A 17 ans, Patricia Hakim était déjà animatrice de radio. Une grave faute médicale la privera de ses cordes vocales au cours d’une banale thyroïdectomie qui virera au cauchemar. Après 27 ans de silence, elle revient sur ces durs moments de sa vie qu’elle dévoile dans son premier ouvrage Les mots de mon silence, éditions Noir blanc et cætera. Plus qu’un témoignage, ce livre est une leçon de vie et de positivisme.
Vous décidez de revenir sur les erreurs médicales qui vous ont privée de vos cordes vocales. Une forme de thérapie par l’écriture?
La dernière opération que j’ai subie a eu lieu en 1987. J’ai donc attendu d’atteindre une certaine maturité, de dépasser mon amertume, de pouvoir pardonner avant d’écrire cet ouvrage. Je suis de nature positive. Je voulais faire partager ce que j’ai vécu pour que mon expérience soit un cri d’espoir et de détermination, de volonté de s’accrocher à la vie. Avancer, croire foncièrement que chaque moment apporte ses joies, c’est ce qui importe. Médicalement, je suis supposée avoir complètement perdu ma voix puisque je n’ai plus de cordes vocales. D’ailleurs, j’ai été aphone pendant longtemps. Evidemment que j’ai fait de l’orthophonie, une certaine réhabilitation de la voix qui n’a pas mené à grand-chose. Ce n’est que bien plus tard, que j’ai réussi à développer un certain mécanisme grâce à un petit muscle dans la glotte et c’est ce qui me permet de «parler».
Qu’est-ce que ces erreurs médicales ont changé dans votre vie?
Tout. Tout a changé. J’étais sportive, énergique, débordante de vie, animatrice de radio, puis, à près de 22 ans, je perds ma voix, ma respiration. Je ne pouvais plus rien faire, rien dire. Je devais m’habituer à gérer un nouveau corps qui portait désormais un handicap. Un handicap que je refusais. Pendant trois ans, mon seul souci était de survivre. Ce n’est que plus tard que je me suis reprise en main, côté carrière. J’ai décidé que j’avais la vie devant moi que je ne devais pas me considérer handicapée. De la radio, je suis passée à la télévision. J’ai réintégré la faculté pour reprendre mes études. J’ai tourné la page et accepté ma nouvelle vie en défiant le sort et le destin. J’ai appris à apprivoiser mon corps, à connaître ses limites, à essayer de les pousser un peu plus loin tous les jours jusqu’à atteindre un semblant de vie normale.
Qu’est-ce qui a changé au niveau de votre vie privée?
Là aussi, il a fallu tout reconstruire, malgré le fait que les médecins m’avaient condamnée. Ma condition effrayait parfois les hommes parce qu’ils ne voulaient pas se lier à une personne à problèmes.
La couverture de votre roman est très expressive: un moineau et un corbeau qui se font face…
Le moineau me représente, quand j’avais encore ma voix. Il est tout petit face à un corbeau dominant et assuré, qui représente ma voix après. Pourtant, on constate que le moineau parvient à crier au corbeau toute sa révolte. L’illustration est très fidèle au texte. Elle a été réalisée par Alexandre Akl, qui a dessiné la couverture, et Jessie Raphaël Bali, qui, par son graphisme, a su «déchirer» mon silence. Celle qui m’a poussée à écrire est Bélinda Ibrahim qui, en lisant une ébauche que j’avais écrite, m’a encouragée à aller plus loin. Mon ouvrage a été écrit en quinze jours, un peu comme s’il fallait sortir, d’une traite, tout ce que j’avais refoulé…
Quels sont vos projets en cours?
Je suis en train de rédiger un autre livre dans lequel je raconte une histoire d’amour inspirée de la réalité. Côté travail, je suis dans la production (je travaille à mon propre compte) et je voyage de pays en pays au gré de mon travail et de mes envies. Je suis heureuse d’avoir réussi à conjurer le sort… Il suffit de voir le verre à moitié plein pour combler tous les vides.
Propos recueillis par Danièle Gergès