Magazine Le Mensuel

Nº 3016 du vendredi 28 août 2015

Spectacle

[Copy of] [Copy of] Zoukak, en résidence, présente: scène de bataille

Du 3 au 6 septembre, la compagnie de théâtre Zoukak présente sa dernière création, au théâtre al-Madina: Scène de bataille (The battle scene, masrah el-maaraké). Magazine est allé à sa rencontre pour suivre son processus créatif. Quand le témoin cède la place au faiseur d’action…

Ils sont en résidence depuis un mois environ à Nabatiyé, pour la première fois au Liban, dans un autofinancement qui leur laisse toutes les marges de la liberté. Les membres fondateurs de la compagnie de théâtre Zoukak et leurs collaborateurs, dont le nombre s’est encore élargi, dix-sept personnes au total, en cogitation créative continue qui durera, fidèles à leur modus operandi, sûrement jusqu’à la dernière minute, avant même de monter sur scène, face au public, pour les représentations de leur dernière création Scène de bataille du 3 au 6 septembre, au théâtre al-Madina, à Hamra.
Dans la maison familiale prêtée par les grands-parents de l’un d’eux, ils nous accueillent, en fin de journée, une journée exténuante où les répétitions se sont enchaînées, sous le soleil frappant. Fatigués, butant sur des accrocs quant à la création, là où, à un moment ça bloque, ils nous ont quand même donné l’occasion d’être le témoin de leur processus créatif.
 

Silence, la guerre est déclarée
Témoin, processus créatif; il est exactement question de cela dans Scène de bataille. Au bout de neuf ans de travail et de création, le moment est venu pour Zoukak de prendre du recul, de re-questionner, non plus seulement le monde qui nous entoure, l’absurdité dans laquelle nous baignons, mais les outils de travail. Une pièce qui tombe dans l’actualité justement, où il n’est plus question de se positionner comme témoin mais comme faiseur d’action. Pour changer donc de positionnement, les outils de travail doivent eux aussi changer, se modifier, se développer, autrement, différemment. Ne plus être importés d’un questionnement théâtral occidental, même s’il est adapté, mais naître ici-même, sur la scène. La scène qui devient, figurativement et littéralement, un champ de bataille. C’est ce que laissent présager les premières trente minutes de la pièce auxquelles nous avons eu l’occasion d’assister.
L’un après l’autre, le regard glauque, noir, profond, les yeux dans le vide, pourtant scrutateur du néant, les traits émaciés, presque provocateurs, empreints de répulsion, de nausée à peine contenue, les acteurs, mot qui prend là tout son sens, ou du moins un sens autre, s’avancent, nous affrontent, par le silence, les gestes, la violence. Tout est contenu pour éclater dans le silence, la violence physique qu’ils s’infligent. Aucun mot n’est dit les premières minutes, et pour une création «zoukakienne», – tentons le mot! -, voilà déjà, a fortiori, une différence, non seulement formelle, mais fondamentale. Omar Abi Azar, metteur en scène de la pièce, avait déjà relevé d’ailleurs les efforts de la troupe dans ce sens. Un choix qui découle d’un positionnement à la fois conceptuel et thématique.
Pourtant, les mots ne tardent pas à venir, lentement construits pour renvoyer à la représentation, à ce qu’est une représentation, au théâtre dans le théâtre, au résultat et au processus à la fois. Un musée, un tableau, des œuvres artistiques, le monde externe, le monde interne, spectateur et personnage à la fois, des scènes de batailles transmises en mots. Et l’annonce de la guerre fut. Dans la violence crue des cris qui glacent le corps. Dans la violence viscérale. Où s’emmêlent les rituels, les sons et les bruits. Implacables. Sans pitié. Sans répit. Impossible d’y échapper. Un champ de bataille. Une scène de bataille.

Nayla Rached

Le rendez-vous est lancé, du 3 au 6 septembre, la compagnie de théâtre Zoukak vous donne rendez-vous, sur la Scène de bataille, au théâtre al-Madina, à 20h30.
Billets en vente à la Librairie Antoine
et en ligne: www.antoineticketing.com –
30 000 L.L. (15 000 L.L. pour la représentation du 5 septembre).

Fiche technique
Mise en scène: Omar Abi Azar.
Dramaturgie: Maya Zbib et Abdallah el-Kafri.
Acteurs: Lamia Abi Azar, Hashem Adnan, Ramzi Hibri, Joseph Kaï, Chrystèle Khodr, Tamara Saadé, Junaid Sarieddeen et Maya Zbib.
Scénographie: Nathalie Harb.
Musique: Khaled Yassine.

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