Les conditions de vie se détériorent de jour en jour dans la ville de Mossoul, capitale irakienne du groupe Etat islamique. Les frappes de la coalition, la crise économique et les exactions de Daech s’abattent sur une population déjà meurtrie.
«Les arrestations effectuées par l’Etat islamique (EI) se multiplient dans la vieille ville», déclare un activiste de Mossoul ayant fui vers Duhuk, dans le Kurdistan, et s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Un témoignage soutenu également par Ghanem el-Abed, un opposant irakien, lequel ajoute que l’organisation aurait sévi contre des figures emblématiques de la ville. «L’EI a kidnappé plus de 400 membres de l’armée Naqshbandi et des anciens Baassistes, depuis près de deux semaines, et nous sommes toujours sans nouvelles d’eux», ajoute Abed.
Selon des sources locales, ces arrestations viseraient à empêcher une éventuelle rébellion dans le cas où l’offensive contre Mossoul serait finalement lancée. En effet, les attaques de la coalition se multiplient et elles auraient causé un nombre important de victimes dans les rangs de l’organisation terroriste.
Selon le site de l’opposition Mosul Eye, plusieurs frappes menées la semaine passée auraient détruit les bureaux municipaux, ainsi que les tribunaux chériés de l’EI. Près de 32 membres du groupe terroriste auraient trouvé la mort dans le secteur d’al-Kassak. Dans Alba’aj, 38 membres ont été tués au cours des frappes aériennes qui auraient également ciblé les tunnels utilisés par la mouvance et un atelier où seraient préparées les voitures piégées, ainsi qu’un hôpital mobile.
«L’EI tente, de plus en plus, de recruter parmi les jeunes», raconte l’activiste. L’organisation aurait émis une fatwa demandant aux imams des mosquées de lancer l’appel au jihad, selon le site Ara news. Trois hommes de religion s’opposant à cette décision auraient été condamnés à mort.
Difficultés économiques
Les habitants subissant le joug de Daech sont également confrontés à une situation économique de plus en plus pénible. «Les routes commerciales sont difficiles à emprunter, les hôpitaux manquent d’équipements», signale l’ancien gouverneur de la province, Acil Nujaifi.
Abed, lui, souligne que bien que certains services fonctionnent toujours comme celui du nettoyage des rues et de la voirie, d’autres bien plus indispensables ont été interrompus. «Il y a beaucoup de coupures d’électricité, les médicaments ne sont pas disponibles, la coalition a également ciblé les stations de pompage, ce qui a provoqué une pénurie d’eau», précise-t-il.
Selon les sources locales, interviewées par Magazine, le gouvernement irakien a également cessé de verser les salaires des fonctionnaires, ce qui contraint une grande partie des habitants à vivre avec moins de trois dollars par jour. Les taxes imposées par l’EI ne font qu’appauvrir la population tiraillée de toutes parts.
La carte tribale
Malgré ces conditions de vie déplorables, la majorité de la population continuerait à soutenir l’EI. «Les gens pensent que, dans le cas d’une offensive, les milices chiites sèmeraient la mort sur leur passage, ils préfèrent donc rester sous le contrôle d’une organisation qui, bien que terroriste, reste avant tout sunnite», ajoute l’activiste.
L’EI a également exploité les rivalités tribales et sociales afin de maintenir son pouvoir sur la ville. Au lieu de s’appuyer sur les familles modernes de Mossoul, il a promu des leaders jouissant d’une large assise au sein de leurs tribus. Il a également favorisé les habitants des campagnes installés à Mossoul, aux dépens des citadins. C’est ainsi qu’il a acheté la loyauté des gens de Tall Afar.
«La grande question qui se pose actuellement est dans quelle mesure la classe politique sunnite peut-elle retrouver une certaine crédibilité et fournir une alternative à l’EI pour la communauté sunnite», conclut Nujaifi.
Mona Alami
Rivalité avec Tall Afar
Les habitants de Tall Afar, des Turkmènes, ont été parmi les premiers à rejoindre l’ancêtre de l’EI, al-Qaïda en Irak. Ce phénomène explique les postes importants qu’ils occupent aujourd’hui au sein de l’EI. Grâce à leurs activités au sein de l’organisation, ils se sont enrichis aux dépens des citadins et ont pu se porter acquéreurs de nombreuses propriétés dans la ville de Mossoul.