La sécurité de l’Aéroport international de Beyrouth (AIB) est au cœur d’une vive polémique. Des rumeurs sur des failles sécuritaires, la menace de deux compagnies occidentales, Air France et British Airways, de suspendre leurs vols, auxquelles se sont ajoutés les propos de l’ancien ministre Wiam Wahhab sur un complot visant à faire exploser un avion, ont provoqué de vifs remous dans les milieux officiels et populaires.
Tout a commencé le 12 janvier par des informations publiées dans le quotidien as-safir faisant état d’une sérieuse menace qui pèserait sur l’aéroport, lequel souffrirait de déficiences dans les spécifications internationales sécuritaires et techniques. Cette situation a poussé des compagnies occidentales à menacer de suspendre leurs vols si des mesures sérieuses n’étaient pas prises. On rapporte même que cette affaire a été au cœur d’un entretien entre le président Nabih Berry et l’ambassadeur de France, d’une part, et entre le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, et l’ambassadeur de Grande-Bretagne, d’autre part.
Mais ce qui a provoqué un véritable tollé et amplifié les rumeurs sur les brèches sécuritaires de l’aéroport est incontestablement le tweet lancé par l’ancien ministre Wiam Wahhab sur une opération de grande envergure, prévue pour le 8 janvier à l’Aéroport international de Beyrouth, et qui consistait à faire exploser un avion de la compagnie Air France. Cette supposée opération, découverte par les services de sécurité américains, qui en ont notifié les Français, a été déjouée alors qu’elle était encore au stade de la préparation, selon Wahhab.
Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a démenti catégoriquement ces propos. Dans son communiqué, il a souligné que cette information est dépourvue de tout fondement et qu’elle ne vise qu’à perturber l’activité de l’aéroport. Selon le ministre Machnouk, deux commissions d’experts français et britanniques ont visité l’AIB et ont fait part de leurs remarques concernant le travail administratif, technique et sécuritaire à l’aéroport. «Ces failles portent sur trois points: la coopération entre les différentes administrations à l’aéroport, les effectifs des forces de sécurité et la sécurité technique», précise le communiqué.
Prenant à son tour la parole, le ministre des Travaux publics et des Transports, Ghazi Zeaïter, a tenu samedi 16 janvier, à l’aéroport, une conférence de presse au cours de laquelle il a souligné que le fonctionnement de l’aéroport est conforme aux conditions et aux normes sécuritaires et techniques requises par l’Organisation internationale de l’aviation civile.
Quant à Air France, elle s’est abstenue de commenter toutes ces rumeurs, se limitant à publier un communiqué dans lequel elle précise qu’elle «œuvre en lien avec les autorités libanaises, comme toutes les compagnies aériennes qui desservent le Liban, pour s’assurer de la sécurité des passagers conformément aux réglementations de la sécurité émises par l’aéroport de Beyrouth».
Au-delà de toutes ces rumeurs et de la vive polémique qui a suivi, certains voient dans cette affaire un bras de fer entre le Courant du futur et le Hezbollah. Il est clair que l’aéroport de Beyrouth est sous l’emprise du tandem chiite Hezbollah-Amal et que le Courant du futur n’y a pas son mot à dire et n’a aucune influence sur la sécurité. D’autres y voient encore une lutte d’influence entre la compagnie nationale et son président avec le ministère de tutelle, celui des Travaux publics et des Transports. Mais pour le citoyen libanais, la priorité demeure la sécurité, une notion que les responsables semblent avoir oubliée depuis longtemps…
Joëlle Seif
Les failles relevées
Les principales failles sécuritaires et techniques relevées à l’AIB sont les suivantes:
♦ L’entrée et la sortie des bagages, la nécessité d’exercer un contrôle plus sérieux à travers des machines plus performantes, en particulier le transfert des bagages sur les avions.
♦ Les appareils de surveillance (caméras, radars et autres,…) seraient anciens et devraient être remplacés au plus vite.
♦ L’enceinte de l’aéroport qui n’a toujours pas été construite malgré une décision en ce sens prise en 2010.
♦ Manque dans le nombre d’effectifs des Forces de sécurité intérieure (FSI) comparé aux besoins de l’aéroport.
♦ Tension dans les relations entre la Société nationale d’aviation et le ministère des Travaux publics, l’organe de tutelle.
♦ Conflit d’intérêts entre les différents ministères et les divers services, ainsi que l’absence d’une autorité unifiée pour l’aéroport.