Magazine Le Mensuel

Nº 3022 du vendredi 9 octobre 2015

general

Altercations au Parlement. Jeux de mains jeux de gamins

Une violente altercation a opposé des députés du Courant du Futur et du bloc aouniste dans l’enceinte du Parlement. Tout s’est enclenché sur fond de débat autour de la question controversée de l’électricité… sous l’œil gourmand des caméras.

La scène a été filmée, semant la stupeur dans l’opinion publique. La violence verbale dont ont fait preuve Hikmat Dib, Ziad Assouad et Fadi Aouar (CPL) d’une part, Mohammad Kabbani et Jammal Jarrah (Futur) d’autre part, laisse pantois. Certes, les citoyens libanais ont appris, et souvent à leurs dépens, à quel point les sentiments sont exacerbés et illustrent la forte polarisation de la vie politique, mais de là à imaginer ce qui allait se passer… Le débat fut donc percutant. Un échange d’injures et d’accusations, chaque partie traitant l’autre de tous les noms.
Dans les faits, les députés devaient assister à une réunion de la Commission parlementaire des Travaux publics. Avant le début de la réunion, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a rappelé avoir présenté ses projets lors de la dernière séance, et qu’il attendait la réponse du ministère de l’Energie. La tension est vive entre les deux ministères, pourtant dirigés l’un par un ministre du mouvement Amal et l’autre du Bloc du Changement et de la Réforme, tous deux faisant partie du même camp politique. Les deux ministères s’accusent mutuellement d’être responsables de l’état délétère du secteur électrique et hydraulique. Dans un autre registre, les députés de la commission devaient soulever une question épineuse: l’argent que le Futur accuse Gebran Bassil d’avoir dilapidé quand il était ministre de l’Energie. Les députés se réunissent donc pour discuter des points de litige sur ces questions. Mais dès les premières secondes, Mohammad Kabbani clôt la séance lorsque Hikmat Dib l’accuse de falsifier les rapports et de ne pas agir comme un président de commission digne de ce nom. Le député de Baabda se base sur une déclaration de Kabbani dans laquelle il dit, en parlant de Bassil, «Ali Baba et les 40 conseillers». Riposte agressive donc de Hikmat Dib qui, face aux caméras, demande au député de Beyrouth de commencer par payer ses factures d’électricité. Kabbani s’emporte, réfute l’accusation (bien que son nom figure sur la liste des citoyens ne payant pas leurs factures) et suspend la séance malgré les vociférations de Fadi Aouar, qui réplique: «La séance ne t’appartient pas pour que tu en fasses à ton gré». Echanges d’injures et d’accusations de toutes sortes. Jammal Jarrah intervient et envenime les choses lorsque Ziad Assouad, s’emportant, essaie de saisir une bouteille d’eau en plastique pour la lancer sur lui. Ali Ammar tente de calmer les esprits, mais en vain. Nabil Nicolas intervient à son tour n’arrangeant pas les choses. Au contraire, le ton monte et, forcément, la séance est levée.
Selon Jammal Jarah «les députés du CPL ont envenimé exprès la rencontre parce qu’ils ne voulaient pas affronter les accusations. Ils ont fait preuve d’une impolitesse et d’une bassesse inouïes», dit-il à Magazine. C’est une honte de s’en prendre ainsi au président de la commission, juste pour fuir leurs responsabilités».
Et de poursuivre: «L’affaire est claire: il y a eu une magouille entre Gebran Bassil et une société chypriote. Cinquante millions de dollars ont été ajoutés à la facture disant qu’il s’agissait d’une soi-disant TVA, or la Cour des comptes déclare que celle-ci est comprise automatiquement et figure dans la facture globale. Elle ne doit pas être ajoutée». «Les preuves sont concrètes, les 50 millions de dollars ont été illégalement ajoutés. Il y a escroquerie de l’argent public et j’assume mes propos», a-t-il renchéri.
Interrogé par Magazine sur cette altercation qui a eu lieu, Ziad Assouad déclare: «Mohammad Kabbani est un menteur. Il fait devant la presse des déclarations qui sont contraires à ce à quoi on s’entend dans les réunions. Il falsifie les faits à sa guise. Quant à Jammal Jarrah, oser prétendre que nous sommes des voleurs et s’attendre à ce qu’on ne réagisse pas, il faut le faire. Nous avons défendu notre honneur en le faisant taire. Nous sommes venus à la réunion pour précisément apporter des documents qui démontrent la façon dont ces contrats ont été signés et réfuter leurs accusations gratuites. Mais il a voulu torpiller la séance pour ne pas nous en donner l’occasion, ce personnage malhonnête dont tout le monde connaît les antécédents depuis ses magouilles avec Abdel-Halim Khaddam, en passant par une longue liste de personnages corrompus à son image. Et je m’arrête là».

Danièle Gergès
 

Antécédents sans précédent…
Le 9 juillet 2015, une altercation verbale oppose le Premier ministre Tammam Salam au ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, au Conseil des ministres, sur fond de divergences sur les prérogatives du gouvernement en l’absence d’un chef d’Etat.
En mai 2012, Ziad Assouad (CPL) s’en est pris au Courant du Futur, l’accusant d’être impliqué, par le biais de son vice-président Samir Doumit, dans un marché lié à l’électricité. Le député Ahmad Fatfat (Bloc du Futur) rappelle «l’argent du Casino», dans une allusion claire à l’épouse du parlementaire aouniste.
En juillet 2011, toujours lors d’un débat parlementaire, un échange d’insultes a eu lieu entre Khaled Daher (député du Akkar) et son collègue Assem Kanso (Baas pro-syrien), Kanso allant jusqu’à traiter Daher de chien après l’hommage rendu par ce dernier au peuple syrien en révolte contre le régime de Bachar el-Assad.
En août 2008, également dans un débat parlementaire, Ali Ammar (Hezbollah), demande au député Elias Atallah (Gauche démocratique) de «s’asperger de parfum la gueule avant de parler de la Résistance» en le traitant aussi de «valet».

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