Magazine Le Mensuel

Nº 3006 du vendredi 19 juin 2015

Histoire

Commémoration. L’héritage de De Gaulle au Liban

L’Association pour le développement de l’amitié libano-française (Adalf) a organisé, jeudi 18 juin, une soirée commémorant les 75 ans de l’Appel du 18 juin au couvent Saint-Jean de Deir el-Qalaa, à Beit Méry, dans le Metn. L’occasion de redécouvrir la place qu’a occupée et qu’occupe encore «le Grand Charles» au Liban.
 

Personne n’a aussi profondément incarné la France au Liban comme Charles de Gaulle. En l’espace d’une soirée, l’Adalf lui a rendu un hommage à sa hauteur; celle d’un personnage qui appartient tellement à l’histoire que son empreinte lui survit encore, plus de quatre décennies après sa mort. Sous les oripeaux du drapeau tricolore, son arrière-petite-fille Nathalie de Gaulle, l’ambassadeur de France Patrice Paoli, son homologue britannique Tom Fletcher et le ministre libanais de la Culture, Rony Araiji, ont tous, à leur manière, rappelé l’héritage qu’aura légué l’illustre Français à ses contemporains au Liban.
D’abord, à travers ses premiers pas dans la hiérarchie militaire. Tous les intervenants ont rappelé qu’avant d’être le général et l’architecte de la résistance qui a libéré la France en 1945, Charles de Gaulle était, 15 ans plus tôt, simple commandant, affecté à l’état-major des Troupes françaises du Levant, à Beyrouth, de novembre 1929 à novembre 1931. Un fait biographique souvent méconnu pourtant gravé dans la pierre. Dans la rue Mar Elias, à la lisière des quartiers beyrouthins de Moussaïtbé et de Carakol des druzes, une plaque est apposée sur le fronton d’un immeuble jaune aujourd’hui défraîchi. «Ici vécut De Gaulle», peut-on lire.
Le commandant De Gaulle a vécu deux ans dans l’un des appartements de cet immeuble, avec son épouse Yvonne, son fils Philippe et ses deux filles Elisabeth et Anne. Lorsque Charles se rendait au Grand sérail de Beyrouth pour s’occuper des deuxième et troisième bureaux de l’état-major, chargés du renseignement et des opérations militaires, Philippe fréquentait les bancs de l’école de l’Université Saint-Joseph (USJ) de Beyrouth et Elisabeth ceux de Notre-Dame de Sion. Autre rendez-vous privilégié de la famille, la messe chaque dimanche à l’église des Capucins, en contrebas du Grand sérail.
C’est de ces racines solidement ancrées dans le terreau libanais que les liens indéfectibles entre la France et le Liban, raffermis ensuite par le général et le président De Gaulle, ont protégé le Liban devenu indépendant des feux de l’Orient compliqué. Derrière la majestueuse Croix de Lorraine plantée sur l’estrade, se dessinent presque les mouvements du drapeau libanais flottant fièrement. Militaire, De Gaulle fut visionnaire, voire prophétique pour certains, comme l’indique le discours mémorable qu’il prononça il y a 84 ans. Architecte de la politique arabe de la France, il fut l’ami des Libanais, celui qui les a défendus lorsqu’il décide de l’embargo sur les armes israéliennes après l’attaque de l’aéroport de Beyrouth dans la nuit du 28 au 29 décembre 1968.
L’héritage de De Gaulle n’a décidément rien perdu de sa richesse. Reste au Liban de savoir le faire fructifier…

Le discours historique de Charles de Gaulle à l’USJ
Le 7 juillet 1931, le commandant Charles de Gaulle prononce un discours à l’Université Saint-Joseph d’une frappante actualité. En voici un extrait: «Oui, le dévouement au bien commun, voilà ce qui est nécessaire, puisque le moment est venu de rebâtir. Et justement, pour vous, jeunesse libanaise, ce grand devoir prend un sens immédiat et impérieux, car c’est une patrie que vous avez à faire. Sur ce sol merveilleux et pétri d’histoire, appuyés au rempart de vos montagnes, liés par la mer aux activités de l’Occident, aidés par la sagesse et par la force de la France, il vous appartient de construire un Etat. Non point seulement d’en partager les fonctions, d’en exercer les attributs, mais bien de lui donner cette vie propre, cette force intérieure, sans lesquelles il n’y a que des institutions vides. Il vous faudra créer et nourrir un esprit public, c’est-à-dire la subordination volontaire de chacun à l’intérêt général, condition sine qua non de l’autorité des gouvernants, de la vraie justice dans les prétoires, de l’ordre dans les rues, de la conscience des fonctionnaires. Point d’Etat sans sacrifices. D’ailleurs, c’est bien de sacrifices qu’est sorti celui du Liban.

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