Magazine Le Mensuel

Nº 3026 du vendredi 6 novembre 2015

Exposition

Amal Géara Kamar. La vie comme des spirales

Cela fait des années qu’elle n’a pas présenté ses œuvres au Liban. Amal Géara Kamar expose, jusqu’au 15 novembre, peintures, dessins et sculptures à Beirut Souks. Rencontre.
 

Des spirales, des cercles qui s’entrelacent, qui s’entre-pénètrent, des volutes qui expriment la puissance, la force, la rapidité, le mouvement surtout. Amal Géara Kamar tient plus que tout à ce mouvement qui imprègne chacune de ses œuvres, ce mouvement qui est à la base et la base même de son travail, de son style particulier. «Il faut qu’il y ait toujours un mouvement, dit-elle, j’essaie toujours de faire vibrer la toile, de donner l’impression qu’elle est vivante, qu’elle n’est pas morte».
Peinture, dessin et sculpture, ses œuvres s’entremêlent à ses souvenirs, aux histoires qui ressurgissent au fil de la conversation, au détour des toiles étalées dans son atelier, tant et tant d’événements qui ont émaillé son parcours, depuis ses études de beaux-arts, en passant par les cours de peinture qu’elle a donnés, jusqu’à ses premières expositions collectives et individuelles, d’abord au Liban, ensuite en France où elle s’est installée avec sa famille dès le début de la guerre civile en 1976.
Depuis sa dernière exposition individuelle au Liban, à la fin des années 90, elle rêve d’exposer à nouveau dans son pays, ce Liban qu’elle n’a jamais cessé de porter dans son cœur et au cœur de son travail. Encore une histoire qui ressurgit, le jour où, d’un coup, elle s’est décidée à se lancer dans la sculpture, alors qu’il lui était difficile de pénétrer dans ce cercle fermé de sculpteurs nombrilistes, elle est entrée par la petite porte, prétendant qu’elle était effectivement sculptrice. Elle se retrouve donc face au défi de le prouver, sculpter son autoportrait. Sans se regarder dans la glace, elle en tire un profil aux grands yeux très égyptiens, qui détonne, qui sort du lot et dont on raffole en France. La voilà alors lancée dans un projet de très grande envergure, après avoir convaincu des sculpteurs parisiens d’y prendre part: organiser un mois libanais au cours duquel seraient exposées, sur les Champs-Elysées, d’immenses sculptures phéniciennes. Des années de travail, de recherches, de réalisation des sculptures… mais, en raison d’une décision politique, alias «pourquoi les Phéniciens et pas les Hébreux!», le projet est avorté! «Ça m’est resté en travers!», s’exclame-t-elle.
Le sourire émaillant toujours ses traits jusqu’à la brillance du regard, elle est déterminée plus que jamais à exposer régulièrement au Liban et même à transformer une petite boutique familiale à Mar Mikhaël en une galerie qu’elle voudrait sélective, mettant à voir quelques tableaux, quelques livres d’art… «Je vais m’investir dans mon pays. J’espère que le Liban renaîtra encore une fois de ses cendres».
La première étape de ce processus aura donc lieu du 5 au 15 novembre à la Galerie des joailliers à Beirut Souks: une quinzaine de dessins, plus de cinq sculptures et une trentaine de tableaux seront exposés. Des œuvres récentes, certaines même inspirées des dernières manifestations au centre-ville de Beyrouth. C’est qu’Amal Kamar puise les sujets de ses créations artistiques de tout ce qui l’entoure, de tout ce qui la fait rêver, de ce qu’elle entend, de ce qu’elle voit, des chevaux aux taureaux à la tauromachie et aux corridas, de la musique aux manifestants… fixant, comme l’avait dit un critique, «l’instant et l’instinct», absorbant et propageant la vie en cercles concentriques qui, une fois lancés sur la toile, insufflent à la main un mouvement continu, et à l’œil, un souffle continu.

Nayla Rached

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