Machnouk/Nasrallah: la comédie du dialogue
A quoi tiennent notre vie et notre destin. L’escalade verbale entre le Hezbollah et le Courant du futur ne tarira pas de sitôt. Les propos des uns et des autres ne sont pas lancés en l’air; ils expriment la profondeur des conflits sur tous les terrains, qui vont au-delà des sentiments personnels de chacun des antagonistes. Comme il est impossible de donner au ministre de l’Intérieur, homme à la grande et longue expérience politique, le crédit d’un instant de colère contre tout ce qui entrave la marche politique et juridique du pays, il est tout autant difficile de prêter au secrétaire général du Hezbollah une riposte non calculée. Cette double constatation, et non une simple supposition ne pouvant être logiquement contestée, pose la question d’essayer de comprendre la logique de l’un et l’autre des promoteurs d’un dialogue improbable entre deux courants que presque, sinon tout oppose. Se retrouver et échanger une poignée de main devant les caméras tient aujourd’hui de l’imposture. Le peuple, même s’il applaudit à tout rapprochement bénéfique pour la bonne marche de la gestion du pays et surtout pour sa sécurité, n’est plus dupe de la tragicomédie récurrente. Il a compris, depuis longtemps, que tous ces dits dialogues ne sont qu’une sorte de farce servie à un public qui ne se laisse plus tromper. Les citoyens les plus chevronnés en politique ne comprennent plus rien à cette farce qui se joue entre insultes et dialogues. Mais ils ne savent qu’une chose, c’est qu’ils en sont les dindons.
«Elias Skaff est mort deux fois»
Alors que des personnalités de très haut rang et de toutes tendances politiques et confessionnelles participaient aux obsèques du député et ancien ministre Elias Skaff, l’un des hommes les plus aimés et respectés, auquel les Zahliotes ont rendu des hommages vibrants, des tirs accompagnaient le convoi funéraire depuis la capitale jusqu’à Zahlé, sa ville natale. Ces tirs nourris et assourdissants ont retenti tout au long de la cérémonie funéraire, jusqu’à 18h, aux oreilles et à la barbe des hauts responsables présents, créant la panique durant toute une journée, sans que nul ne réagisse. Aux protestataires qui dénonçaient l’absence d’intervention des forces de l’ordre pour gérer la situation, celles-ci ont répondu qu’en intervenant, elles auraient dû interpeller l’ensemble des Zahliotes. Drôle d’excuse. Le député et ancien ministre Kataëb, Elie Marouni, a déclaré à la presse que les coups de feu tirés à l’enterrement du ministre Elias Skaff, à Zahlé, avaient voulu marquer une circonstance particulièrement triste. Intervenant à travers le petit écran, le député a déclaré que les jeunes de Zahlé, impliqués dans cette affaire, se sont sentis frustrés par les remarques qui leur ont été faites. Ils ont riposté en rappelant que d’autres, notamment les partisans du Hezbollah, avaient toujours tiré autant, sinon plus, dans des circonstances diverses, sans jamais avoir eu de comptes à rendre à qui que ce soit. Pour Marouni, il ne fallait pas accepter une justice à deux poids deux mesures dans le pays, précisant, cependant, que le plus important est de sauvegarder la sécurité et qu’il avait entrepris plusieurs contacts pour que toute l’affaire se termine bien.
Joumblatt-Hamadé: un nuage d’été
La politique libanaise est devenue si fragile que les dialogues peuvent à peine réduire les distances qui ne tiennent souvent qu’à un fil. Tous les jours, les médias trouvent de quoi nourrir leurs informations en mettant en exergue n’importe quel échange de déclarations entre des amis de toujours, séparés par quelques simples mots mal interprétés ou mal transmis. C’est ainsi que, pour un malentendu, facile pourtant à dissiper, les amis politiques montrent la fragilité de leur relation exposée à tous vents. Entre Walid Joumblatt et Marwan Hamadé, le fil ténu de l’amitié a failli être rompu. De fait, des intermédiaires, de bonne ou de mauvaise foi, n’ont pas tardé à traduire, à leur façon, les propos de Hamadé dans l’allocution prononcée à la cérémonie organisée à la mémoire de Wissam Hassan. En appelant Saad Hariri à rentrer au Liban, espérant «que cela permettrait une réconciliation entre ceux qui avaient quitté les rangs du 14 mars ces dernières années», Hamadé aurait commis une faute politique impardonnable que d’aucuns ont cherché à rapporter, traduite à leur façon, et qui aurait pu provoquer, et peut-être l’a-t-elle fait, une cassure dans une relation qui remonte loin dans le temps et bien avant la formation du 14 mars. Ainsi va le Liban.
Mouna Béchara