Comme si la crise des déchets n’était pas encore assez dramatique, voilà maintenant que des nuées de mouches, un phénomène inhabituel pour la saison, ont fait leur apparition à Beyrouth, notamment dans la banlieue sud et à Achrafié.
On connaissait les dix plaies de l’Egypte, voici maintenant celles du Liban. Comme si l’instabilité régionale, nationale et la crise des déchets ne suffisaient pas, ce sont maintenant des nuées de mouches qui déferlent sur Beyrouth. Le phénomène, inhabituel pour la saison automnale, a fait son apparition il y a une dizaine de jours, notamment à l’est de Beyrouth. Premières concernées, les zones proches de la région du fleuve de Beyrouth, où s’entassent des montagnes d’ordures, ainsi que les quartiers d’Achrafié, Jeïtaoui, Fassouh, Mar Mkhayel, Bourj Hammoud, etc.
Résultat, des mouches très collantes qui s’affairent partout, harcelant les riverains, pénétrant dans les maisons et les voitures et aussi sur les étals des épiceries. Plusieurs témoignages font aussi état de la prolifération accrue de rats, attirés eux aussi par les montagnes d’immondices disséminées un peu partout et les eaux sales stagnantes.
Conséquences sanitaires
Une conséquence logique de la crise des déchets qui sévit depuis le mois de juillet, associée au début de la saison des pluies, qui n’en est pourtant pas encore à son apogée. Ce sont d’ailleurs des rats morts à proximité des ordures qui seraient à l’origine de cette invasion subite de mouches. Face aux habitants inquiets du phénomène, le département Santé de la municipalité de Beyrouth a annoncé avoir renforcé les opérations de pulvérisation d’insecticides dans les quartiers touchés.
Pas sûr que cela suffise à éloigner durablement les mouches, tant que le problème initial n’aura pas été réglé en bonne et due forme, et les déchets enlevés.
Pour le citoyen lambda, bien évidemment, se pose la question des conséquences sanitaires d’un tel phénomène. Car les mouches, au contact des déchets et eaux stagnantes sales, sans parler de celles qui s’acharnent sur les rats morts, vont bien évidemment véhiculer certains germes.
Pour le Dr Jad Habib, spécialiste en médecine de famille, il s’agit là «d’une continuité naturelle du problème des déchets, vu que ce n’est pas la saison habituelle des mouches». Il indique également que les mouches, comme les moustiques d’ailleurs, sont des «vecteurs de transmission de maladies, virus et autres champignons». «Ce sont des vecteurs de gastroentérites, de maladies dermatologiques (eczéma entre autres, pouvant aller jusqu’à la gale) et d’allergies», précise-t-il. Avec ce phénomène, il apparaît que la prévalence de maladies déjà présentes sur le sol libanais en temps normal, comme la typhoïde, la salmonelle, etc., qui appartiennent à la catégorie des gastroentérites, «est multipliée par dix actuellement». «Au Liban, en été par exemple, il y a toujours des cas de gastroentérites, mais le risque passe de 1 à 2%, habituellement à 10 à 15%», selon lui. Avec la crise des déchets, il constate effectivement une recrudescence de cas de typhoïde ou d’hépatite A. «Il y a une multiplication par trois ou quatre du nombre de cas de maladies qui sont clairement liées à la situation», précise-t-il. Pour l’heure, aucune recommandation de vaccination n’a été émise par les autorités concernant la typhoïde ou l’hépatite A. Le Dr Habib souligne toutefois que «la plupart des enfants sont déjà vaccinés».
Selon lui, dans l’immédiat, mieux vaut «préférer les mesures d’hygiène directes», pour se prémunir de ces maladies. Se laver les mains régulièrement durant la journée, bien évidemment, mais aussi bien laver les fruits et légumes. Et pour éviter toute contamination de la nourriture par des insectes, «il faut bien recouvrir les aliments, bien les cuire, car la chaleur est un facteur de protection, bien fermer les contenants et recouvrir la nourriture comme la viande», souligne-t-il. Chacun peut aussi agir individuellement en cas d’entreposage de déchets à proximité. «On peut, par exemple, recouvrir les déchets avec des bâches et pulvériser des insecticides», ajoute le Dr Habib.
Autre motif d’inquiétude fréquemment abordé par la population, l’apparition de maladies comme le choléra. A ce sujet, le Dr Habib note: «Il y a déjà des cas recensés en Irak, qui n’est finalement pas si loin du Liban». «Le choléra se transmet par l’eau souillée, les excréments». Le Liban n’est pas à l’abri. Une région comme la Békaa, qui accueille de nombreux réfugiés et recèle de nombreux points d’eau insalubres, pourrait être touchée par exemple.
Jenny Saleh
Eau propre… jusqu’à quand?
L’Office des eaux de Beyrouth et du Mont-Liban s’est voulu rassurant mardi. Dans un communiqué, il a déclaré que les analyses effectuées, fin octobre, sur les sources d’eau et sur les réseaux de distribution d’eau potable ont montré que «la situation est similaire aux années précédentes». «Aucune trace de contamination des sources d’eau et des réseaux de distribution par les eaux de pluie infestées par les déchets n’a été trouvée». Pour combien de temps?