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Paul Khalifeh

Le facteur russe en Syrie

La Russie a franchi un nouveau palier dans son implication dans la crise syrienne en renforçant considérablement sa présence militaire en Syrie. Les informations sur l’acheminement dans ce pays d’armes et de matériels militaires, qui foisonnent dans la presse depuis des jours, ne sont plus des rumeurs. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a confirmé que les avions russes qui partent pour la Syrie transportent de l’aide humanitaire et des équipements militaires, conformément à des contrats conclus avec le gouvernement syrien, parfois il y a plus de 30 ans. Toutefois, le niveau de l’engagement militaire russe en Syrie reste encore à déterminer. Mais le recoupement des informations disponibles laisse penser que Moscou, qui a établi jusqu’au 24 septembre un pont aérien vers la Syrie, fournit à l’armée syrienne des armes nouvelles et modernes. Il s’agirait, essentiellement, de transports de troupes BTR 82 A (ce véhicule, à huit roues motrices, est considéré l’un des plus performants au monde), de camions Ural, de pièces d’artillerie, de pièces de rechange pour les hélicoptères et les avions de combat, et d’au moins sept chars T-90, à en croire des sources américaines. Il n’est pas clair si ces tanks sont manœuvrés par des militaires syriens ou des équipages russes.
La Russie aurait également entrepris de réaménager la base aérienne de Hmeimim, près de Jabla à Lattaquié, et aurait mené des manœuvres navales au large de Tartous, entre le 14 et le 17 septembre.
La recrudescence de l’activité militaire en Syrie s’accompagne d’un changement de ton de la part des dirigeants russes. Loin de nier les informations sur la livraison d’armes à la Syrie, Vladimir Poutine a justifié la position de Moscou par la nécessité de lutter «contre l’agression terroriste». «Nous lui avons proposé (à la Syrie) et nous continuerons de lui offrir une aide militaire technique», a déclaré le président russe en réponse aux critiques de Washington sur le déploiement de matériel en Syrie.
Certains analystes aimeraient voir, derrière ce regain d’activités militaires russes en Syrie, une lutte d’influence entre Moscou et Téhéran. Mais cela est peu probable. Il semble, au contraire, que ce déploiement se soit fait en étroite coordination avec l’Iran, surtout qu’il intervient après deux visites en moins d’un mois en Russie de l’homme fort des Gardiens de la Révolution, le général Qassem Suleimani. Lors de sa première visite, début août, il se serait longuement entretenu avec le président russe.
Pour justifier son implication militaire croissante en Syrie, Vladimir Poutine évoque deux questions qui intéressent les Européens en premier lieu: le terrorisme et l’afflux de réfugiés. «La priorité aujourd’hui est à la nécessaire union de nos forces contre le terrorisme. Sans cela, il est impossible de résoudre d’autres problèmes urgents, comme celui des réfugiés», a-t-il déclaré mardi dernier. Selon lui, si la Russie cessait son soutien à Bachar el-Assad, le flot de réfugiés vers l’Europe serait encore plus important. «Ce que fuient les habitants de la Syrie, c’est tout d’abord les combats, qui sont le fruit d’une intervention extérieure, des livraisons d’armes et autres équipements, a-t-il affirmé. Les gens fuient le pays à cause des atrocités commises par les terroristes. Nous savons très bien comment ils procèdent, comment ils tuent les gens et détruisent les monuments. C’est ce radicalisme qui fait fuir les gens. Et sans le soutien apporté au gouvernement syrien par la Russie, la situation serait aujourd’hui bien pire qu’en Libye et le nombre de réfugiés n’en serait que plus grand».
Vladimir Poutine reprend les arguments des Occidentaux pour justifier son soutien au régime syrien. Mais au-delà des discours, son engagement militaire vise à montrer à ses «partenaires» européens et américains que la Russie compte défendre sa zone d’influence en Syrie et que toute solution politique dans ce pays doit obligatoirement prendre en compte les intérêts de Moscou. Sinon, la guerre continuera avec de nouvelles donnes.

Paul Khalifeh

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