L’agitation diplomatique dans le dossier syrien se poursuit. Ces derniers jours, les parties prenantes du processus de Vienne enchaînent réunions et pourparlers afin de préparer la prochaine session censée se tenir à New York le 18 décembre. Sur le terrain, l’armée syrienne semble piétiner.
Soucieuse sans doute de montrer sa bonne volonté dans la résolution de la crise syrienne, l’Arabie saoudite s’est efforcée de réunir autour d’une même table, mercredi 9 et jeudi 10 décembre, plusieurs groupes d’opposants syriens. Avec un objectif: tenter de les coordonner afin de proposer des interlocuteurs sérieux au cours des prochaines négociations avec le régime de Bachar el-Assad. Le 9 décembre, le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel el-Jubeir, a donc accueilli les délégués des différentes factions politiques et groupes armés − soit une centaine de participants − réunis dans un grand hôtel de Riyad. Au premier jour des discussions, les opposants au régime se sont accordés sur quelques grands principes pour parvenir à une transition en Syrie. Selon une source de la Coalition nationale syrienne, basée à Istanbul, les opposants réunis à Riyad se sont entendus sur le principe d’un «Etat civil et pluraliste», convenant que «la transition politique relève de la responsabilité des Syriens». Une manière de contourner l’écueil du futur rôle du président Bachar el-Assad dans le processus de transition, puisque c’est principalement sur ce point que les négociations achoppaient pour l’instant. Les participants se seraient aussi entendus sur leur «attachement à l’intégrité territoriale de la Syrie», ainsi que sur la «préservation des structures de l’Etat, la restructuration des organes militaires et de sécurité, le refus du terrorisme et de la présence de combattants étrangers». Parmi les points importants sur lesquels les participants ont semblé se mettre d’accord, le fait de ne réclamer le départ de Bachar el-Assad qu’à partir du moment où la période de transition aura débuté. De même, une délégation commune devrait a priori être formée, en vue des négociations. Elle devrait être composée d’une trentaine de membres, répartis entre les groupes armés présents sur le terrain, l’opposition politique intérieure et l’opposition en exil. «Nous sommes parvenus à mettre en place une instance qui représente les différents groupes de l’opposition et qui sera chargée de mener les négociations avec les représentants du régime», a confirmé Georges Sabra, le président du Conseil national syrien, l’une des principales branches de l’opposition.
Le plus difficile reste à faire puisqu’il s’agit maintenant de déterminer qui seront les personnalités qui seront envoyées à Vienne.
Dans le même temps, une vingtaine d’autres groupes de l’opposition, qui ne remettent pas en cause le régime Assad, se sont réunis à Damas, mercredi dernier, retenant «une liste de 10 à 20 représentants chargés de négocier avec le gouvernement» sous l’égide de l’Onu, selon Mahmoud Merii, secrétaire général de l’Action nationale démocratique. Enfin, une troisième rencontre a réuni des groupes kurdes et arabes de l’opposition dans le nord-est de la Syrie pour élaborer un scénario de transition politique. Ils ont annoncé, au terme de leurs discussions, la création du Conseil démocratique syrien, qui sera la branche politique de la coalition militaire en première ligne dans la lutte contre les jihadistes de l’Etat islamique.
Malgré cette agitation de toutes parts pour amener un panel d’opposants à la table de Vienne, de nombreuses inconnues subsistent. Notamment sur la participation au processus du groupe armé salafiste Ahrar el-Cham, dont on ne sait pas s’il participera ou pas aux futures discussions.
Rencontre Kerry-Lavrov
Les conclusions de la réunion de Riyad ont été, en tout cas, condamnées par le chef du Front al-Nosra, Abou Mohammad el-Joulani, qui a souligné qu’«il faut faire échouer de telles conférences et rencontres», lors d’une interview à la télévision d’opposition syrienne Orient News. Il a déclaré que la présence des rebelles à Riyad constituait une «trahison envers ceux qui ont versé leur sang pour la Syrie». «La plupart des rebelles qui ont été invités à Riyad n’ont pas de contrôle sur leurs combattants. Même s’ils ont donné leur accord, je ne pense pas qu’ils ont le pouvoir de l’appliquer sur le terrain», a encore estimé le chef jihadiste.
La Russie aussi s’est montrée critique sur la réunion de Riyad car des groupes, que Moscou considère terroristes, y étaient représentés. Mais aussi parce que la Turquie, avec qui règne un froid glacial, aurait empêché, selon le Kremlin, les Kurdes de s’y rendre.
Les Américains, eux aussi, n’ont pas semblé pleinement convaincus des résultats de la réunion de Riyad. Le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, a estimé, qu’il y avait «des questions et, évidemment, de notre point de vue, des nœuds à démêler», avant la tenue d’une nouvelle réunion sur la Syrie, prévue ce vendredi, à New York cette fois, sous l’égide de l’Onu et avec la participation de la Russie.
Lundi 14 au soir, une autre réunion s’est tenue à Paris, sous l’égide du ministre des Affaires étrangères français Laurent Fabius, qui a rassemblé ses homologues impliqués dans le dossier syrien. Rien de probant n’a filtré de cette nouvelle réunion.
Ce marathon diplomatique engendrera-t-il des avancées notables sur le dossier syrien? En tout cas, Russes comme Américains ont l’air décidé à faire avancer le processus. Sergueï Lavrov et John Kerry se sont ainsi entretenus de la Syrie au cours d’une rencontre organisée à Moscou mardi matin. Le chef de la diplomatie américaine devait s’entretenir avec Vladimir Poutine en fin d’après-midi. Entre les deux puissances, les désaccords persistent, concernant la composition de l’opposition, mais aussi sur la nature d’une grande coalition pour combattre l’Etat islamique. Moscou demeure plus que jamais attaché à une coalition sous mandat de l’Onu, avec l’accord du gouvernement syrien. Le sort de Bachar el-Assad constitue également un point de désaccord entre les deux pays. En revanche, la Russie s’est dite prête à soutenir l’Armée syrienne libre.
La réunion de New York, si elle se confirme, aura pour objectif, selon le porte-parole du département d’Etat américain John Kirby, d’«essayer d’obtenir un cadre et une architecture pour un cessez-le-feu» en Syrie.
Sur le terrain justement, les victimes continuent de s’accumuler. Rien que le week-end dernier, un attentat à la voiture piégée, revendiqué par Daech, a endeuillé la ville de Homs, tandis que le régime bombardait, de son côté, les localités de Douma, Harasta, Saqba et Arbin, dans la Ghouta orientale, causant plus de 45 morts.
Au début de la semaine dernière, des centaines de rebelles ont finalement quitté le quartier de Waer, le dernier qu’ils contrôlaient à Homs, en vertu d’un rare accord de cessez-le-feu supervisé par les Nations unies. Quand ils auront tous été évacués, la ville sera totalement contrôlée par les forces de Bachar el-Assad. Une victoire symbolique qui ne signifie pas pour autant que le combat est terminé, loin de là. La province d’Idlib reste encore sous le contrôle des rebelles, notamment du Front al-Nosra dans le nord et de l’Etat islamique dans l’est. La province centrale de Hama, elle aussi, témoigne d’un piétinement de l’armée du régime. Dans cette région importante, les rebelles continuent de progresser, tandis que l’armée syrienne peine à rester sur ses positions.
L’armée syrienne, soutenue par les combattants du Hezbollah au sol et l’aviation russe dans les airs, enregistre quelques progrès sur les fronts de Lattaquié, au nord-ouest et au sud de la ville d’Alep. Les troupes loyalistes sont d’ailleurs parvenues à se rapprocher de la frontière syro-turque, au nord de Lattaquié, toujours dans un souci de sécuriser ce que l’on appelle la Syrie utile. Elles ont repris aussi l’aéroport militaire de Marj el-Sultan, occupé depuis 2012 par des rebelles islamistes, dans la périphérie de Damas.
Jenny Saleh
Encore une coalition antiterroriste
L’Arabie saoudite a annoncé, mardi matin, la formation d’une nouvelle coalition islamique antiterroriste, qui rassemble 34 pays, dont l’Egypte, la Turquie, le Pakistan ou le Sénégal. L’Iran et l’Irak n’ont pas été invités à rejoindre ce nouveau groupe. Selon le communiqué de l’agence Spa, cette coalition, placée sous la conduite de l’Arabie saoudite, sera dotée d’un centre de commandement basé à Riyad pour «soutenir les opérations militaires dans la lutte contre le terrorisme». L’objectif affiché, selon le ministre saoudien de la Défense, Mohammad Ben Salmane, est de témoigner du «souci du monde islamique de combattre le terrorisme et d’être un partenaire dans la lutte mondiale contre ce fléau». Selon le futur prince héritier, cette coalition combattra «toute organisation terroriste» et pas uniquement l’Etat islamique.