La délégation libanaise qui s’est rendue en tournée aux Etats-Unis pour expliquer la position du pays du Cèdre au sujet de la conformité du secteur financier et de l’Etat libanais aux critères internationaux de la bonne gouvernance était formée uniquement de parlementaires. Interrogé par Magazine, le président de la Chambre de commerce libano-américaine (AmCham), Salim Zeenni, n’a exprimé aucune réserve, affirmant que la délégation, bien que ne comprenant que deux députés qui portent une double casquette d’hommes d’affaires et de parlementaires (Yassine Jaber et Robert Fadel), a «un caractère strictement politique». «Nous laissons les politiques faire leur travail et nous faisons le nôtre», a-t-il dit. Il a ajouté que la présence de membres de l’AmCham n’était pas nécessaire, celle-ci ayant des projets différents portant, dans l’immédiat, sur l’ouverture du marché américain aux start-up libanaises. La visite a, rappelle-t-on, débouché, entre autres, sur la création d’une Association d’amitié libano-américaine pour une consolidation des contacts permanents forts entre les deux pays.
Marché de change
Du côté du secteur financier, à la suite de l’affaire de la Banque libano-canadienne, en 2012, et ses répercussions sur la réputation du secteur bancaire, l’Association des banques du Liban (ABL) a programmé deux tournées annuelles d’exploration et d’information aux Etats-Unis. La première visite a lieu en octobre à l’occasion des réunions annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), et la seconde entre mai et juin. Une source fiable a confié, à Magazine, que la nécessité, après le vote des dernières lois par le Sénat et le Congrès américains contre le Hezbollah, est de multiplier les visites des banquiers libanais aux Etats-Unis. Ces derniers devraient augmenter leurs visites aux différents départements du Congrès américain et à ses diverses commissions établies à Washington, ainsi que celles à destination des sièges principaux des banques correspondantes américaines et à la Réserve fédérale de New York. «Si les politiques sont les mieux rompus à diriger les affaires politiques, il faudrait laisser au monde de l’économie et des banques la tâche de mettre de l’ordre dans les institutions qu’il administre avec l’objectif de sécuriser les épargnes de 99,99% des Libanais résidants et non résidants, ainsi que d’assurer le financement de leurs exportations et de leurs importations, tout comme les transferts d’argent à leurs familles où qu’elles se trouvent sur le territoire national à travers le réseau bancaire».
Les mesures américaines, puis arabes, qualifiant le Hezbollah d’organisation terroriste n’ont pas manqué de laisser des traces sur le marché de change. Même s’il n’y a pas eu de mouvements exceptionnels de sorties de fonds du Liban, la demande sur le billet vert s’est quelque peu accentuée au cours de la première semaine du mois en cours, avant de reprendre son rythme ordinaire. Les transactions de la livre vers le dollar américain ont eu lieu sur base de la tranche supérieure de la fourchette de flottement autorisé par la Banque du Liban (BDL), soit entre 1 512 livres et 1 514,5. Ce qui a poussé la Banque centrale à intervenir d’une manière très limitée, mettant à la disposition du marché près de 580 millions de dollars.
Le Liban via la Banque du Liban et l’Association des banques du Liban ne s’est jamais contenté de paroles et a passé à l’action depuis dix-huit ans dans le but d’être en ligne avec les instructions internationales de lutte contre le blanchiment ou le recyclage de l’argent sale. Beyrouth a réussi puisque son nom a été supprimé de la liste noire des pays accusés de blanchiment d’agent puis, successivement, de celle des pays sous surveillance. La commission d’investigation spéciale relevant de la BDL a une présence active au sein des forums financiers organisés par le Gafi et l’Egmont Group, ainsi que par la FATF Mena. Aujourd’hui, quelle que soit la nature de la délégation qui se rendra aux Etats-Unis pour mettre au clair la position du Liban, secteurs public et privé confondus, elle serait bardée de quatre projets de loi approuvés par le Parlement libanais en novembre 2015. Ces lois ont créé un cadre légal plus solide et efficace pour lutter contre le financement du terrorisme. Elles portent notamment sur la lutte contre l’évasion fiscale et le transport d’argent transfrontalier.
FATF et Egmont Group
♦ FATF. The Financial Action Task Force est une entité intergouvernementale établie en 1989 par les ministres des pays membres. Les objectifs de la FATF se résument à l’élaboration de réglementations et de normes internationales, ainsi que de mesures opérationnelles en vue d’une lutte efficiente et efficace contre le financement du terrorisme et du recyclage de l’argent sale et autres menaces de la stabilité du système financier mondial. Pour certains économistes, la FATF est «un corps politique de décision», qui œuvre afin de porter les autorités politiques des pays membres à entreprendre les réformes nécessaires dans leurs législations nationales. A cet effet, la FATF a développé une série de recommandations. Les premières ont été rendues publiques en 1990, puis révisées en 1996, 2001, 2003 et dernièrement en 2012. La FATF supervise la mise en application de ses recommandations par ses membres.
♦ Egmont Group. Cellule de renseignement financier (Financial Intelligence Unit), elle s’est réunie à Egmont Arenberg, à Bruxelles, et a décidé la création d’un réseau informel visant à la stimulation d’une coopération internationale pour la lutte contre le financement du terrorisme et du blanchiment d’argent sale. Ses activités principales s’articulent autour de l’échange d’informations et de partage d’expertise. Le nombre des pays membres du groupe a atteint 151 en 2015. En quinze ans d’existence, Egmont Group a publié près de 40 recommandations.
Liliane Mokbel