Le 17 avril, les amateurs de musique et de musique locale se donnent rendez-vous à Station pour la soirée de lancement du deuxième opus d’Eileen Khatchadourian, Titernig. Après le rock arménien, entrée de plain-pied dans l’électro arménien.
Elle a presque disparu de devant la scène musicale. Six ans d’absence, même si ses projets musicaux ne se sont jamais réellement arrêtés. Eileen Khatchadourian est de retour, un retour qui sonne plus comme une «renaissance». Et celle-là porte le nom de Titernig, le titre de son second opus, qui signifie papillon en arménien. Eileen Khatchadourian se rappelle cette phrase de Murakami qui affirme que le papillon est une espèce qui naît on ne sait pas où, et qui meurt on ne sait pas où. Sa présence, il est vrai, est éphémère, mais il est tellement beau que son empreinte reste. En ayant surtout en tête l’idée du cocon, de l’envol et de l’exploration du monde, Titernig serait, «en l’espace de neuf chansons, le voyage d’un papillon qui sort de son cocon».
Un voyage musical, reflet de six ans de maturation, de rencontres, de voyages, d’événements personnels, de collaborations, d’un attachement encore plus fort à son identité arménienne, à la nécessité de contribuer, musicalement, à la reconnaissance du génocide. Tellement de changements pour si peu de changements; ce paradoxe inexplicable est résolu à travers le nouveau style qu’elle adopte, à plus d’un niveau. Tout d’abord, le glissement de son nom artistique qui se limite désormais à son seul patronyme, Khatchadourian. Un choix édicté par des raisons d’esthétique visuelle de deux mots seulement sur la couverture de l’album, par une envie d’ouverture encore plus grande au-delà des frontières, par une résonance plus musicale et par un renvoi plus direct à son identité arménienne. «Mais Eileen Khatchadourian est toujours là, les gens me connaissent comme telle, et le site Web portera toujours mon nom entier», ajoute-t-elle souriante.
Un premier changement formel qui annonce l’autre glissement de style, primordial, vital celui-là: son évolution musicale, du rock à l’électro. En 2008, avec son opus Midan, elle a été la première à instaurer le rock arménien, explorant dans un style musical brut et puissant, des airs traditionnels arméniens. Un album à succès aussi bien au Liban qu’en Arménie où plusieurs jeunes se sont mis à leur tour au rock arménien, et à une échelle internationale, Midan ayant remporté le prix du meilleur album rock lors des Armenian Music Awards de Los Angeles en 2009. Mais «j’ai découvert au fil des années que j’avais passé le cap du rock, j’ai évolué. Si je fais un autre album dans le même style, je n’aurai rien changé, ça sera toujours du rock arménien. Mais là, c’est du rock électro, de la pop électro, des chansons originales, un album qui me ressemble».
Titernig est surtout le fruit de ses voyages et de ses rencontres. Deux rencontres essentiellement, avec des musiciens italiens, Sandro Mussida et Francesco Fabris. Une telle synergie musicale s’est établie entre eux, un tel engouement à travailler ensemble, que Khatchadourian, mise en confiance, se lance dans l’écriture et la composition. Contrairement à Midan, Titernig comprend cinq chansons originales, Khatchadourian gardant quand même quatre chansons traditionnelles, pour éviter une rupture prononcée avec le premier album. Autre nouveauté, cette fois elle chante également en anglais, même si elle véhicule plus d’émotion quand elle chante en arménien. Trois pistes en anglais donc, dont I wept sur un texte écrit par un ami à propos d’Ararat et, surtout, Generation 3, écrite pour le centenaire du génocide arménien. We survived a genocide/A thousand wars/And we’re still alive/A land in which we never lived/A land in which our heart reside… «Le seul message que je peux passer aux non-Arméniens est en anglais». Parce que son attachement à la cause et à l’identité arméniennes est «encore plus fort qu’avant», en raison de ses récents voyages en Arménie, et même en Turquie. «Si je peux militer par la musique pour cette cause qui m’est encore plus personnelle… il est injuste que ce génocide ne soit pas reconnu».
Véhiculant autant de défrichements, de métamorphoses, d’explorations, d’images, emmêlant sons et sonorités à la voix toujours envoûtante de Khatchadourian, à la fois dans sa douceur et dans sa puissance, Titernig effeuille une kyrielle de sensations, chaque chanson ouvrant un monde différent.
Nayla Rached
De concert et de tournée
Dans la foulée du lancement de Titernig, Khatchadourian est déjà attendue fin avril à Istanbul dans le cadre du concert In Memoriam puis, en mai, à Palm Springs, dans le cadre du World Armenian Entertainment Awards où elle est nommée pour le prix de la meilleure chanteuse de la diaspora arménienne.