«Nous sommes contre un changement de régime et contre les derniers propos de Naïm Kassem, numéro 2 du Hezbollah, qui a appelé à l’établissement d’un Etat islamique au Liban, en totale contradiction avec l’idée du Liban et son entité». Interview de Joseph Maalouf, député de Zahlé, membre du Bloc des Forces libanaises.
Le conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite s’approfondit et les deux pays ont rompu toute relation. Cette situation relègue-t-elle aux calendes grecques toute initiative pour la présidentielle au Liban?
Actuellement, la cassure entre l’Iran et tous les pays arabes, non seulement l’Arabie saoudite, prend une tournure inquiétante. La situation en Syrie se complique et à entendre les récents propos de Vladimir Poutine sur la mise en place d’un nouveau processus constitutionnel dans ce pays, cela certifie qu’aucune solution ne se profile à l’horizon. Dans ce bouillonnement régional, le Liban doit prendre toutes les mesures nécessaires pour se protéger. Les dirigeants doivent se comporter de façon sage et responsable notamment en ce qui concerne l’échéance présidentielle. Ils doivent reprendre les choses en main et élire un chef à la tête de l’Etat sans attendre les «conseils» venus de l’étranger, d’autant plus que le monde arabe, en particulier, a d’autres priorités.
C’est donc dans ce cadre que selon les médias, Samir Geagea pourrait soutenir la candidature de Michel Aoun à la présidence? Est-ce pour reprendre l’initiative ou pour montrer à ses alliés qu’ils ne peuvent pas le contourner dans cette affaire, eux qui ont soutenu Sleiman Frangié sans le concerter?
Samir Geagea se concerte en permanence avec ses alliés du 14 mars. D’ailleurs, Georges Adwan, le vice-président des Forces libanaises, a assisté récemment à une réunion à la Maison du centre (la résidence de Saad Hariri) et s’est concerté avec les personnalités présentes. Tous les sujets ont été discutés à cœur ouvert et sans aucune restriction. Les FL ont toujours déclaré qu’elles n’ont de veto contre personne. Mais la décision définitive en ce concerne l’appui à la candidature de Michel Aoun à la présidence n’a pas encore été prise.
Ce rapprochement entre Geagea et Aoun tient-il au fait que malgré toutes les déclarations qui se veulent rassurantes, de la part de leurs alliés respectifs, les chrétiens se sentent lésés dans leurs droits?
Nous nous sommes entendus, en effet, sur l’importance que revêt la présidence de la République et sur l’élaboration d’une nouvelle loi électorale susceptible d’assurer une meilleure représentativité.
Le député Mohammad Raad a récemment déclaré que les prérogatives du chef de l’Etat doivent être renforcées, ce qui suppose un remaniement de certaines clauses constitutionnelles. Etes-vous d’accord avec cette proposition?
Les prérogatives du président doivent être plus claires pour assurer un équilibre sain entre les différentes composantes libanaises. Nous sommes pour le remaniement de certaines clauses dans le respect de l’accord de Taëf, mais nous sommes contre un changement de régime. D’ailleurs, nous réclamons sans cesse une véritable application de cet accord, dont la clause relative à la décentralisation administrative. Nous sommes également opposés aux derniers propos de Naïm Kassem, numéro 2 du Hezbollah, qui a appelé à l’établissement d’un Etat islamique au Liban et qui est en totale contradiction avec l’idée du Liban et son entité.
Etes-vous d’accord avec le fait que Gebran Bassil, ministre des Affaires étrangères, n’a pas accepté au Caire que le Hezbollah soit taxé de parti terroriste?
Je trouve qu’il n’a pas hésité à appuyer inconditionnellement la déclaration finale, qui dénonce toute atteinte aux missions diplomatiques et qui appuie la souveraineté de l’Arabie saoudite sur ses institutions juridiques. En ce qui concerne le Hezbollah, je pense qu’il était appuyé par le Premier ministre Tammam Salam et, d’autre part, il n’a pas souhaité qu’il y ait de répercussions nocives sur le plan intérieur.
Propos recueillis par Danièle Gergès