Selon le président de l’Association des industriels libanais (AIL), Fadi Gemayel, le potentiel du secteur est sous-exploité, alors que ce dernier pourrait bien bénéficier à l’ensemble de l’économie.
Comment s’est portée l’industrie libanaise en 2015?
Le secteur industriel libanais tient le coup envers et contre tous les défis auxquels il doit faire face. En 2015, l’industrie a dû accuser une baisse de 3% de ses exportations, lesquelles se sont établies à 1,54 milliard de dollars. Il faut souligner une chute cumulée des exportations industrielles de 23% depuis 2013. Mais malgré ces chiffres, nous restons optimistes. Etant donné la situation du pays et celle de la région, nous aurions pu nous attendre à un véritable effondrement de l’activité. Sur la période 2012-2013, nous enregistrions encore des taux de croissance de 30% des exportations industrielles sur des marchés comme l’Irak.
Qu’attendez-vous de la part du gouvernement?
Le secteur industriel repose aujourd’hui uniquement sur le privé. Le programme de subventions aux exportations, mis en place par Idal, a été la seule initiative publique à soutenir notre secteur. L’enveloppe allouée de 14 millions de dollars est une belle initiative, mais elle n’est pas suffisante pour soutenir un secteur en difficulté. Nous avons besoin d’une solution pour réduire la facture énergétique. Même si le coût de cette dernière a diminué avec la chute des prix du pétrole, la baisse n’est pas suffisante pour compenser nos pertes. Nous avons également besoin de liquidités. Le secteur industriel, même s’il résiste autant que possible, est à bout de souffle et nos réserves ne sont pas infinies. Enfin, le gouvernement doit améliorer le contrôle des entreprises syriennes qui exercent une concurrence illégale et déloyale envers les industriels libanais.
Quels ont été les défis de l’industrie libanaise en 2015?
Comme depuis quatre ans, l’industrie libanaise a été confrontée à l’instabilité locale, la guerre en Syrie et maintenant dans toute la région. Avant 2011, les exportations libanaises transitaient par voie terrestre par la Syrie, pour se diriger vers nos marchés traditionnels que sont les pays du Golfe et l’Irak. La fermeture du passage de Nassib à la frontière jordanienne, en avril dernier, a encore rendu plus difficile le transport des marchandises. Il s’agissait du dernier passage terrestre pour exporter les produits libanais à travers la région. Par ailleurs, le contexte économique mondial n’a pas épargné l’activité des industriels libanais.
Avec la baisse de l’euro, les produits libanais doivent faire face à une concurrence accrue des produits européens. Enfin, en interne, nous avons également eu notre lot de crises. Celle des déchets a eu impact sur des milliers de personnes travaillant dans les usines de recyclage. Ces usines se sont retrouvées, du jour au lendemain, en manque de matières premières. En six mois de crise, l’activité des usines de recyclage a ainsi reculé de 25% au moins. Citons également la décision des douanes d’étendre les procédures de contrôle à l’ensemble des marchandises transitant par le port de Beyrouth pour lutter contre la corruption. Cela a entraîné de nombreux retards affectant les flux d’approvisionnement.
Quelles solutions pour l’industrie libanaise?
Aujourd’hui, nous n’avons d’autres choix que de nous tourner vers de nouveaux marchés. Nous avons perdu les marchés traditionnels qu’étaient le Golfe, le Yémen, l’Irak. Actuellement, nos exportations sont en hausse vers l’Europe et les Etats-Unis, nous espérons ainsi poursuivre cette tendance et développer ces marchés. Mais nous envisageons également d’autres destinations: l’Afrique, la Russie et pourquoi pas l’Iran dont il ne faut pas négliger le potentiel de sa solide industrie. Aujourd’hui, nous multiplions les voyages pour présenter les forces des produits libanais, mais aussi et surtout, des industriels libanais qui sont devenus par la force des choses des experts dans l’art de réagir aux crises. C’est cette image de marque que nous essayons de communiquer à nos partenaires.
Le potentiel industriel est-il pleinement exploité?
Le secteur industriel représente aujourd’hui 12% du PIB mais pourrait, en réalité, représenter un levier bien plus important dont les effets positifs pourraient bien se faire sentir sur l’ensemble de l’économie, le secteur agricole, celui des services, du transport et des banques. On pourrait facilement atteindre 18% du PIB si l’industrie ne devait pas endurer des coûts supplémentaires. Il faut savoir que chaque diminution de 20 000 dollars dans la balance commerciale crée un emploi. Cela montre à quel point un regain de l’industrie libanaise peut être bénéfique pour l’ensemble de l’économie par effet boule de neige. Le potentiel existe bel et bien, nous avons simplement besoin d’un peu d’aide.
Propos recueillis par Soraya Hamdan