Pour Joe Kanaan, président de Sodeco Gestion, la demande locale libanaise a trop longtemps été ignorée. Le marché immobilier était focalisé sur la demande arabe et celle de la diaspora. Deux composantes qui ont aujourd’hui disparu.
Comment s’est transformé le marché immobilier ces dernières années?
Le marché immobilier, tel que nous l’avons connu dans les années 2009-2011, est définitivement révolu. Aujourd’hui, le client est roi. Les acheteurs sont très peu nombreux, alors que l’offre est surabondante. Les promoteurs sont actuellement obligés de prendre en compte le vrai marché libanais, qui est constitué d’acheteurs locaux. Il s’agit de jeunes couples avec de très petits budgets de 250 000 dollars au maximum ou pour les ménages de plus de 40 ans disposant de budgets qui ne dépassent pas les 400 000 dollars. Les transactions immobilières en millions de dollars sont des exceptions, cela n’arrive que très peu souvent et ne suffit pas à écouler les stocks.
Comment expliquer ces évolutions?
Le marché immobilier libanais a commencé à subir les conséquences de la crise économique mondiale dès 2009. Le pouvoir d’achat de la diaspora libanaise a directement été impacté par la crise financière de 2008. Après cela, le marché immobilier libanais a commencé à perdre des clients potentiels, les expatriés disposant de moins de liquidités. Ensuite, en 2011, quand la guerre en Syrie a débuté et que les pays arabes ont commencé à boycotter le Liban, nous avons également perdu les riches clients du Golfe. En réalité, c’est la demande locale qui représente le vrai marché libanais, laquelle n’avait jamais été prise en compte. Les promoteurs immobiliers ont créé Beyrouth en se basant sur la demande de la diaspora et des pays du Golfe qui ne représentaient pourtant pas le vrai marché libanais. La demande locale a toujours été laissée-pour-compte, alors qu’aujourd’hui, il ne reste plus qu’elle au Liban. Personne ne tenait compte de la règle, tout le monde prenait en compte l’exception.
Aujourd’hui, la tendance est aux petites surfaces, prend-on enfin en compte la demande libanaise?
Les promoteurs immobiliers ont commencé à s’orienter vers des petites surfaces, car ils n’ont plus d’autres choix. Aujourd’hui, la demande est pratiquement entièrement composée de locaux. Les Libanais n’ont pas les moyens d’acheter des biens de 400 m2. Ils recherchent ceux en adéquation avec leurs budgets et ce n’est toujours pas le cas. Même si les petites surfaces se multiplient, les prix sont encore trop élevés par rapport à ce que peut s’offrir la demande. Il faut aujourd’hui que les promoteurs proposent enfin des produits adaptés à la demande locale. A Mar Mkhael par exemple, j’ai lancé un produit «Michel-Ange», composé de deux pièces de 83 m2, à 250 000 dollars, et de trois pièces de 109 m2, à 350 000 dollars. J’ai pratiquement vendu la moitié de ces biens, alors que la construction n’a pas encore démarré. Cela s’explique par le fait que le projet concerne enfin des produits adaptés aux Libanais. C’est un marché qui autrefois existait, mais n’était pas exploité. Pour se loger, les Libanais étaient obligés de s’éloigner de la capitale. Si c’est aujourd’hui toujours le cas, les choses devraient bouger car la situation l’oblige. Aujourd’hui, nous travaillons par exemple sur des projets à 170 000 dollars, c’est cela l’avenir.
A quelles nouvelles tendances peut-on s’attendre ces prochaines années?
Bien entendu, la tendance aux petites surfaces se poursuivra. On voit déjà se construire des lofts, des petits deux-pièces ou même des petits studios comme en Europe. Ce qui devrait se développer, ces prochaines années, est également la rénovation d’anciens immeubles. Les choses devraient commencer à bouger dans ce domaine-là.
Propos recueillis par Soraya Hamdan