Les musées et galeries d’art contemporain se l’arrachent. Le sculpteur québécois, installé à New York, attire, subjugue, épate, déconcerte, révulse mais demeure inoubliable. Après deux expositions à Paris puis à Bruxelles, Le MAC de Montréal l’accueille, jusqu’au 13 septembre, dans une rétrospective fantasmagorique: Flux.
C’est plus qu’une exposition d’une trentaine d’œuvres phénoménales dont certaines gigantesques, c’est une plongée en apnée dans un monde de détails hybrides qui dénotent un imaginaire illimité et une pulsion créatrice difficiles à traduire en mots.
Ses œuvres sont un continuum de matériaux et de parties de toutes sortes: têtes humaines aux chairs détachées, animaux empaillés, monstres mythiques, loups-garous, fantômes, anges, bouts de bras, crânes troués… le tout en métamorphose continue dans des scènes qui se suivent, évoluent, créant des atmosphères différentes. La plupart des structures sont enclavées dans des cubes en plexiglas reproduits à l’infini dans un jeu de miroirs cassés qui se décuplent, se répondent, s’amplifient. La plus imposante de l’événement: The flux and the puddle est une sculpture phare, une sorte de synthèse qui comporterait tous les matériaux de travail de celui qui se reconnaît comme étant le fétichiste de l’énergie.
Il faut savoir que pour créer ses productions complexes et évolutives, l’artiste montréalais le plus connu et le plus convoité de sa génération, à l’échelle internationale, emploie autant de matériaux que l’on peut imaginer pour créer des créatures incongrues, aux dimensions hallucinantes et anthropomorphiques. Une complexité technique abondante faite d’ossements, de plumes d’oie, de fils de fer, de carcasses, de touffes de cheveux, d’éclats de verre, de fleurs synthétiques, de colle, d’acier, de noix de coco, de toile de jute, de bois, d’encre, de grains de café, de plâtre, de polystyrène, de yeux de verre, de peinture acrylique…
Ses installations sont fascinantes. Tout à la fois minutieuses et colossales, elles relèvent d’un délire d’imagination et de visions cauchemardesques. Son œuvre est un mélange inexplicable de science-fiction, de fantastique et d’étrange…
L’artiste de 40 ans, demeuré modeste malgré sa notoriété, ne donne pas d’explication à sa démarche. Il compare son œuvre à une promenade en forêt durant laquelle on suit une fourmi ou on admire le paysage. On se laisse aller à l’émotion suscitée par ce que l’on voit; sans penser, sans vouloir comprendre l’organisation, le fonctionnement de chaque plante, arbre ou insecte rencontrés. Ses échafaudages, ses installations surprenantes, particulièrement détaillées, n’ont pas une finalité précise. Leur but, d’après Altmejd, serait de générer du sens plutôt que d’en contenir.
Excroissances géométriques, labyrinthes surréels, compositions sculpturales, l’univers onirique de David Altmejd reproduit bien sa vision du monde selon laquelle «Le corps est un objet qui contient l’infini». On en reste abasourdi… à l’infini.
Gisèle Kayata Eid, Montréal