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Nº 3041 du vendredi 19 février 2016

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Les soucis de Hariri. Remettre de l’ordre au Futur, resserrer les rangs du 14 mars

La chaleureuse accolade et les tendres baisers échangés entre Saad Hariri et Achraf Rifi n’ont pas suffi à faire rentrer les choses dans l’ordre ni à dissiper un malaise de plus en plus latent au sein du Courant du futur. Les derniers éclats du bouillant ministre de la Justice ne sont, en réalité, que le reflet des luttes internes et le résultat de l’absence trop prolongée du chef du Courant du futur.

Entre l’ancien Premier ministre et le ministre de la Justice, ce n’est pas le premier clash. Déjà, l’appui de Saad Hariri à la candidature du député Sleiman Frangié avait provoqué une réaction virulente de la part de Rifi, qui avait menacé de présenter sa démission et de quitter le Courant du futur. Son attitude avait nécessité sa convocation à Riyad par Saad Hariri. Lorsque Rifi aurait proposé de discuter de la candidature de Frangié, la réponse de Hariri fut brutale: «Cette question n’est pas à discuter».
Aujourd’hui encore, l’affaire de l’ancien ministre Michel Samaha est une raison de plus pour alimenter les différends entre les deux hommes. Le Conseil des ministres avait commencé par examiner le dossier d’Ogero et celui des déchets, mais fut interrompu par le ministre Achraf Rifi, affirmant que «l’affaire Samaha est une question d’honneur et je n’accepterai pas que justice ne soit pas faite. J’insiste pour discuter ce point, avant tout autre, dans l’ordre du jour». Le Premier ministre, Tammam Salam, aurait répondu: «On n’a pas le temps. Je veux terminer et quitter pour Munich». A ce moment, Rifi se serait retiré de la séance, suivi uniquement par les ministres Kataëb, Sejaan Azzi et Alain Hakim, qui lui auraient conseillé de ne pas s’exprimer devant la presse et de discuter cette affaire à l’intérieur.

 

Mouchardise par WhatsApp
D’après des sources informées, ce qui aurait particulièrement indisposé le ministre Achraf Rifi serait l’envoi par l’un des ministres présents d’un message par WhatsApp à Saad Hariri, l’informant que Rifi avait parlé en «notre nom et s’était exprimé d’une manière très acerbe». «Ceci est inadmissible et peut faire imploser le gouvernement», aurait déclaré le ministre mouchard. C’est la raison pour laquelle Saad Hariri aurait répondu via son compte Twitter que Rifi ne le représentait pas et que personne ne fasse de «la surenchère au sujet de l’assassinat de Wissam Hassan et du dossier de Michel Samaha». Surpris par la rapidité avec laquelle Hariri avait été tenu au courant et par la réaction du leader du Moustaqbal, Rifi avait alors quitté le Conseil des ministres, suspendant sa participation aux réunions, avant d’aller se recueillir devant la tombe de Wissam Hassan. Cette démarche, vivement critiquée par certains, n’était, en fait, que sa manière d’exprimer qu’il était conséquent avec lui-même. D’autres ramènent la fermeté de la réaction de Saad Hariri et la virulence de son tweet à travers lequel il a rappelé à l’ordre son ministre, à son désir de mettre un terme à la fronde au sein de son courant et pour signifier clairement qu’il restait le seul patron.
Pourtant, des proches du ministre de la Justice rapportent que son départ du Conseil des ministres n’était pas une réaction spontanée, mais une décision prise en accord avec les dirigeants du Futur. Au cours d’une réunion tenue à Riyad en présence de Saad Hariri, il fut, en effet, décidé que si le dossier Samaha n’était pas transféré devant la Cour de justice, les ministres du Moustaqbal se retireraient du gouvernement. Même le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, avait appuyé cette décision. Quelle ne fut donc la surprise de Rifi de constater qu’il n’avait pas été suivi et appuyé dans sa démarche. Nombreux sont ceux qui s’interrogent aujourd’hui sur l’avenir du ministre de la Justice. Subira-t-il le même sort que le député Khaled Daher, dont les propos avaient indisposé son chef et l’ont poussé à l’écarter du bloc parlementaire du Futur?
Il devient de plus en plus clair que l’exil volontaire de Saad Hariri a des retombées néfastes non seulement sur son courant, mais sur l’ensemble du 14 mars. Sa participation à la commémoration du 14 février et son séjour, qui semble devoir se prolonger cette fois, ont surtout pour but de resserrer les rangs et de colmater les brèches au sein d’une entité minée par les dissensions internes et affaiblie par l’absence d’initiative. Après plus de cinq ans d’absence, la base ne suit plus le mouvement. Les ennuis financiers de l’ancien Premier ministre sont venus s’ajouter aux nombreux différends et aux rivalités qui sapent son courant de l’intérieur. Depuis des mois, les employés dans les institutions du Futur ne touchent plus leurs salaires. L’appui de Saad Hariri (qui n’est toujours pas officiel) à la candidature de Sleiman Frangié a été mal accueilli par une partie de ses partisans et par les figures du 14 mars. La réconciliation entre le général Michel Aoun et le Dr Samir Geagea, ainsi que l’appui de ce dernier à la candidature du leader du Courant patriotique libre (CPL), ne sont que la conséquence directe et la réponse à l’initiative de Hariri.
Malgré son retour, l’ancien Premier ministre n’est porteur d’aucune initiative particulière. Son principal souci consiste à resserrer les rangs du 14 mars et à remettre les choses en ordre au sein du Moustaqbal… une tentative de limiter les dégâts.
Les démarches effectuées jusqu’à présent confirment cette tendance. Aucune redynamisation du 14 mars n’est prévue mais, tout simplement, une volonté de ne plus laisser les divergences éclater au grand jour. C’est dans ce cadre que s’inscrit la visite effectuée par Hariri à Maarab. Il a aussi profité de sa visite à Saïfi auprès de Samy Gemayel pour affirmer la nécessité de respecter la Constitution et le jeu démocratique. Il a également mis en garde contre les spéculations concernant sa relation avec Samir Geagea et Samy Gemayel.
Cependant, les accolades et les embrassades échangées avec Samy Gemayel, et la visite qu’il lui a rendue à Saïfi, ont été interprétées comme une volonté de remplacer les Forces libanaises par les Kataëb au statut d’«alliés privilégiés». Selon des sources proches des FL, la visite de Saad Hariri à Maarab ne peut pas effacer les propos tenus au Biel ni le dos tourné à Samir Geagea, alors qu’il échangeait des effusions avec les Gemayel.

Joëlle Seif
 

Le fossé se creuse
Qu’elle ait été conseillée par l’ambassadeur d’Arabie saoudite ou pas, qu’elle ait pour motif des excuses ou pas, il n’en demeure pas moins qu’après l’affront adressé à Samir Geagea, au cours de la cérémonie du Biel, la visite de Saad Hariri à Maarab a bel et bien eu lieu. Interrogé par la presse sur le but de cette visite, c’est Samir Geagea qui a répondu à la question adressée à Saad Hariri, refusant de placer cette rencontre dans le cadre d’une visite d’excuse. Quoi qu’en disent les principaux intéressés, les propos de Saad Hariri au Biel ont enflammé les réseaux sociaux et provoqué de vifs remous dans la base des Forces libanaises. Le fossé creusé entre le Courant du futur et les Forces libanaises se fait de plus en plus profond. Pour un grand nombre de partisans des FL, leur réponse sera une consolidation de la relation avec le Courant patriotique libre, un rapprochement et une collaboration qui sera traduite à la première échéance.

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