Les navires portant des générateurs d’électricité représentent des solutions temporaires auxquelles ont recours les Etats qui souffrent d’un manque dans leur production d’énergie, les gouvernements ayant des visions à moyen et long termes pour la mise en œuvre de mécanismes assurant une autosuffisance. C’est ce qu’a déclaré Orhan Remzi Karadeniz, P.D.G. de Karpowership, propriétaire des deux navires flottants qui alimentent le Liban en 365 MW depuis deux ans. Ce principe appliqué au pays du Cèdre montre que la problématique n’est plus dans les coûts des solutions palliatives, mais dans l’existence d’une réelle stratégie jetant les fondements d’une politique nationale de production d’un volume d’énergie correspondant aux besoins grandissants en électricité de la population.
Le contrat liant le gouvernement libanais à la société turque Karpowership, d’une durée de trois ans, vient à terme le 30 septembre prochain. Les dispositions de cet accord ont laissé la porte ouverte à sa reconduction, à condition d’une entente entre les deux parties, l’Electricité du Liban (EDL) et la compagnie propriétaire des navires générateurs. Dans la pratique, l’accord permet d’éviter les complications d’une soumission de cette éventuelle prorogation du contrat à une approbation en Conseil des ministres. Néanmoins, l’EDL mais aussi le ministère de l’Energie et de l’Eau et celui des Finances sont concernés par les prochaines négociations. Parallèlement, le Liban se doit de trancher ce dossier vers mars 2016, afin de donner un préavis à son partenaire turc. Ce dernier est en mesure, sur le plan technique, d’honorer ses engagements et même d’aller au-delà en affrétant pour le Liban une troisième barge si une demande officielle est formulée.
Dans l’état actuel, le Liban a besoin d’environ 3 000 MW en hiver et près de 3 200 MW, voire plus, pendant la saison d’été, en prenant en compte l’arrivée des réfugiés syriens. Avec le recours aux barges flottantes, le Liban a une production d’électricité de près de 1 400 MW. Sachant que seule la production d’énergie des barges flottantes est stable, dans la mesure où celles-ci bénéficient d’équipements neufs et d’équipes techniques et d’ingénieurs sur place 24h/24 pour parer à tout dysfonctionnement. Le reste de la production est générée par des centrales électriques caduques, dont le fonctionnement est rien moins qu’aléatoire. La conclusion serait évidente: un arrêt de l’alimentation en électricité par les barges serait catastrophique pour le Liban et conduirait à un rationnement encore plus draconien, environ cinq heures de plus qu’à l’heure actuelle. Les coupures d’électricité pourraient aller jusqu’à quinze heures par jour.
Depuis 1998, les multiples plans de refonte du secteur de l’énergie, proposés par les ministres successifs de l’Energie et de l’Eau, ainsi que celui avancé par l’Electricité de France (EDF) et le plan élaboré par Mounir Yehya ont des fondements et une plateforme communs. Ce qui change entre ces différents projets sont les chiffres. Le Liban aurait été dans une meilleure position lui permettant de faire des choix si les chantiers de réhabilitation des centrales de Zouk et de Jiyeh avaient abouti sans les retards et que l’adjudication pour la création d’une nouvelle centrale à Deir Ammar n’avait pas échoué à grands coups de Jarnac entre le ministère de l’Energie et de l’Eau et celui des Finances. Mais malheureusement, hier comme aujourd’hui, les conflits d’intérêts des politiques prennent le dessus.
Ceci dit, les responsables de Karpowership prétendent avoir accordé au Liban un traitement privilégié concernant les tarifs appliqués pour la vente d’énergie, sans qu’ils aient toutefois dévoilé les tarifs consentis à leurs autres clients, tels les gouvernements indonésien et ghanéen. L’expert interrogé par Magazine, qui soutient la transparence des tarifs, a écarté l’hypothèse d’une révision à la hausse l’année prochaine des prix de vente du KW par Karadeniz Holding. Il a considéré que les investissements par la compagnie turque, comme la construction du brise-vague le long de la côte longeant la centrale de Zouk et les multitudes de turbines installées pour le projet, seraient amortis au cours des trois années de la première phase du contrat.
Par ailleurs, en réponse à une question, une responsable au sein de Karpowership a souligné que les barges de générateurs de courant, y compris leurs moteurs, sont créés, conçus et construits dans les installations de Karadeniz Holding à Istanbul. Ce qui fait que ce sont les ingénieurs et les techniciens de la compagnie qui sont chargés de gérer les opérations des barges et sont, par conséquent, logés à bord du navire. Néanmoins, les services tels l’alimentation des employés et leurs autres besoins, ainsi que le nettoyage des barges sont confiés à des sous-contractants libanais.
Liliane Mokbel, Istanbul
Le plus grand navire au monde
Un nombre important de responsables politiques et de gens des médias, venant du Ghana, d’Indonésie et du Liban, ont été conviés à prendre part à la cérémonie officielle au cours de laquelle les amarres de deux navires générateurs flottants ont été larguées. Le premier navire Karadeniz, Aïsha Gul Sultan, d’une capacité de production de 235 MW, s’est dirigé vers le Ghana et le second, Zeinab Sultan, d’une capacité de 125 MW, a pris la route de l’Indonésie. Karadeniz Holding a une flotte de neuf navires générateurs flottant d’une capacité de production d’énergie cumulée de 1 500 MW, sans compter les deux navires qui sont consacrés pour le moment au Ghana et à l’Indonésie. Au cours de la cérémonie, le ministre turc de l’Energie et des Ressources naturelles, Ali Riza Alaboyun, a révélé que Karadeniz Holding est en train de construire le plus grand navire producteur d’énergie au monde Orhan Ali Khan, d’une capacité de production d’énergie de 460 MW et d’une longueur de plus de 300 mètres. Les travaux de construction de ce navire devraient s’achever au second semestre de 2016.