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Nº 3006 du vendredi 19 juin 2015

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HORIZONS

Les planches du Monnot s’animent. Les Cavaliers et Un obus dans le cœur

Après l’immense succès du Porteur d’Histoire l’année dernière, Persona Productions accueille, sur les planches du théâtre Monnot, deux nouvelles pièces, Les Cavaliers (22, 23 et 24 juin) et Un obus dans le cœur (25 et 26 juin).

Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître. Au début de l’année, pour son «bain de baptême», Persona Productions, menée par sa fondatrice, Joëlle Zraick (voir encadré), fait venir au Liban la pièce Le Porteur d’Histoire d’Alexis Michalik, lauréat de deux Molière 2013, du meilleur auteur francophone et du meilleur metteur en scène. Il avait assailli la scène française comme un coup de vent jubilatoire et rafraîchissant, et il en a fait de même au Liban. Pour sa deuxième aventure, Persona Productions propose au public libanais deux nouvelles pièces: Les Cavaliers et Un obus dans le cœur.
Pièce librement adaptée par Eric Bouvron du roman d’aventures éponyme de Joseph Kessel, Les Cavaliers, qui sera présentée les 22, 23 et 24 juin, suit l’histoire du jeune et orgueilleux Ouroz qui participe au tournoi le plus important d’Afghanistan, le Bouzkachi du roi, un sport très violent où tous les coups sont permis. En tombant de son cheval, Ouroz brise sa jambe et ses rêves. Humilié, il décide de rentrer dans sa province lointaine en prenant le chemin le plus difficile afin d’effacer sa honte face à son père, le grand Toursène, héritier d’une longue lignée de cavaliers jusque-là couronnés par la gloire. Ainsi commence pour Ouroz, accompagné de son fidèle serviteur Mokkhi et de Jehol, son magnifique cheval fou, un long et périlleux voyage initiatique, nourri de lieux et de rencontres extraordinaires. Mettant en scène Grégori Baquet, Eric Bouvron, Khalid K et Maïa Guéritte, mis en scène par Eric Bouvron et Anne Bourgeois, Les Cavaliers est un spectacle tout public à partir de 14 ans, qui a récolté l’enthousiasme de la critique, La Marseillaise notant qu’il «faut un petit moment à la sortie de la pièce pour remettre les pieds sur terre». Après Les Cavaliers, et pour deux soirées seulement, les 25 et 26 juin, le théâtre Monnot accueille Un obus dans le cœur. Version théâtrale et jeunesse du roman Visage retrouvé de Wajdi Mouawad, le texte a été adapté à la scène par Catherine Cohen. Le comédien Grégori Baquet interprète le personnage de Wahab, pour lequel il a obtenu le Molière 2014 de la Révélation masculine, qui est réveillé en pleine nuit par un coup de téléphone lui apprenant que sa mère, malade d’un cancer, agonise. Le chemin jusqu’à l’hôpital emmène les spectateurs entre le passé et le présent, le Canada et le Liban, l’enfance et l’âge adulte, la colère, la tendresse, l’humour jusqu’au face-à-face avec la mort et la confrontation avec soi-même.

Nayla Rached
 

Entretien avec Joëlle Zraick

Comment sélectionnez-vous les spectacles?
Le critère principal pour ma sélection, c’est la qualité. Je ne ramène pas une pièce si ce n’est pas un coup de cœur. De nos jours, avec les moyens fabuleux du cinéma et les multiples divertissements qu’on nous propose, on devient de plus en plus exigeant, et on s’ennuie trop souvent au théâtre, au point que cet art est devenu, pour la majorité des gens, un peu «has been», poussiéreux… Je veux donc montrer aux spectateurs, et notamment aux jeunes qui ne s’intéressent plus du tout à la scène, que lorsque le théâtre est de qualité, il peut être aussi et même plus puissant que d’autres arts. Il est capable de nous faire voyager, vibrer, rire et pleurer. Quel que soit le genre de la pièce, comédie, drame etc., quand c’est du bon théâtre, on oublie qu’on est assis dans son fauteuil le temps de la représentation, et on fait un magnifique voyage.

Les compagnies de théâtre acceptent-elles facilement de venir au Liban?
En général, les artistes français sont très curieux de découvrir le Liban. Ça les intrigue, ce melting-pot que nous sommes, le fait de parler plusieurs langues, d’avoir vécu la guerre, de mélanger la culture orientale à l’occidentale. La troupe du Porteur d’Histoire était ravie de visiter le Liban. De même pour celle des Cavaliers et d’Un Obus dans le cœur : ils sont impatients d’être ici.

Le porteur d’Histoire a été la première pièce que vous avez ramenée au Liban. Pouvez-vous nous parler davantage de Persona Productions, et pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure?
Lorsque j’ai assisté la première fois au Porteur d’histoire, je me suis dit: «Ce sera la première pièce à venir au Liban», et ce rêve s’est réalisé. J’étais un peu fâchée avec mon pays et avec ce qui s’y passait: le fait de constater que la culture en général et la langue française en particulier (en tant qu’ex-enseignante de littérature) étaient en recul, qu’on perdait petit à petit ce qui nous distinguait dans la région: notre richesse culturelle. Passionnée depuis toujours de théâtre et de littérature, je faisais de plus en plus de voyages pour assouvir ma passion. Puis je me suis dit que c’était égoïste et qu’il fallait partager ce plaisir avec les spectateurs libanais en leur offrant des spectacles de qualité qui remportent du succès en Avignon ou à Paris et soutenir, par ce moyen, la francophonie au Liban. Je veux que le spectateur libanais puisse voir des spectacles d’actualité: Les Cavaliers, grand succès du Festival off d’Avignon 2014, est programmé à Paris l’hiver prochain. Le public libanais pourra donc le voir avant le public parisien! Quant à Un Obus dans le cœur, la troupe va arrêter les représentations parisiennes au théâtre des Déchargeurs une semaine plus tôt que prévu, pour venir jouer chez nous. Nous sommes donc au cœur de l’actualité théâtrale française. C’est magnifique!

Vous attendiez-vous au succès du Porteur d’Histoire?
Je savais que les spectateurs l’apprécieraient parce que c’est une pièce exceptionnelle, mais le succès a dépassé mes attentes. D’ailleurs, nous avons dû organiser une prolongation en dernière minute. J’ai reçu des retours très touchants: des mails, des messages pour me dire qu’il fallait surtout continuer, qu’ils avaient vécu un grand moment de théâtre… Et même des jeunes qui étaient sortis bouleversés par la pièce et qui m’ont dit que ça leur avait donné envie de voir des spectacles et de jouer.

On a l’impression que Persona Productions est en train de combler un certain vide au niveau de la scène culturelle francophone en ce qui concerne le théâtre au Liban. Qu’en pensez-vous?
Il y a des initiatives locales intéressantes, mais elles ne sont pas assez nombreuses. Persona Productions cherche à enrichir la scène culturelle francophone au Liban en accueillant des pièces de l’étranger, mais pourrait aussi encourager des projets locaux, ou franco-libanais. L’un n’empêche pas l’autre. Tant que l’objectif est un théâtre de qualité et que les salles se remplissent de spectateurs satisfaits!

Propos recueillis par Nayla Rached

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