Les canons tonnent aux frontières du pays et la menace jihadiste terrorise les Libanais. Ceux qui se prétendent ténors de la politique, promoteurs actuels du «dialogue», discutent du sexe des anges et échangent, à travers les médias, des critiques acerbes à peine voilées.
L’économie du pays prend un sérieux coup. Sa ressource principale, les secteurs du voyage et de l’hôtellerie le reconnaissent, est le tourisme estival avec l’espoir d’un retour, même provisoire, des émigrés de la nouvelle génération. Les statistiques annoncent une croissance fortement dégradée et une consommation réduite au minimum. Chacun serre les cordons de la bourse en prévision des mauvais jours. Ceci étant, les Libanais ne sont pas indifférents aux prix qu’ils ont obtenus au Festival de Cannes, ils en sont fiers comme des spectacles qui, malgré tout, leur sont promis cet été.
La bougie d’anniversaire du mandat présidentiel, qui s’est achevé le 25 mai de 2014, est éteinte. Elle le restera longtemps, s’il faut en croire les analystes et les discours enflammés des principaux protagonistes de la politique. Le palais de Baabda est sans hôte. Et le vide, comme chacun le sait, appelle le vide. Les autres institutions ne sont pas à meilleure enseigne. Le Parlement, qui s’est offert un nouveau mandat, ne se réunit pas n’ayant plus que «la mission impossible» d’élire un président de la République qu’une minorité de blocage (CPL, Hezbollah et Amal) refuse en boycottant la place de l’Etoile. Même l’étude indispensable d’une nouvelle législation électorale de la Chambre ne parvient pas à mobiliser les députés confortablement installés dans leurs sièges.
Le chef du Courant patriotique libre, candidat acharné à la présidentielle, déclare sans vergogne que la présidence lui revient sans discussion, comme toutes les nominations des cadres supérieurs de la fonction publique, notamment de la sécurité, sont du ressort de son camp. S’il s’agit d’équilibrer les quotas communautaires, tous les partenaires, quelles que soient leurs appartenances politiques, ne peuvent qu’être d’accord. Mais est-ce le véritable objectif?
Le gouvernement «d’intérêt national» compte des ministres de toute appartenance. Mais peut-on parler d’un cabinet d’union nationale? La mission actuelle du Premier ministre, Tammam Salam, qu’il remplit avec beaucoup de sagesse, est d’éviter tout désaccord entre les pôles radicalement opposés qui forment l’équipe au pouvoir. Nous sommes au pied du mur sur toutes les questions existentielles. Et les plus nombreuses, qui ne sont pas résolues par le dialogue, sont reportées sine die. A Ersal, où la bataille fait couler beaucoup d’encre, la population est dans la misère et ne demande qu’à être protégée que par les forces de l’Etat. La bataille de Nahr el-Bared, et le soutien accordé exclusivement à l’institution militaire, sont encore dans toutes les mémoires.
Le dialogue du CPL avec les Forces libanaises, annoncé et confirmé à cor et à cri par des médiateurs, tout autant que celui qui réunit le Courant du futur et le Hezbollah, ne peuvent plus convaincre une opinion aussi optimiste qu’elle s’acharne à l’être.
Pour sortir de l’ornière, le patriarche maronite appelle sans cesse à un retour aux institutions qui font tant défaut. Mais en vain. S’il ne désigne personne nommément, il s’adresse à la conscience des parlementaires, convoqués à la place de l’Etoile, avec la liberté totale d’élire celui qui répondrait le mieux aux aspirations du peuple. Avant de s’entendre sur l’éventuelle personnalité du président de la République, il faut définir ce qu’on attend de l’homme à la tête de l’Etat.
Et ce ne sont ni les déclarations sans recours du général Michel Aoun, ni le doigt menaçant de sayyed Hassan Nasrallah et sa voix aux vibrations tonitruantes, qui rassembleront sous la coupole un nombre suffisant «d’élus» pour désigner le chef de l’Etat. L’enjeu est trop important et le Hezbollah semble de plus en plus omniprésent. Ce que sayyed Hassan ne dit pas, c’est son porte-parole, le chef du bloc parlementaire, Mohammad Raad, qui ne cache pas la volonté d’une mainmise sécuritaire sur le pays. Il ne s’agit plus pour le parti de Dieu de collaborer avec les forces sécuritaires libanaises, il ne camoufle plus son acharnement à prendre le contrôle absolu de la sécurité du pays.
Mouna Béchara