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Paul Khalifeh

Un filet de lumière dans l’Apocalypse

Le monde est en feu. Les foyers de tensions se multiplient au Levant, dans la péninsule arabique, au Maghreb, au Sahel et en Europe, entraînant d’incommensurables souffrances et des désastres humanitaires inédits depuis la Deuxième Guerre mondiale: des centaines de milliers de morts, des millions de blessés, des dizaines de millions de déplacés et de réfugiés (15 millions en Syrie seulement, 60 millions dans le monde), des Etats qui disparaissent, d’autres, monstrueux, qui apparaissent, une vague terroriste qui frappe tous les continents, une crise économique qui menace même les pays les plus riches…
Les risques d’une conflagration à l’échelle planétaire n’ont jamais été aussi nombreux. L’évolution militaire sur le terrain en Syrie et les déclarations belliqueuses qui l’accompagnent font craindre le pire. Henry Kissinger a été l’un des premiers à évoquer une Troisième guerre mondiale, dont le berceau serait le Moyen-Orient. C’est maintenant au tour du Premier ministre de Russie, Dmitri Medvedev, de mettre en garde contre «une guerre mondiale», en cas d’intervention terrestre saoudienne ou turque en Syrie.
Dans ce tableau sombre, certains aiment voir des signaux positifs, des esquisses de dialogues, des tentatives d’initiatives, modestes, il est vrai, mais qui laissent toutefois espérer que tout n’est pas perdu, qu’il est encore possible de freiner la chute vertigineuse vers le point de non-retour.
L’accord sur le gel de la production du pétrole, conclu à Doha entre la Russie, premier exportateur, et l’Arabie saoudite, premier producteur, pourrait être un petit pas dans la bonne direction. Dans l’absolu, cet accord n’aura pas une grande incidence sur le cours du brut. Mais il est important dans la mesure où il s’agit de la première décision prise entre les deux géants pétroliers depuis l’effondrement des prix de l’or noir, mi-2014. Plus significatif encore, l’Iran a salué l’arrangement de Doha, ouvrant ainsi la voie à de futures discussions entre les pays producteurs de pétrole, ce qui permettrait d’initier une dynamique de coopération, susceptible de déborder sur d’autres dossiers litigieux entre ces puissances qui s’affrontent indirectement sur les différents champs de bataille au Moyen-Orient.

Autre indice, les préparatifs en cours pour la grande bataille de Mossoul, capitale autoproclamée de Daech en Irak. La participation de l’armée irakienne, aux côtés des Peshmergas et des conseillers américains, prouve qu’un accord est finalement intervenu entre Washington et l’Iran sur le plan de cette bataille très problématique, car Mossoul est une ville à majorité sunnite et le gouvernement central de Bagdad est perçu comme chiite pro-iranien.
Le troisième indice est, en fait, une information non officielle qui circule dans certains milieux politiques et diplomatiques à Beyrouth. L’Iran et la Russie auraient proposé à l’Arabie saoudite un projet de solution à la crise yéménite, susceptible de mettre un terme à la guerre qui sévit dans ce pays depuis bientôt un an.
Quatrième signe, enfin, l’adoption par Saad Hariri de la candidature du député Sleiman Frangié à la présidence de la République au Liban, nonobstant son amitié avec le président syrien Bachar el-Assad et ses relations étroites avec le Hezbollah. Des milieux proches du 8 mars estiment, en effet, que le soutien de M. Hariri à cette candidature, avec la bénédiction de l’Arabie saoudite, signifie que Riyad adopte, dans le cas libanais, une logique de compromis. Ces sources n’excluent pas que cette logique puisse s’étendre à d’autres dossiers explosifs dans la région, avec des esquisses de solutions d’ici à la fin de l’année au Yémen et en Syrie.
Cette lecture résolument optimiste ne fait pas l’unanimité. Elle a cependant le mérite de maintenir une lueur d’espoir dans un paysage apocalyptique.

Paul Khalifeh

 

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