«Le général Aoun est un passage obligatoire pour la présidence». Ces quelques mots prononcés par sayyed Hassan Nasrallah ont suscité une volée de réactions, aussi bien dans les rangs des alliés que des opposants. Une expression qui a nécessité une mise au point, que Nasrallah a tenu à faire personnellement et de manière officielle, alors qu’il est rare qu’il sorte de son silence pour éclaircir une idée ou des propos survenus dans l’un de ses discours.
«Le passage obligatoire» a été lu par le Courant du futur et les forces du 14 mars en général comme un indice positif dans le discours de Hassan Nasrallah, reflétant un assouplissement dans la position du Hezbollah. Mais tout ce qu’ils ont retenu de cette expression, c’est que le parti de Dieu ne voit plus le général Aoun comme le seul candidat à la présidence, mais comme un passage obligatoire vers celle-ci. De plus, Aoun ne serait plus aux yeux du Hezbollah un président ou un projet de président, mais un grand électeur et un partenaire dans la fabrication d’un président. Le Hezbollah lancerait ainsi un premier signal se montrant prêt à renoncer à son fameux adage «Aoun ou personne», et à passer à une étape ultérieure, où il pourrait discuter d’un compromis ou d’un président consensuel.
Non aux compromis
Appuyant le général Michel Aoun et adoptant sa candidature, sayyed Hassan Nasrallah a déclaré: «Lorsque nous disons que le général Aoun est un passage obligatoire, ceci ne veut pas dire qu’il n’est plus notre candidat. Il reste un passage obligatoire qu’il soit candidat ou pas. Nous confirmons aujourd’hui qu’il n’y a aucun changement ou modification dans notre position. Le général Aoun est un candidat naturel, fort, possédant une large base populaire. L’expression ‘passage obligatoire’ ne change pas et n’affaiblit nullement la force de notre engagement».
Face à l’affirmation du sayyed, le chef des Forces libanaises exprime des doutes. Il affirme que «le véritable candidat du Hezbollah n’est pas le général Michel Aoun et le Hezb garde cette carte pour le jour du compromis», indiquant que le parti n’a pas déployé de grands efforts pour l’élection du général et qu’il est heureux de le voir maintenir sa candidature car il est le premier à en profiter.
Des sources bien informées ont indiqué que sayyed Hassan Nasrallah a dû éclaircir et corriger ses propos car ceux-ci ont été mal interprétés et ont été compris comme si le Hezbollah faisait marche arrière. Même si le parti de Dieu avait l’intime conviction que les chances de Aoun dans la présidence étaient faibles ou presque inexistantes, il ne manifesterait pas cette conviction publiquement. Il ne renoncerait pas à une carte importante dans cette étape transitoire grise, oscillant entre le compromis et l’escalade. Ces sources indiquent également que Nasrallah est sorti de son silence pour éclaircir la confusion, non seulement pour rassurer les alliés et faire baisser le plafond des spéculations, mais, surtout, pour répondre à une activité politique, amorcée par des parties libanaises, encouragées par des forces régionales et internationales, en vue de faire bouger le dossier de la présidentielle sur de nouvelles bases, la première étant celle de tourner la page de la candidature de Aoun et le passage à un président consensuel. Cette réponse catégorique du sayyed a pour but de mettre fin à tout projet de compromis sur le dossier de la présidence aux dépens de Michel Aoun, car son échec aurait pour but de l’affaiblir et de l’isoler en prévision d’encercler le Hezbollah.
Quatre noms en lice
L’heure du président consensuel n’a pas encore sonné. Mais si elle devait arriver, quatre noms seraient en lice: Jean Obeid, Jean Kahwagi, Georges Khoury et Riad Salamé. Si la théorie du passage obligatoire était adoptée, le général Kahwagi en serait le premier affecté car son principal − et probablement unique problème − est avec le général Michel Aoun qui a haussé le plafond de l’escalade et de la confrontation avec le commandant en chef de l’armée, non pas pour empêcher la prorogation mais pour lui couper court la voie vers le palais de Baabda…
Joëlle Seif
Le véritable candidat
«Le véritable candidat» du Hezbollah mentionné par Samir Geagea serait probablement le chef des Marada, Sleiman Frangié, dont la relation avec Michel Aoun connaît une tension pour cette raison. Frangié estime que ses chances sont plus fortes que celles du général. Il pourrait obtenir l’appui «non forcé» de Nabih Berry et des voix du 14 mars, des Kataëb en tête. Frangié pourrait aussi attirer des voix sunnites, telles que celles des députés de Tripoli, ainsi que des voix modérées. Le nom de Sleiman Frangié aurait été mentionné par un responsable russe auprès de Walid Joumblatt.