent avec les enfants dont les enseignants. Le but est de développer les compétences d’autoprotection de l’enfant, c’est-à-dire de lui apprendre à identifier un adulte de confiance d’un autre, à connaître les limites de son corps, à reconnaître un toucher sain d’un toucher malsain, à connaître les types de maltraitance et lui dire à qui signaler les abus dont il est victime. A travers ces séances, on fait de la prévention mais on détecte aussi de nombreux cas, certains enfants réalisant au moment de la formation qu’ils ont été maltraités. Avec les parents, nous travaillons la communication non violente, les différentes techniques éducatives, les types de maltraitance, les mesures de sécurité à prendre. Nous aidons les professionnels à identifier les symptômes d’un enfant maltraité, les moyens de communiquer avec lui, la procédure à suivre légalement pour l’aider. Nous avons accès aux écoles privées et publiques, aux centres communautaires et aux paroisses. En 2015, nous allons former 87 000 enfants, parents et professionnels. Himaya travaille en partenariat avec les ministères concernés et des partenaires internationaux tels Unicef, Service social international, Global smile foundation… Himaya est là pour aider les enfants victimes de maltraitance. On peut nous contacter au numéro suivant: (03) 414 964.
Propos recueillis par Danièle Gergès