Magazine Le Mensuel

Nº 3018 du vendredi 11 septembre 2015

Spectacle

The battle scene. L’ultime cri

Présentée du 3 au 6 septembre au théâtre al-Madina, The battle scene, la dernière création de la compagnie de théâtre Zoukak, sonne comme une ultime explosion. Finale?

The battle scenenous fait tout de suite entrer au cœur de l’action, du silence du geste, de l’intensité de la violence. Les sept acteurs entrent sur scène, visage placide, regard droit, sourire narquois. Ils semblent nous défier. Eux, ils ont la capacité d’agir. Nous, nous ne sommes que des spectateurs. Cette fois, nous sommes les seuls et uniques témoins. Du moins, les quelques premières minutes. Le temps qu’ils traversent la scène d’un côté jusqu’à l’autre.
Là, tout commence à changer. Le spectateur s’implique davantage, de plus en plus, parce que ce rapport s’établit presque physiquement. Le corps cesse d’un coup d’être au repos. Il se tend. Il n’y a pas de temps pour analyser à froid. Plongée immédiate, noyade, naufrage, asphyxie. Devant des seaux d’eau, nos alter ego deviennent les acteurs de leur propre mort. Nous sommes les responsables de notre mise à mort, qu’elle soit réelle, virtuelle, fictive, imaginée. La mort, les morts, les morts vivants envahissent la scène, débordent de partout, dans l’absence de mots et dans les mots matraques. Dans ce cri de guerre final qui empoigne le corps et l’esprit.

 

Quand le sang se fige
Magazineavait eu l’occasion de suivre la compagnie Zoukak, le mois dernier, lors de la résidence de travail tenue à Nabatiyé, au cours de laquelle nous avons pu assister à ce travail qui était en cours. Tout en sachant, qu’avec Zoukak, jusqu’à la dernière minute, des changements peuvent être apportés. Toute l’actualité, en effet, semblait émaner du spectacle; les mots, les gestes résonnaient de tant et tant de suggestions, de reflets, de naufrages, mot qui n’a jamais eu autant de répercussions. Il n’y a plus aucun îlot de sécurité, les pleureuses ne sont plus des pleureuses. Rien à perdre, rien à gagner. La mort.
Zoukak, à travers cette pièce, fait plus que nous montrer un immense miroir réfléchissant. Sur la scène du théâtre al-Madina, sur cette scène de bataille, les acteurs ne cessent d’avoir une double fonctionnalité, une double position, passant de l’un à l’autre, ou habitant les deux simultanément. Et c’est en cela que réside la puissance de suggestion de The battle scene, la dualité de l’humanité, l’ambiguïté de cette éternelle relation entre la victime et le bourreau, d’autant plus amplifiée que la dichotomie s’estompe, que les barrières limitatives deviennent de plus en plus floues. Alors agir encore. Ne cesser de se positionner au cœur de l’action. Nous ne pouvons être que des témoins.

Nayla Rached

 

 

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