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Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

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Les absents de Georgia Makhlouf. L’autobiographie d’une génération

«Car la mémoire est ainsi faite, de creux et de bosses, de reliefs et d’ombres», Georgia Makhlouf a choisi de donner vie à une jeune femme, la narratrice de son roman, qui, au fil des pages, tentera de «faire émerger les visages du brouillard où ils se sont fondus, de retrouver les bribes du passé, les circonstances de la rencontre», de faire revivre, à travers cet exercice de mémoire et par le biais de l’écriture, les absents.
 

«Ne le sais-tu pas? Les guerres, une fois commencées, ne finissent jamais. Elles prennent seulement d’autres visages». Brutalement brisée par la guerre et l’exil, la narratrice (qui, tout au long du roman, ne sera jamais nommée) retrace sa vie en traversant la porte des souvenirs que lui ouvre son carnet d’adresses. «C’est un roman qui a une construction particulière, puisque l’idée était d’imaginer qu’une jeune femme feuillette son carnet d’adresses et retrouve, au fur et à mesure, des noms de personnes qui ont fait partie de sa vie, mais qui, aujourd’hui, ne sont que l’ombre du passé», affirme Georgia Makhlouf à Magazine. A travers des chapitres que l’auteure qualifie de «portraits» et de «récits courts», Georgia Makhlouf s’est lancé un défi: celui d’adopter un principe de narration non chronologique. Chaque chapitre se lit, en effet, comme un récit autonome plus ou moins indépendant de celui qui le précède et de celui qui le suit, constituant ainsi une nouvelle et, l’ensemble de ces nouvelles, composant un roman.
 

Entre le réel et la fiction
Exilée doublement, dans son propre pays, à savoir le Liban, mais aussi en France où elle a dû s’installer pour fuir les horreurs de la guerre, la narratrice devient étrangère à elle-même et il s’avère que, finalement, c’est elle la «Grande Absente» dans ce roman. D’une part, elle est dépourvue de nom, d’autre part, aucun chapitre ne lui est consacré. «Je fais vivre la narratrice sans l’aborder de façon directe, mais à travers les autres qui ont croisé sa vie. Ce roman constitue, en quelque sorte, une interrogation sur le fait que, parfois et en raison d’un certain nombre de circonstances, on est amené à vivre une vie qui n’est pas celle qu’on aurait choisie et à se couper d’une partie de soi», déclare l’auteure.
Bien que le récit soit rédigé à la première personne, la narratrice ne peut être confondue avec l’auteure. «J’avance masquée dans ce livre, dans le sens où j’ai beaucoup mélangé réalité (autobiographie) et fiction», confie Georgia Makhlouf à Magazine. Selon elle, toute personne peut se retrouver dans ce roman et se reconnaître au fil des récits, puisqu’il s’agit de «l’autobiographie d’une génération» d’adolescents qui ont effectivement vécu la guerre et qui ont parfois été obligés de quitter le Liban, avec ce sentiment inéluctable de déchirement et d’absence. «J’ai voulu, à travers ce roman, pouvoir faire la paix avec la guerre et pouvoir garder vivants, d’une certaine manière, les absents de la guerre», souligne Georgia Makhlouf, parce que, souvent, «effacer peut être une opération douloureuse».

Natasha Metni
 

Bio en bref
Correspondante à Paris de L’Orient littéraire, Georgia Makhlouf partage sa vie entre Paris et Beyrouth. Elle a également longtemps écrit des chroniques pour le Magazine littéraire. Les absents, son premier roman, paru aux éditions L’Orient des Livres/Payot-Rivages, a été récompensé par le prix Senghor et le prix Ulysse Méditerranée.

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