Magazine Le Mensuel

Nº 3047 du vendredi 1er avril 2016

Economie & Finances

Forum des experts libanais à Paris. Mettre en valeur les compétences libanaises

Le Forum des experts libanais, présidé par Nada Chéhab, a organisé une table ronde au Palais du Luxembourg, à Paris, sur le thème entre La théorie et la pratique, comment faire la différence dans le vaste monde du commerce international.
Farid Aractingi, directeur de l’audit et de la maîtrise des risques et de l’organisation chez Renault, a entamé son intervention en s’interrogeant si le monde pouvait encore faire confiance aux Libanais et lier des partenariats avec eux. A ce niveau, il n’a pas manqué d’arguments. Il a énuméré sans complaisance les faits, démontrant que «le Liban a raté le virage de la modernité par un manque d’intelligence collective». Ainsi, il a comparé le pays du Cèdre à «un navire ingouvernable, incapable d’élire un président de la République, d’exploiter le pétrole de son littoral, de mettre en valeur son patrimoine, de préserver son urbanisme et de restaurer ses infrastructures». Néanmoins, Aractingi a souligné, d’autre part, que les Libanais ont réagi à ces échecs en rebondissant ailleurs. Il a, par exemple, cité les banques qui se sont déployées en Europe et dans tous les pays du Moyen-Orient, des armateurs qui se sentaient à l’étroit au Liban se sont installés de l’autre côté de la Méditerranée, des services informatiques à la recherche de clients se sont développés à Paris, des importateurs de produits de grande distribution ont essaimé leur savoir-faire dans toute la région Mena et, enfin, de grands couturiers ont désormais pignon sur rue dans le Carré d’or. «Tous ont bâti de belles signatures, parfois de véritables empires industriels», a-t-il insisté.
Farid Aractingi a abordé le sujet sensible de «l’émigration libanaise qui, au XIXe siècle et jusqu’en 1919, était due à la faim, alors que celle post-1975 était motivée par la honte et l’ambition». Le directeur chez Renault a expliqué que la honte de l’échec collectif et l’ambition du succès chez le Libanais ne sont pas une simple soif de revanche, semblable à celle de certains pays asiatiques qui veulent démontrer à l’ancienne puissance colonisatrice qu’ils peuvent, eux aussi, construire des voitures. «C’est une ambition au sens le plus noble, le désir de réussir dans un cadre civilisationnel compatible».
Le Libanais partout chez lui  
Pour Aractingi, les apports des professionnels libanais se résument en trois caractéristiques principales. Tout d’abord, une véritable expertise technique, quelle que soit la discipline (sciences de l’ingénieur, droit des affaires, médecine, marketing, technologies, finance, art culinaire..). Il dira même que «le manque de reconnaissance de leur excellence opérationnelle au Liban décuple leur motivation à l’exercer sans complexe ni arrogance partout ailleurs. Farid Aractingi cite aussi une méthodologie éprouvée, fondée sur les compétences molles, qui regroupe à titre indicatif la communication orale et écrite, la flexibilité, la pertinacité et la qualité du réseau. Enfin, la compatibilité culturelle par laquelle le Libanais ne cultive jamais une mentalité de diaspora. Au contraire, il est partout chez lui (I am a local anywhere) et adopte, avec enthousiasme, la civilisation qu’il a choisie.

 

L’arbitrage
De son côté, François Muller, avocat associé d’Atlanta Paris, a abordé le thème de la confiance en l’arbitrage pour le règlement des litiges internationaux. Dans ce prolongement, il a rappelé que le Liban a ratifié, le 11 août 1998, la convention de New York de 1958, alors que la France l’a ratifiée le 26 juin 1959. Concernant l’arbitrage d’investissement, il est du ressort du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi). En 2015, ce centre a enregistré sa plus forte hausse avec 52 nouvelles affaires. Soulignons qu’en matière d’arbitrage Cirdi, le ressortissant investisseur est le plus souvent le demandeur, et l’Etat, le défenseur. En ce moment, trois affaires en cours concernent un ressortissant libanais et deux autres affaires, dont une en cours, concernent l’Etat du Liban. Dans ce contexte, il faut relever que le pays du Cèdre a conclu 53 conventions bilatérales, dont une avec la France, signée le 28 novembre 1996. Cette dernière porte sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements entre les deux pays. Pour ce qui a trait à l’arbitrage commercial relatif au Liban, le Centre libanais d’arbitrage a été créé le 8 mai 1995 sous l’auspice de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Beyrouth et Mont-Liban. Selon François Muller, les clés de la confiance dans l’arbitrage reposent sur l’indépendance et l’impartialité des arbitres, la confidentialité, la rapidité du processus et, surtout, les coûts inférieurs à ceux des juridictions judiciaires. Et, par conséquent, cette confiance dans l’arbitrage est nécessaire pour l’essor du commerce international.

 

Sécurisation des paiements
Prenant la parole à son tour, Nada Chéhab, experte en Trade Finance, a démontré, à travers une présentation rapide et concise, qu’aujourd’hui plus que jamais l’investisseur et le commercial doivent être armés de moyens sécurisant le paiement et maîtrisant les divers risques, donnant ainsi la confiance à tous les acteurs et partenaires. «Les règles d’usance UCP restent le moyen le plus sécurisé pour vos exportations à l’international, mais l’essentiel est de savoir comment et quand les utiliser», a-t-elle dit. Nada Chéhab a souligné que la dématérialisation du métier fait que celui-ci n’est plus seulement le travail du banquier, mais aussi de l’exportateur et des différents acteurs impliquant une opération (vendeur/acheteur, banquier/correspondant, transporteur/société de contrôle qualité/ réglementation américaine/européenne, autorité prudentielle). Enfin, d’après l’experte, une société exportatrice doit reprendre les choses en main, car si elle ne le fait pas avant la signature du contrat, elle ne pourra pas être payée même si elle exporte sa marchandise et qu’elle présente ses documents en règle. La conformité reste, avant tout, l’affaire de l’exportateur et le banquier jouera, de plus en plus, le rôle du contrôleur que du conseiller. Le risque opérationnel se transfère et atteint en priorité l’exportateur qui sera la première victime s’il ne sécurise pas son opération dès le début. Nada Chéhab a conclu que le système bancaire libanais a été le levier dans la formation de génération dans le commerce international et bancaire.

Liliane Mokbel, Paris
 

Un panel très riche
Sous le patronage de Christiane Kammermann, sénatrice des Français établis à l’étranger, et de Ghadi Khoury, chargé d’affaires et ambassadeur par intérim du Liban en France, le Forum des experts libanais a organisé un colloque sur le thème Les clés de votre réussite à l’international avec vos partenaires d’excellence, et ce au Palais du Luxembourg, salle Monnerville à Paris.
Le colloque a comporté trois tables rondes:
Première table ronde sur le thème Les facteurs de succès de la diaspora libanaise à l’international. Elle a regroupé Bahjat Rizk, attaché culturel auprès de l’Unesco; Fouad Zmokhol, président du Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprises libanais (RDCL), Dominique Doise, avocat associé au cabinet Adams et le Dr Nabil Naaman, modérateur.
Deuxième table ronde sur le thème Comment la commission de contrôle des banques Liban (CCBL) travaille avec son homologue français, l’ACPR, pour consolider la confiance. Elle a regroupé Samir Hammoud, président de la CCBL, Violaine Clerc, directeur ACPR, Sherine Audi, directrice générale de Bank Audi France, Fouad Trad, directeur de Byblos Bank Europe et Liliane Mokbel, modératrice.
Troisième table ronde sur le thème Entre la théorie et la pratique, comment faire la différence dans le monde du commerce international.
Elle a regroupé Farid Aractingi, François Muller, avocat associé, et Nada Chéhab, experte en Trade Finance.

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