Cette année, la fête de l’Indépendance a été différemment célébrée au collège Notre-Dame de Jamhour. Les anciens du collège ont concrétisé une idée remontant au début de l’an dernier, un projet qui honore les fils et filles de l’établissement, morts pour le Liban entre 1958 et 2014. Le Mémorial des martyrs a vu le jour et la cérémonie inaugurale a eu lieu la veille de l’Indépendance au collège.
Jamais le devoir de mémoire ne s’est fait sentir avec autant d’acuité. Le collège Notre-Dame de Jamhour fait face à une douloureuse histoire et honore ses fils et filles, 70 de ses membres martyrs de la guerre: pères jésuites, éducateurs, employés, anciens ou élèves. Il y a un an, entre décembre 2014 et janvier 2015, naissait l’idée d’un mémorial consacré aux martyrs. Les anciens du collège ont vite fait de prendre ce projet à bras-le-corps, afin que sa réalisation réponde à la soif de reconnaissance envers les martyrs du collège morts pour notre pays. Ils sont 70 à avoir nourri de leur sang le sol sacré de la patrie. Pour eux, toutes les générations s’inclinent en reconnaissance. Un concours d’idées a été lancé et le financement assuré par les anciens.
Le samedi 21 novembre 2015, la grande famille du collège s’est rassemblée pour prendre part à la messe solennelle en mémoire des martyrs, dite par le recteur du collège, le R.P. Charbel Batour, assisté des pères de la communauté jésuite du Liban, en présence du R.P. Bruno Sion, ancien recteur et initiateur du projet, ainsi qu’à l’inauguration du Mémorial des martyrs de la guerre.
Nagy el-Khoury, secrétaire général de l’Amicale des anciens, estime que «40 ans après le déclenchement de la dernière guerre, il devenait urgent pour nous d’immortaliser leur mémoire en leur aménageant un espace:
♦ pour que jamais on n’oublie pas où peut mener la violence.
♦ pour que nos jeunes méditent sur le sens du sacrifice, mais aussi sur l’absurdité des guerres.
♦ pour se rappeler qu’il nous faut, à tout prix, construire la paix, ensemble.
♦ pour se serrer les coudes, au sein de la famille libanaise, travailler sur notre immunité, consolider notre solidarité.
♦ pour entamer un travail de mémoire nécessaire à notre reconstruction.
♦ pour engager un processus de réconciliation avec soi et avec l’autre, puis avec notre passé lointain ou récent».
«Dans ce collège, poursuit Khoury, nous avons appris le sens de l’engagement au service d’autrui, celui de l’attachement à nos valeurs et à notre sol». «Ce mémorial, s’il nous rappelle les temps sombres de la mort, il doit nous guider vers les chemins lumineux de la vie. Il devrait nous rappeler, à chaque instant, que nous devons œuvrer de toutes nos forces pour construire la paix, une paix stable et définitive», souligne-t-il.
Dans son homélie, le père Sion s’attarde sur la signification du Mémorial des martyrs: préserver leurs noms de l’oubli, ouvrir notre espérance sur leur présence en paix près de Dieu qui les accueille dans son amour.
A la fin de la messe, Jean Darwiche rappelle la genèse du projet du mémorial, en insistant sur son ancienneté. «Nous avons tenu notre promesse de 1978 faite à nos amis des bancs du collège tombés durant les premières années de la guerre, dit-il. Chaque fois qu’un ami mourait, pour moi c’était l’insoutenable culpabilité du survivant, poursuit-il. Aujourd’hui, si vous le permettez, c’est au nom de tous ceux qui sont encore debout que je m’adresse à vous (…). Je me tiens devant vous encore bouleversé par autant de sacrifices consentis. J’ai grandi avec certaines personnes dont le nom est gravé sur le mémorial. J’ai encore vu de mes propres yeux d’autres mourir. Si le mémorial voit le jour quelques décennies en retard, les martyrs, eux, étaient tous les jours restés présents dans nos pensées (…)». Selon lui, les martyrs attendent plus qu’un acte de recueillement. Ils attendent une continuation, une communion renouvelée, un espoir en un Liban, des actes à la hauteur de leurs sacrifices…
Les fidèles sont ensuite invités dans les jardins de l’église pour le lever des couleurs et la sonnerie aux morts. Ils observent une minute de silence en mémoire des martyrs.
Le mémorial est alors béni par le père recteur et les pères de la communauté jésuite. Dans sa bénédiction, le père Sion demande au Seigneur: «Daigne bénir ce mémorial que nous inaugurons aujourd’hui. Donne à tous ceux qui viendront s’y recueillir la grâce du souvenir, la grâce de la reconnaissance, la grâce de l’espérance, par ton Jésus Christ».
Un ouvrage a été publié à cette occasion, regroupant des biographies et des témoignages autour des martyrs du collège.