Alors que les Forces libanaises et le Courant patriotique libre affirment, régulièrement, qu’il existe une coordination totale entre eux au sujet des municipalités, la réalité semble totalement différente.
Un petit retour sur les circonstances du rapprochement entre Forces libanaises (FL) et Courant patriotique libre (CPL) s’impose. Il a été, en effet, annoncé le 18 janvier au cours d’une cérémonie à Maarab et il était essentiellement destiné à exprimer l’appui à la candidature du général Michel Aoun à la présidence par le chef des FL, Samir Geagea. En principe, la séance parlementaire aurait dû se tenir rapidement après cette annonce et aboutir à l’élection du général Aoun à la tête de l’Etat. Mais l’annonce, destinée à changer le cours de la présidentielle, s’est enlisée dans les sables mouvants de la politique interne. Elle est devenue, pour les FL, le moyen d’attaquer plus efficacement le Hezbollah, en l’accusant de ne pas appuyer réellement la candidature de Aoun. Comme l’annonce avait en même temps surpris les bases populaires des deux formations, des critiques ont commencé à se faire entendre. Au point que la préparation des élections municipales s’en est ressentie. Les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, qui avaient annoncé leur volonté de mener ce scrutin avec des listes unifiées dans la plupart des localités chrétiennes, se sont retrouvés dans une véritable impasse, notamment dans les grandes bourgades. A Jbeil par exemple, le candidat favori, Ziad Hawat, a déclaré être proche des FL, mais il est en conflit avec le CPL sur la part qui lui revient dans sa liste. A Hadath, c’est le processus inverse. Le candidat favori, Georges Aoun, est membre du CPL, mais il a formé une liste dont sont absents les membres des FL. A Jounié, la tendance est encore à une bataille électorale, le CPL appuyant Juan Hobeiche, alors que les Forces libanaises préfèrent un candidat qui a aussi l’appui de Neemat Frem. A Zahlé, le tandem FL et CPL souhaite mener la bataille contre la liste appuyée par l’épouse de l’ancien ministre et député Elias Skaff, Myriam. Dans la plupart des localités du Metn, l’ancien vice-président du Conseil, Michel Murr, continue à exercer une influence considérable sur les familles dans la formation des listes municipales. Et lorsque son influence est moindre, les proches du CPL ne se limitent pas à une seule liste, allant au gré des alliances avec les familles et les notables locaux. Dans les villages et les bourgades où les sympathisants du CPL sont majoritaires, cette formation a du mal à faire accepter l’idée d’intégrer des membres des Forces libanaises dans leurs listes, la base populaire rechignant à introduire ce parti chez elle.
Course d’obstacles
En résumé, et pour ne pas entrer dans les détails d’une échéance électorale marquée par les enjeux familiaux, la bataille des municipales, qui était destinée à concrétiser l’alliance entre les Forces libanaises et le CPL, à travers une victoire éclatante dans les localités à population majoritairement chrétienne, est devenue une course d’obstacles. Soit, les deux formations ne parviennent pas à s’entendre sur un partage équitable des membres des listes, soit elles se heurtent aux autres formations politiques, soit encore, elles font face à une opposition de la part des familles. Parfois, elles se retrouvent en train de mener la bataille en rangs séparés, sachant que là où les FL sont majoritaires, la base ne veut pas partager avec le CPL, même si l’inverse n’est pas toujours vrai. Les bases respectives des deux formations se posent des questions sur l’utilité de cette alliance. Au point que le chef des FL, Samir Geagea, a donné un entretien à la MTV pour affirmer qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que l’alliance avec le CPL a été conclue pour durer. Même son de cloche chez le chef du CPL, Gebran Bassil, qui a déclaré, de son côté, que l’alliance avec les Forces libanaises est sérieuse et elle créera une nouvelle réalité au sein de la communauté chrétienne. Les élections municipales seront le premier test concret.
Une réunion de trois heures
Dimanche soir, juste après le départ du président français, François Hollande, une information a surpris les Libanais: le chef du CPL, accompagné d’Ibrahim Kanaan et de Nagi Hayeck, s’est rendu à Maarab pour une réunion avec le chef des FL, Samir Geagea, et son conseiller Melhem Riachi. La réunion a duré plus de trois heures et elle a été qualifiée par les deux camps de «fructueuse et extrêmement positive». Les deux parties refusent de limiter les discussions au dossier municipal, mais selon des sources bien informées, la prochaine échéance électorale a occupé une grande partie de l’entretien. Les FL et le CPL ont décidé d’aplanir les obstacles entre eux et de mener la bataille en rangs unis dans au moins trente localités.
Joëlle Seif