Le compromis sinon l’impasse
La prolongation de la vacance présidentielle pour un délai indéterminé est l’une des premières conséquences de l’échec du compromis présidentiel. Après le capotage de l’élection de l’un des quatre présidentiables «forts», il va falloir rechercher des candidats en dehors de ce club politique restreint. La situation risque de devenir encore plus complexe: le Moustaqbal n’a plus la latitude de faire marche arrière et d’accepter la candidature de Michel Aoun, parce que cela équivaudrait à un suicide politique doublé d’un aveu d’échec. La coalition du 8 mars sera, elle aussi, coincée en ce sens qu’elle ne pourra plus donner sa bénédiction à un président stratégiquement moins engagé à ses côtés que Sleiman Frangié, elle n’aura plus la possibilité de faire des concessions quelles que soient les données régionales et internationales. Pour elle, la candidature de Aoun sera non négociable, parce que l’acceptation de toute autre personnalité équivaudra à «se tirer une balle dans le pied», après que le chef des Marada lui ait été présenté sur un plateau d’argent.
Libération des militaires: pas de clause secrète
Les rumeurs et chuchotements sur une clause secrète en rapport avec la libération des militaires otages d’al-Nosra, et stipulant la suspension des attaques contre les combattants dans le jurd ne sont que des affabulations, confirme une haute source militaire. «Pas de trêve avec les terroristes, l’armée cible tous les jours les mouvements des éléments armés dans le jurd de Ersal et Ras Baalbeck et ses canons continuent à attaquer leurs fortifications».
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, en visite à la direction de la Sûreté générale après la libération des otages, avait déclaré: «La région de Ersal, et non le village de Ersal, est occupée et abrite 120000 réfugiés syriens. Dans le jurd, évoluent des milliers de combattants à l’intérieur et à l’extérieur du village. Notre choix permanent, adopté par le général Jean Kahwagi, consiste à éviter toute implication dans le brasier syrien». En réponse au président Nabih Berry qui a parlé de «scandale» en matière de souveraineté, Machnouk a rétorqué: «Si nous devions aller jusqu’au bout de ce raisonnement, il aurait fallu mener une opération militaire dont Berry n’ignore pas ce qu’auront pu être les incidences et conséquences».
Quel rôle pour le dialogue?
Le dialogue que le président Nabih Berry tient à poursuivre pourrait aider à circonscrire les incidences sécrétées par le compromis qui n’a pas encore vu le jour, de l’avis de certains politiques. Ces assises ont permis de débloquer le dossier présidentiel et de parvenir à un consensus sur les caractéristiques dont doit jouir le futur locataire de Baabda. Quant au compromis proposé, il a dépassé ce consensus pour désigner un candidat à la présidence accompagné d’un Premier ministre.
La table du dialogue n’est pas l’espace idéal pour débattre des détails de l’initiative présidentielle, son rôle se résume à assurer une couverture à cette initiative dès que les circonstances lui seront favorables. Pour ce qui est du vrai dialogue, il a lieu sur deux axes: celui de Aïn el-Tiné entre le Moustaqbal et le Hezbollah, et celui de Rabié entre le général Michel Aoun et Sleiman Frangié.
L’impossible alliance chrétienne
Brandir la menace de l’instauration d’une alliance chrétienne, au cas où le chef des Marada finit par obtenir la majorité parlementaire, est déplacé, selon le Moustaqbal. Les circonstances qui avaient permis l’établissement d’un tel «Helf» avant l’expiration du mandat du président Charles Hélou en 1970 ne sont plus les mêmes, aujourd’hui. Sachant que le Dr Samir Geagea, même s’il rejette fermement l’initiative du président Saad Hariri, reste méfiant vis-à-vis de Michel Aoun, et peut-être même des Kataëb, parce qu’il risque de perdre ses acquis au double plan islamique et arabe après avoir réussi à redorer son blason grâce à son alliance avec le Moustaqbal.
Joumblatt prend ses distances
Walid Joumblatt a pris ses distances par rapport à l’initiative présidentielle après l’avoir promue au grand jour en recevant le candidat Sleiman Frangié à Clemenceau. Dans ses cercles privés, le leader du Chouf formule des critiques à l’égard de l’ex-président Saad Hariri. Joumblatt prétend n’avoir adhéré à cette proposition qu’après avoir appris, de la bouche de Hariri, que les Américains ont été consultés, que les Français et les Saoudiens n’y étaient pas opposés, que l’initiative pouvait, à prime abord, obtenir le consentement du Hezbollah et l’adhésion de Nabih Berry.
Walid Bey parle de la «légèreté» avec laquelle le chef du Moustaqbal a géré le dialogue avec le nouveau candidat présidentiel, et se dit étonné par les questions posées par Hariri à Frangié: vas-tu rompre tes relations avec Bachar el-Assad et adopter la politique de distanciation? Comptes-tu contrôler tes relations avec l’Iran et le Hezbollah pour te positionner au centre? Comptes-tu laisser le Conseil des ministres gouverner et ne le présider qu’en cas de besoin? Allons-nous convenir ensemble du nom du futur commandant en chef de l’armée, sans toucher au département des Renseignements? Vas-tu accepter que notre coalition détienne les portefeuilles des Communications, des Finances, de l’Energie et des Travaux publics, contre la Défense et les Affaires étrangères pour le 8 mars, en optant pour une personnalité neutre à l’Intérieur?
Aoun suit les conseils d’Assad
Des personnalités influentes du 8 mars sont entrées en contact avec le commandement syrien pour tâter son pouls au sujet de la candidature de Sleiman Frangié. Les autorités à Damas ont réagi en affirmant que le dossier de la présidentielle libanaise est confié au secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, qui doit consulter ses alliés pour prendre une décision. Si Michel Aoun, ajoutent ces sources, ne se retire pas de la course à Baabda, c’est qu’il continue à miser sur les conseils que lui avait prodigués le président Bachar el-Assad en l’encourageant à faire preuve de patience et à éviter de brûler les étapes, en lui assurant qu’il accèdera au palais de Baabda lorsque la situation se stabilisera en Syrie et que le régime reprendra le contrôle de tout le territoire syrien.
Le Hezbollah ne veut pas brader Frangié
Certaines personnalités proches de la Résistance ont attaqué Sleiman Frangié pour avoir accepté que sa candidature à la présidence soit téléportée par les Saoudiens, ce qui a amené les Marada à blâmer le Hezbollah pour cette attitude. Dans les milieux du parti chiite, on dit que le leader des Marada est perçu comme un présidentiable, mais le timing du compromis est inapproprié. Le Hezbollah tient tellement à ce candidat qu’il ne veut pas le brader à l’étape actuelle.
Libanais interdit de quitter l’Arabie
Le Libanais, interdit de quitter l’Arabie saoudite, est un certain Pierre Abou-Jaoudé dont l’associé saoudien, Abdallah el-Khariji, est le propriétaire de la société de publicité gérée par Abou-Jaoudé, selon le site LebanonDebate.com. La justice saoudienne accuse des employés de la mairie de Jeddah de connivence avec Abou Jaoudé pour avoir émis des mémos interdisant à d’autres compagnies publicitaires – dont certaines appartiennent à des émirs saoudiens – d’installer des panneaux publicitaires sur les terrasses et les demeures privées, cédant ainsi le monopole dans ce domaine à Abou-Jaoudé, alors que ses concurrents enregistraient des pertes. Ces derniers ont donc eu recours à la justice qui, après enquête, a découvert que le Libanais possède un compte bancaire d’un milliard de riyals.
De grandes compagnies publicitaires libanaises en Arabie sont suspectées de blanchiment d’argent. C’est sur cette base que Pierre Abou-Jaoudé, ainsi que cinq responsables saoudiens du ministère des Affaires municipales seront jugés.
Base militaire russe à Chypre?
Négociations secrètes, cette semaine, entre Chypre et la Russie sur l’installation d’une base militaire russe dans l’île en Méditerranée. D’après une source politique libanaise, cette installation mettra les frontières ouest du Liban en jonction avec un triangle syro-russe, chyprio-russe et égypto-russe. Les intérêts maritimes de Beyrouth, incluant les lignes de transport, les droits de pêche, le forage etc., nécessitent donc une synchronisation et une entente avec Damas, Nicosie, Le Caire et aussi avec Moscou qui relie ces pays à partir de sa base militaire principale à Tartous. Marius Fotiu, directeur du Centre orthodoxe des droits humains à Chypre, avait rencontré une délégation du centre, le ministre des Affaires étrangères chypriote, Ioannis Kasoulides, sollicitant l’organisation d’un référendum portant sur l’accueil d’une base militaire russe dans l’île. Chypre est membre de l’Union européenne, mais non de l’Otan. C’est quand même un espace de partage d’influence pour les Occidentaux: les Turcs occupent le sud de l’île et les Britanniques ont conservé une base militaire au nord, après leur retrait de l’île.
Ressources énergétiques et présidence
Y aurait-il un lien entre l’élection présidentielle et le dossier énergétique toujours en suspens? Un rapport diplomatique arabe indique que Nabih Berry, Saad Hariri et Walid Joumblatt ne sont pas parvenus à une entente sur le partage des ressources gazières avec le général Michel Aoun, raison pour laquelle ils ne souhaitent pas son accession à la première magistrature. Les trois leaders ont eu maille à partir avec le ministre Gebran Bassil qui veut obtenir deux blocs d’exploitation de gaz, avant tout accord politique avec eux. Selon le rapport, le trio en question souffre actuellement du déclin des ressources de l’Etat-providence qui a financé leurs intérêts privés depuis les années 90, critiquant les fausses allégations qui prétendent que le financement de l’économie politique de l’Etat de Taëf vient de l’extérieur et, surtout, des pays du Golfe, alors que les sources de ce financement ont pour origine l’endettement interne. C’est pourquoi la dette publique est passée de 1,2 milliard de dollars à la naissance de Taëf à quelque 72 milliards aujourd’hui.
Tension à la frontière sud
L’armée israélienne est toujours sur le qui-vive. Divers rapports, provenant de plusieurs sources, révèlent que ses soldats continuent à mener des manœuvres nocturnes subites dans les colonies voisines à la clôture frontalière avec le Liban. Ces préparatifs alimentent un chaud débat sur la sécurité, entre l’armée israélienne et les colons. C’est que l’activité militaire à la frontière est fort intense et ne se limite pas aux fortifications et réserves logistiques, mais elle s’étend à la mobilisation, au sein d’organisations militaires locales, des habitants du nord de la Galilée. La presse israélienne avait parlé des craintes qui agitent les colons pris de panique à l’idée que la Résistance libanaise puisse creuser des tunnels s’étendant jusqu’aux territoires occupés. La télévision israélienne avait fait un reportage sur des excavations opposées effectuées par l’armée afin de calmer les craintes des habitants.
La maison de Londres des Hariri à vendre
Le président Saad Hariri n’a pas réussi à vendre la demeure familiale de Londres, comme le rapporte un journaliste résidant en Europe. D’après les annonces publiées, l’ex-Premier ministre a fixé un prix exorbitant à la vente, soit quelque 300 millions de livres sterling. Or, le marché de l’immobilier en Grande-Bretagne n’a pas encore recouvré toute son énergie à la suite de la crise immobilière qui a secoué les Etats-Unis en 2008-2009 et dont les incidences ont été ressenties sur les marchés européens. D’après ce même journaliste, comme Hariri a besoin de liquidités, il aurait mis en vente certaines pièces de valeur de son mobilier. Un député rebelle du Moustaqbal croit savoir que c’est surtout le manque de liquidités qui entrave le retour du leader sunnite à Beyrouth. On dit que le total de ses dettes échues relatives aux institutions commerciales et bancaires privées, aux organismes sociaux et aux entreprises médiatiques qu’il possède s’élève à environ 150 millions de dollars.