Le gouvernement vient de lancer une demande de pré-qualification pour sélectionner les sociétés qui pourraient pratiquer la technique du Waste to energy au Liban (l’incinération). Cette solution est actuellement la solution durable étudiée par le gouvernement pour traiter les ordures à long terme. Selon Raja Noujaim, coordinateur général de la coalition de lutte contre le plan gouvernemental, accepter les décharges c’est accepter à terme les techniques d’incinération.
Le gouvernement a annoncé son intention de démissionner au cas où il ne parviendrait pas à résoudre la crise des déchets, y croyez-vous?
Je ne crois absolument pas à l’intention du gouvernement de vouloir démissionner au cas où les responsables ne trouveraient pas d’issue à la crise des déchets. Il s’agit uniquement de pressions politiques qui n’ont aucun sens, car la population se fiche complètement que le gouvernement reste au pouvoir ou non. Les politiciens ont déjà prouvé, à maintes reprises, leur incompétence et incapacité à gérer la crise. Ils ont perdu toute crédibilité et toute légitimité aux yeux de la population. Tout ce que les responsables souhaitent est de conserver leurs acquis. Or, comment convaincre la population que la solution des décharges peut fonctionner après avoir maintes fois échoué à résoudre la crise? Ils ne peuvent pas forcer les Libanais à accepter la solution qu’ils souhaitent, celle-ci même qui a déjà échoué.
Que pensez-vous de la solution du gouvernement de revenir temporairement aux décharges, puis de prévoir, à long terme, l’option du Waste to energy?
Le gouvernement a voulu regrouper la solution immédiate et celle temporaire qui est, en réalité, durable en une seule et même solution: celle de la réouverture des décharges. Or, si l’on accepte ceux-ci, on accepte automatiquement la technique du Waste to energy, qui n’est ni plus ni moins que l’incinération, quoi que les responsables politiques veulent bien en dire. Si l’on accepte la réouverture des décharges, on accepte en réalité la centralisation, qui signifie laisser aux mains de nos dirigeants le sort de ce dossier qu’ils ne sont pas parvenus à résoudre. Le gouvernement refuse, jusqu’à présent, la seule solution réaliste qui reste: à savoir le tri des déchets. Il a choisi la solution qui l’arrangeait sans même avoir mené les études adéquates et sans prendre en compte la spécificité libanaise. Les dirigeants politiques veulent, à tout prix, éviter d’en arriver au tri, car cette option annoncerait le début de la décentralisation et, naturellement, le pays n’aura plus besoin des techniques qu’ils souhaitent implanter comme l’incinération.
Pourquoi l’incinération n’est-elle pas adaptée au cas libanais?
Sans même évoquer les effets néfastes de l’incinération sur l’environnement et la santé, cette technique n’est pas adaptée au cas libanais et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il faut souligner que la technologie du Watse to energy est bel et bien une technique d’incinération. Elle consiste à brûler les déchets pour produire de l’énergie. Or, aujourd’hui, plus aucun pays au monde ne brûle des déchets simplement pour les brûler, tous le font pour créer de l’énergie (la technique du Waste to energy). Le problème est qu’au Liban, contrairement aux grandes capitales européennes, notre poubelle est composée, en grande majorité, de déchets organiques (entre 55 et 60%), donc humides, pouvant ainsi être difficilement incinérés. Il faudra les sécher au préalable, ce qui consommera plus d’énergie qu’il n’en sera créé.
Comment prévoyez-vous la suite des événements?
Le gouvernement n’a plus le choix. Qu’il le souhaite ou non, il sera obligé d’accepter le tri et de remplacer la solution des décharges par la construction de centres de tri décentralisés à travers tout le pays. C’est la seule solution qui reste et ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’arrive. La population et la société civile ont tenu huit mois sous les ordures, nous pouvons supporter plus longtemps encore, mais n’accepterons pas la technique de l’incinération. Le gouvernement essaie de convaincre l’opinion publique que c’est la seule solution possible, mais c’est faux. Tout comme il a essayé de la convaincre que l’exportation était la seule solution possible. La technique de l’incinération devrait prendre trois ans avant d’être mise en place, le gouvernement mise ainsi sur les décharges pour combler cette période temporaire et souhaite, à tout prix, éviter la construction de centres de tri qui rendraient inutile l’incinération.
Propos recueillis par Soraya Hamdan