Le Liban et la Force arabe commune
La participation du Liban à la réunion des chefs d’état-major des armées arabes, à laquelle avait convié le secrétaire général de la Ligue arabe au Caire, n’a pas échappé aux dissensions ministérielles, sachant que la réunion était axée sur l’application de la décision du Sommet arabe de Charm el-Cheikh concernant la formation d’une Force arabe collective.
Les sources gouvernementales du 14 mars ont assuré que la décision doit être prise par le ministre de la Défense qui a reçu l’invitation et ne doit être soumise au Conseil des ministres qu’en cas d’objection de la part d’un ministre. Pour le 8 mars, «en l’absence de règle claire à ce sujet, tant qu’il s’agit d’une adhésion à une coalition arabe, la logique veut que l’invitation soit débattue dans le cadre du Conseil ministériel».
Après avoir participé aux réunions du Caire portant sur le projet de création d’une force arabe collective, le commandant en chef de la troupe, Jean Kahwagi, a mis le cap sur Riyad pour se réunir avec ses homologues des pays de l’Alliance internationale et arabe contre le terrorisme.
Joumblatt déclare, le Hezbollah se tait
Le Hezbollah s’est drapé dans le mutisme et s’est abstenu de répondre à Walid Joumblatt qui a clamé son appui total à l’Arabie saoudite dans sa guerre contre le Yémen et interpellé sayyed Hassan Nasrallah: pourquoi, lui dit-il, agis-tu de la sorte? Les proches du parti chiite estiment que son silence est dû à des considérations liées au statu quo établi de concert avec le Parti socialiste progressiste, à la relation bilatérale construite sur la neutralité de Joumblatt et sa dissociation de toute coalition interne qui cible la Résistance, et à la liberté laissée à chacune des deux parties de se positionner vis-à-vis du dossier syrien comme bon lui semble.
Siniora à Bkerké: pour faire quoi?
La visite de l’ex-président Fouad Siniora à Bkerké, après une longue rupture, a interpellé les observateurs:
– Par son timing à la veille du départ du patriarche Béchara Raï à destination de Paris pour une rencontre avec le président François Hollande et à la suite de la réunion importante du prélat maronite avec les ambassadeurs des grandes puissances.
– Par la teneur de la déclaration de Siniora, à sa sortie de Bkerké, dans laquelle il a insisté sur l’élection d’un président consensuel, soulignant qu’un chef d’Etat issu de l’entente est fort parce qu’il a la capacité de rassembler les Libanais par sa sagesse et son ouverture, et parce qu’il peut assurer la présence de 65 parlementaires au sein de la Chambre. Toutes ces caractéristiques s’appliquent, selon ces observateurs, à l’ex-ministre Jean Obeid.
Le poids des mots
L’attitude de sayyed Hassan Nasrallah à l’égard de Riyad et sa manière d’attaquer le régime saoudien à partir de Beyrouth vont précipiter le Liban dans une situation encore plus dangereuse que celle qui a suivi l’assassinat du président Rafic Hariri, estime une source diplomatique saoudienne. Le Liban risque de faire face à des difficultés politiques justement à cause des propos du secrétaire général du Hezbollah. Cette attitude affichée contre la Tempête de la fermeté va non seulement saboter le dialogue du Courant du futur avec le Hezbollah, souligne la source, mais aussi pourrait mener à la révision de ses objectifs. La revendication du désarmement du Hezbollah sera alors plus pressante que jamais.
Le dialogue de Aïn el-Tiné reporté?
L’idée de l’ajournement du dialogue de Aïn el-Tiné tente certains responsables du Moustaqbal qui invoquent deux raisons principales pour justifier un report de ces séances:
– A l’heure où le Hezbollah mène une confrontation politique féroce contre l’Arabie saoudite, la poursuite du dialogue réfléchit une image négative du Moustaqbal dans la rue sunnite.
– Etant infructueux, le dialogue assure une couverture au Hezbollah sans contrepartie de sa part.
Le Hezbollah, selon une analyse des milieux du Futur, joue à l’escalade face à l’Arabie dans le but de l’exaspérer afin de la pousser à demander à Saad Hariri de mettre fin à ces assises bilatérales. Parallèlement, le parti chiite essaie de montrer son attachement à la poursuite du dialogue pour ne pas avoir à assumer la responsabilité d’une déflagration politique et même sécuritaire. «Le Moustaqbal dit craindre que le Hezbollah ne veuille provoquer une crise du pouvoir parce qu’il est impossible que Nasrallah adopte ce ton agressif envers Riyad s’il ne s’est pas tracé un objectif interne à atteindre, surtout qu’il a dépassé les lignes rouges».
Le sommet de l’apaisement
L’objectif principal du sommet réunissant les Etats-Unis et les pays du Golfe à la mi-mai à Camp David se résume à la promotion par le président Barack Obama de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran. Il s’agit pour lui de rassurer les pays du Golfe et de réitérer son engagement à l’égard de la sécurité dans cette région, rapporte un diplomate arabe à Beyrouth. Ce sommet, précise-t-il, est supposé être l’autre face des négociations sur le nucléaire iranien, à savoir la reconnaissance par Washington que l’entente de Lausanne n’est pas la seule pierre angulaire du nouveau Proche-Orient. La Tempête de la fermeté a imposé à tous les acteurs de prendre en considération l’avis des Arabes.
Rallonges militaires
C’est le flou! Les Marada et le Tachnag sont tout à fait en accord avec la position du chef de l’Assemblée, Nabih Berry, sur la question du commandement de l’armée. Ils seraient disposés à voter pour la prorogation des mandats des chefs actuels si le risque d’une vacance est avéré. La question qui se pose est la suivante: si jamais Michel Aoun décide de se retirer du gouvernement, Sleiman Frangié et Hagop Pakradounian se solidariseront-ils avec lui? L’attitude du député Frangié manque de clarté. D’un côté, il affirme être opposé à la dissolution du contrat gouvernemental, et de l’autre, il déclare qu’il se retirera du cabinet si jamais ses alliés prenaient une décision collective dans ce sens.
Emissaire du Saint-Siège à Beyrouth
L’émissaire du Vatican, le cardinal Dominique Mamberti, qui était encore, il y a quatre mois, ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège, sera à Beyrouth, début mai. Une visite consacrée à la prospection de la conjoncture libanaise et chrétienne et aux derniers développements sur la présidentielle. Sera-t-il porteur d’une initiative visant à régler cette crise?
L’été passé, le Vatican avait dépêché le cardinal Fernando Filoni à Erbil à la suite des massacres et des actes de terreur dont furent victimes les chrétiens de Mossoul et de la vallée de Ninive.
Tripoli: le jeu d’Ankara
Les diplomates d’un grand pays arabe ont porté un grand intérêt aux incidents anti-arméniens enregistrés dans les régions du Liban-Nord, le 24 avril passé. Ce genre de perturbations attire encore plus d’interventions étrangères au Liban, qui ont pour effet d’endommager le tissu social national. Les Renseignements d’Ankara ont utilisé la scène libanaise, révèlent ces diplomates, la mohafazat du Nord précisément, pour une démonstration de force régionale contre l’Arménie et ses alliés, notamment la Syrie, la Grèce, Chypre et la Russie. Le festival, organisé par la Chambre de commerce de Tripoli, avait programmé des récitals de plusieurs groupes musicaux dont un groupe libano-arménien. Cette troupe, comme le festival, n’avait qu’un seul objectif: activer le commerce local et mettre en avant le rôle de la nouvelle direction de cette chambre à Tripoli. Mais la Turquie a joué la carte confessionnelle dans certains quartiers tripolitains, où des bandes de l’organisation des Ikhwan ont hissé le drapeau turc. Par ailleurs, des personnalités islamistes radicalisées ont émis des menaces feutrées contre les organisateurs du festival pour le saboter. Au Akkar, des jeunes gens des villages de Kawachra et Aïdamoun ont organisé un sit-in sur la route Halba-Kobeyate brandissant des drapeaux turcs et des calicots anti-arméniens. Les habitants de ces deux villages sont des Libanais d’origine turkmène.
Rififi au parti Baas
L’ex-secrétaire général du Baas, Fayez Chokr, a mis les pieds dans le plat en contestant la décision du commandement régional du parti, qui siège à Damas. Les milieux proches du parti rapportent que le groupe qui a écarté Chokr inclut le député Kassem Hachem, considéré comme une référence sunnite importante au sein du 8 mars dans la région du Arkoub-Hasbaya-Marjeyoun. L’homme à la personnalité charismatique dans son milieu est proche de Nabih Berry. Parmi les critiques dont Chokr fait l’objet, son immobilisme. Au lieu de profiter des ressources financières disponibles pour faire évoluer le parti au Liban, il s’est contenté de publier des communiqués et de faire des déclarations. De plus, ses adversaires l’accusent de s’approprier son poste. Les milieux pensent que l’ex-leader baasiste va céder le siège du parti à Beyrouth et livrer les avoirs aux nouveaux venus, ce qui mettra fin au bras de fer juridique inter-baasiste grâce à des médiations venues de derrière les frontières. Les adeptes libanais du parti Baas sont toujours divisés entre ceux qui portent allégeance à Damas et ceux encore fidèles au régime de Saddam Hussein, qui se sont organisés sous le label du Parti de l’avant-garde socialiste. C’est le vice-président syrien, Abdallah Ahmar, qui est à la tête du commandement régional du parti à Damas. Mais les nouveaux chefs libanais du Baas ont assuré qu’au Liban leur parti est soumis aux lois libanaises.
Saisie d’une fabrique d’explosifs
Si les forces terroristes ont réussi à implanter dans le plus grand secret un atelier pour la fabrication d’explosifs dans des zones résidentielles, cela démontre la détermination de ces groupuscules à développer leurs ressources militaires même avec les moyens du bord. Des sources qui suivent ce dossier indiquent que la fabrique de Marj, découverte par les Renseignements de l’armée, la semaine passée, suscite l’inquiétude dans la mesure où elle assure une forte production d’explosifs allant jusqu’à plusieurs tonnes, mettant en danger la sécurité nationale, bien que la production soit de facture primaire. La découverte et la saisie de l’usine de Marj, ainsi que l’arrestation des criminels par les Renseignements libanais constituent un développement majeur et une grande victoire dans la guerre préventive antiterroriste menée par le Liban. L’armée a investi le village de Marj dans la Békaa-Ouest après l’arrestation de plusieurs prévenus syriens et libanais dans la Békaa. D’après les sources, les terroristes de connivence avec quelques villageois avaient loué un grand dépôt en utilisant de faux documents, et commencé à produire des explosifs à base de nitrate. Les habitants ont raconté que l’armée avait réussi à saisir le contenu de quatre camions de cette matière explosive.
Terroristes en famille
Les enquêtes juridiques révèlent que Daech s’infiltre via des réseaux terroristes familiaux. Un expert sécuritaire dévoile que les aveux de Bilal Mikati devant le procureur militaire sont significatifs quant à l’extension de ce phénomène au Liban. Surtout que le recrutement de Mikati par l’«Etat islamique» a été effectué par le biais de son père, Abou Bakr, à Tripoli. A la suite de cet épisode, Bilal el-Otr – un individu recherché par la justice pour avoir participé à l’attaque contre l’armée à Bab el-Tebbané – a accompagné Bilal et son cousin Omar Mikati, alias Abou Houraïra, dans le jurd du Qalamoun à travers Ersal où il a prêté allégeance à l’EI, il y a une dizaine de mois. Le phénomène du terrorisme familial est également observé à Saïda, continue l’expert, avec le groupe d’Ahmad el-Assir, proche du Front al-Nosra. Il cite le cas de Moutassam Kaddoura, le fils de Saadeddine, l’ex-responsable militaire des Ikhwan dans la ville, (la Jama’a islamiya). Moutassam avait rejoint Assir avec son frère Massaab. L’enquête a également montré que Moutassam et sa femme sont en relation avec une cellule terroriste qui préparait une opération terroriste à Saïda. Mikati, alias Abou Omar le Libanais, a reconnu devant le juge qu’il avait égorgé le soldat Ali Sayyed à Ersal, prétextant qu’il était sous l’emprise de la drogue.