Comme pour combler les carences dans la gestion du pays, les lois pleuvent menaçantes. Mais même justifiées, elles n’en sont pas moins inapplicables. Certes, ce nouveau code, qui remplace une loi datant du siècle dernier, a reçu l’aval de nombreuses associations de la société civile. Il se propose de sanctionner sévèrement les conducteurs indisciplinés dans un pays où les accidents meurtriers sont si nombreux. Mais que dire de la dégradation de l’état du circuit routier, dont les conducteurs, aussi chauffards qu’ils soient, ne sont pas responsables? Que dire des croisements de rues où les feux de signalisation sont si souvent absents? Des trottoirs inutilisables à cause des piliers et autres obstacles que la municipalité a eu la «bonne» idée de poser, empêchant les piétons d’y avoir accès? Des agents préposés à l’application des lois, et qui sont souvent les premiers à les violer? D’ailleurs, les contrevenants ne semblent pas tenir compte des sanctions imposées, sachant qu’elles ne pouvaient pas être appliquées. La mise en œuvre de la nouvelle loi ayant été si souvent reportée, chaque jour apporte son lot de morts et de blessés, victimes de la route que recense la salle censée contrôler le trafic routier. Quant aux permis de conduire, ils sont délivrés au hasard ou en fonction des rejetons des «grands» du pays. Ce nouveau code a du bon. Reste encore à pouvoir le mettre en place et en assurer le suivi.
Autre loi, jugée inique par les locataires et contestée par les propriétaires, celle des loyers, héritée d’un texte datant de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et remis à jour en 1992, soit à la fin de la guerre civile. La loi gèle les contrats de location signés avant cette date, ne tenant compte d’aucun facteur social ni d’une inflation galopante qui frappe, en premier, les locataires. Toutefois, elle prend en considération une éventuelle revalorisation des grilles des salaires, qui attend toujours de ne plus être simplement éventuelle.
Penser faire oublier le vide administratif tient de la gageure. Si les citoyens sont préoccupés par leurs problèmes quotidiens, ils n’en oublient pas pour autant toutes les possibilités qui peuvent renflouer les caisses de l’Etat sans toucher aux salaires, de plus en plus modestes, d’une classe moyenne qui, d’ailleurs, n’existe plus. Elle vit, de moins en moins, des rentrées que lui assurent les membres de la famille travaillant à l’étranger. Elle s’interroge, toujours sans pouvoir y répondre, sur les véritables raisons de laisser traîner ou même d’abandonner l’idée de profiter de la mine d’or noir que lui offre la Méditerranée. Un trésor à portée de main, mais toujours enfoui au fond de la mer. Pourtant, l’exploitation des ressources en hydrocarbure pourrait permettre au Liban de rejoindre le club des pays producteurs de pétrole, au moins dans quelques années. Mais qui s’en préoccupe pour le moment? Les spéculations pourraient se transformer en réalité, mais au lieu que des indices sérieux ne motivent les responsables libanais, ceux-ci ne réussissent toujours pas à s’affranchir d’une mentalité traditionnelle quelles qu’en soient les conséquences sur le présent et l’avenir du pays. Pendant ce temps, Israël progresse dans l’exploitation du pétrole abandonné par le Liban. Les entrepreneurs avertis annoncent depuis belle lurette que ce rêve se transformerait en réalité. Pour le moment, ce n’est hélas qu’un rêve qui, peu à peu, devient cauchemardesque.
Dans ce contexte, les Libanais sont toujours à la recherche d’une idée rassembleuse qui ferait l’unanimité parmi toutes les franges de la société. La décision de donner congé à toutes les écoles et universités, le 24 avril, date de la commémoration du centenaire du génocide arménien, est un début. Mais il reste un long chemin à parcourir.
Mouna Béchara