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Mouna Béchara

Présidentielle: à la prochaine!

Soixante-dix parlementaires, réunis place de l’Etoile, n’ont pas réussi à assurer un quorum électoral. Les présumés candidats, eux-mêmes, n’y étaient pas. Malgré notre crédulité et notre naïveté, nous avions cru jusqu’au dernier moment au miracle des urnes. Mais il aura fallu moins de quelques petites heures pour que reviennent sur le tapis tous nos problèmes quotidiens. Jusqu’où irons-nous dans notre politique laxiste fondée sur les appels à l’aide des Etats, proches ou plus éloignés, ceux qui nous avaient soutenus et ceux qui nous ont sans cesse ignorés, quels que soient les défis auxquels nous sommes confrontés? C’est avec un souffle de satisfaction que nous avons entendu le ministre de l’Intérieur déplorer qu’on ne mette en avant, dans le conflit avec l’Arabie saoudite, que l’aide financière dont nous pourrions être privés. La communauté européenne, quant à elle, dénonce l’invasion de ses pays par les migrants, mais aussi l’arrivée massive de ces derniers en Jordanie et en Irak, mais à ce jour, nous n’avons entendu aucun média européen, ou autres, déplorer la présence de plus d’un million et demi de réfugiés syriens au Liban, un tiers de la population nationale, vivant sous des tentes de fortune et dans des situations d’hygiène et de misère inhumaines. Quand comprendrons-nous que la négligence dans laquelle nous tiennent, même les pays qui avaient si souvent été à nos côtés, n’est due qu’à la faiblesse et au laxisme qui caractérisent la classe qui «gère» nos destinées? Un ministre démissionnaire pour de bonnes raisons est très vite qualifié de perturbateur… Un autre provocateur de graves entorses à la politique du gouvernement, dont il est membre et porte-parole dans les congrès arabes et internationaux, sévit toujours et sans vergogne au palais Bustros, alors qu’il a gravement porté préjudice aux relations étrangères du Liban, et continue de le faire. Une justice à multiples facettes qui ne se résigne pas à juger un homme qui se reconnaît criminel, mais refuse d’être qualifié de terroriste… Des administrations accusées de corruption, à tort ou à raison, par une grande partie de l’opinion, ne font l’objet d’aucune enquête sérieuse. Quant aux déchets, ils ont vite fait de reprendre le dessus pour perdurer visiblement jusqu’à la résurgence, on ne sait quand, de quel génie de l’imagination.
Mais, peu importe, le Liban reste ce qu’il est, gratifié par les étrangers pour son cèdre et son climat et abandonné par ses fils dont plusieurs font la gloire et, même, s’il faut en croire les médias internationaux, la richesse ailleurs. Sans cesse dans les rubriques du monde, revient le nom de plus d’une personnalité libanaise créatrice d’entreprises et d’emplois qu’occupent avec bonheur des étrangers ou des Libanais émigrés.
Que de temps perdu pour le pays du Cèdre! Que d’énergies dépensées à vide! Sommes-nous aveugles, sourds ou ignorants pour comprendre que le destin de la nation est entre les mains d’une partie de ses citoyens qui rejettent l’indépendance d’un pays démocratique tel que fut longtemps le statut du Liban malgré des périodes difficiles?
Que faut-il encore pour persuader les Libanais que ceux qui, hélas, sont les véritables meneurs du jeu appliquent leur propre politique entraînant le pays au désastre? Comment ne pas tirer la leçon de cette quasi-impossibilité de résoudre le problème des déchets, d’élire un président de la République quelles que soient ses affinités politiques?
Tous les appels à la sagesse de la plus haute autorité chrétienne comme ceux des ténors de la communauté tombent dans des oreilles de sourds. Ceux qui ne veulent pas et ne peuvent pas s’entendre sur une même conduite politique peuvent-ils se retrouver autour d’un même projet? Ces appels correspondent aux intérêts nationaux. Il faut être aveugle ou d’un optimisme aggravé pour ne pas comprendre que la situation, qui explose aujourd’hui, se prépare depuis de longues années et se fabrique en douce presque officiellement. Le vide institutionnel remonte loin dans le temps et ouvre la porte à toutes les éventualités, dont la plus évidente est le partage du Liban souhaité par certains. Les dialogues dont les résultats restent confus suffiront-ils à calmer le jeu? Sommes-nous arrivés au point de nous satisfaire de la déclaration: «Il n’y aura pas un nouveau 7 mai»? Mais y aura-t-il un 23 mars?

Mouna Béchara

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