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Nº 3028 du vendredi 20 novembre 2015

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Une passionnante aventure archéologique. Percer le mystère de la grande pyramide

L’Egypte s’apprête à vivre une passionnante aventure archéologique. Le ministre des Antiquités, Mamdouh el-Damati, a donné le feu vert à des savants et des ingénieurs (égyptiens et étrangers) pour sonder le cœur des pyramides. Cette mission, baptisée Scan Pyramids, travaillera principalement à l’aide d’ondes infrarouges et de muons venus du cosmos, une technologie de pointe qui offre le double avantage d’être non invasive et non destructive. Une grande première pour l’Egypte.

Denise Ammoun, Le Caire

Pour lancer ce projet de façon solennelle, le ministre des Antiquités a choisi de donner une conférence de presse à l’hôtel Mena House qui a vue sur les pyramides. Cet hôtel, l’un des plus luxueux et des plus anciens du Caire, a autrefois accueilli nombre de personnalités, pour ne citer que Winston Churchill ou Agatha Christie.

Le contraste est frappant dans cette large pièce aux lustres de cristal, aux murs parés de boiseries dorées, et cet écran où défilent les images de techniques

ultramodernes: animation de pyramides en 3D, bombardements de particules cosmiques, drones… qui serviront à la recherche.

Sur l’estrade, on reconnaît côte à côte Mamdouh el-Damati, puis le ministre du Tourisme, Hicham Zaazou; Hani Hélal, chef de l’équipe d’ingénieurs de l’Université du Caire; Mehdi Tayoubi, président de HIP (Héritage, innovation, préservation), initiateurs et metteurs en scène de l’opération. Des savants les entourent: Mathieu Klein, de l’Université de Laval; les Japonais Fumihiko Takasaki du KEK (High energy accelerator research organization), Kunihiro Morishima de l’Université de Nagoya et, enfin, Yves Ubelmann d’Iconem.

Les journalistes égyptiens, venus en grand nombre, voisinent avec des membres de la presse internationale. Ils suivent avec une attention profonde les explications du ministre des Antiquités, qui s’exprime d’une voix joyeuse et émue: «Les techniques qui défilent devant vous sur l’écran sont les plus innovantes de ces dernières décennies».

Mamdouh el-Damati annonce que les recherches concerneront quatre chefs-d’œuvre. Elles s’attaqueront, en premier lieu, à deux pyramides construites à Dahchour (au sud du Caire) par le pharaon Snéfrou, père de Khéops et fondateur de la 4e dynastie. Il s’agira de la pyramide sud dite «Rhomboïdale», et nord appelée «pyramide rouge». Viendront ensuite celle de Khéops et celle de Khéphren dans le site de Gizeh.

 

Comprendre un miracle

La pyramide de Khéops est, sans aucun doute, la plus célèbre. Khéops, deuxième souverain de la quatrième dynastie, voulait créer une œuvre inoubliable. Il a pleinement réussi. C’est la seule des Sept Merveilles du monde antique encore debout. Après deux siècles de fouilles effectuées par des savants et des archéologues de renom, on ne sait toujours pas comment elle a été construite. Les diverses spéculations ne débouchent sur aucune certitude.

Zahi Hawas, (patron des Antiquités pendant dix ans), éprouve un véritable culte pour ce monument qui domine la vallée. Il est l’auteur d’un livre intitulé Le miracle de la Grande Pyramide. On peut citer pour la petite histoire son récit de la naissance de ce chef-d’œuvre: «Tout a commencé lorsque le roi Khéops a demandé à ses serviteurs de l’aider à construire une grande pyramide qui éterniserait son nom à travers l’Histoire. Il a ordonné aussi aux architectes et aux magiciens talentueux de son époque d’aider à la construction de ce monument gigantesque».

Faire appel aux architectes est parfaitement justifié, mais si les magiciens ont apporté leur concours, cela expliquerait peut-être la difficulté de percer le secret de la construction!

La Grande Pyramide a été pillée de nombreuses fois depuis l’Antiquité. L’accès actuel se fait d’ailleurs par une entrée creusée sur la face nord par les profanateurs. Dénommée galerie d’el-Mâmoun, elle porte le nom du calife qui a fait explorer l’édifice en 820 de notre ère, dans l’espoir de s’approprier des trésors. Aucune découverte n’a récompensé son intervention.

Tout au haut de la pyramide, dans la chambre dite du roi, on ne trouve aucun décor intérieur, nul vestige de mobilier funéraire et, surtout pas, la dépouille du roi. Tout juste, un sarcophage vide et privé de couvercle. C’était déjà le cas lors de l’expédition de Bonaparte.

Certains spécialistes se sont demandé si le corps du pharaon a jamais été déposé dans la pyramide. Une hypothèse rejetée avec véhémence par Zahi Hawas: «Je crois que la véritable chambre funéraire de Khéops se trouve toujours dissimulée à l’intérieur de la pyramide».

Cette affirmation enchante les chercheurs de la mission Scan Pyramids. Les techniques de pointe qu’ils utiliseront dès ce mois de novembre, et tout au cours de l’année 2016, permettraient de lever le voile sur divers mystères: chambres secrètes, trésors, momies… et, surtout, révéler le secret de la construction. C’est, sans doute, la principale interrogation. Une ambition légitime, sans réponse après deux siècles de fouilles.

La mission scientifique est pilotée par l’association française HIP et la Faculté des ingénieurs de l’Université du Caire. Cette mission réunit des savants et des architectes d’Egypte, de France, du Canada et du Japon. D’autre part, une campagne menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scanners au laser, produira la reconstruction en 3D du plateau des pyramides de Gizeh.

 

Retrouver Néfertiti

Autre projet grandiose, l’institut HIP et la Faculté des ingénieurs du Caire organiseront une campagne de thermographie infrarouge dans la tombe de Toutankhamon à Louxor. Le but de cette recherche est de découvrir une porte secrète dans l’un des murs, qui débouchera sur une chambre contenant le tombeau de la reine Néfertiti. C’est l’hypothèse soutenue par l’archéologue britannique Nicholas Reeves, qui se trouve actuellement au Caire pour recoller la barbe du roi Toutankhamon.

2016, baptisée «l’année des pyramides» par le ministre Mamdouh el-Damati, transformera certains secteurs du Caire en chantiers archéologiques. Les touristes, qui assisteront à certains travaux lors de leur visite, seront ravis.

Mais les salafistes radicaux sont loin de partager cette joie. En 2012, ils avaient l’intention de démolir les pyramides et le sphinx, sujets d’idolâtrie condamnés à leurs yeux par l’islam. Le 11 novembre 2012, quatre ans avant le lancement de Scan Pyramids, à l’heure où l’islam politique gère l’Egypte, le cheikh Morgane el-Gohary, un chef salafiste radical, déclare sur l’écran de la chaîne privée Dream II: «Il faut détruire les pyramides et le sphinx, qui ont été adorés autrefois, et pourraient l’être à nouveau».

Dream II a un large public et de tels propos sont susceptibles d’engendrer de graves réactions chez les musulmans peu instruits. De plus, le cheikh Gohary déclare fièrement qu’il a combattu en Afghanistan avec les talibans et participé à la destruction de Bouddha en 2001. Il conclut: «Nous détruirons les pyramides et le sphinx, comme nous l’avons fait avec Bouddha».

La coalition de tourisme égyptienne menace de poursuivre en justice l’ancien président Mohammad Morsi, qui n’a pas dénoncé les propos du cheikh salafiste. Des propos qui découragent la venue des touristes. Une denrée plutôt rare depuis la révolution de janvier 2011.

L’affaire n’aura pas de suite judiciaire. Le 22 novembre, Morsi s’approprie les pleins pouvoirs et provoque la division du pays.

Le péril salafiste est aujourd’hui dépassé, même si une bombe a été récemment désamorcée dans un hôtel voisin des pyramides.

La réussite de ce projet d’exploration ouvrira la porte à d’innombrables travaux. Très modeste, Mehdi Tayouby, président d’IHP, explique: «Notre objectif est d’apporter notre pierre à l’édifice et de préparer, en toute humilité, le chemin pour de futures missions de recherches scientifiques».

D.A.

 

Les Sept Merveilles du monde

– Le phare d’Alexandrie.

– La pyramide de Khéops.

– Le temple d’Artémis à Ephèse.

– Le colosse de Rhodes.

– Les jardins suspendus de Babylone.

– La statue de Zeus à Olympie.

– Le mausolée d’Halicarnasse.

 

 

Les muons et les drones

Les muons sont des particules élémentaires, provenant des hautes couches de l’atmosphère. Ces espèces d’électrons lourds peuvent traverser les blocs de pierre de grande épaisseur.

Leur utilisation aidera les savants à mieux comprendre la structure interne des pyramides.

Par ailleurs, une campagne menée par la société Iconem, à l’aide de drones et de scaners au laser, produira la reconstruction en 3D du plateau des pyramides de Gizeh, au cm près.    

 

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