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Nº 3050 du vendredi 22 avril 2016

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Mona Fayad, professeure et écrivaine. «Le 14 mars permet au Hezbollah de prendre le Liban en otage»

En tant qu’activiste, Mona Fayad a été invitée à la Résidence des Pins pour y rencontrer François Hollande. Elle a développé deux points essentiels: la nécessité de constituer des «régions protégées pour les déplacés syriens» et celle de faire preuve de plus de fermeté envers l’Iran et le Hezbollah, «responsables de la dégradation de la situation au Liban du fait de leurs ingérences en Syrie». Interview.

Vous avez rencontré le président français François Hollande. Quels messages lui avez-vous transmis?
J’ai parlé de mon point de vue concernant la relation entre la culture et la politique. Dans le sens où je considère que les idées représentent une force puissante, susceptible de changer le monde. Mais, pour que les idées s’avèrent efficaces et portent des fruits sur le court et le moyen termes, elles doivent être soutenues politiquement. Parlant de la question des réfugiés par exemple, j’ai soulevé l’importance de la constitution de «régions protégées ou de zones libres pour les déplacés syriens». Cela doit être une priorité. La communauté internationale traite ce dossier de façon erronée. Elle parle d’amélioration des conditions de vie des déplacés alors, qu’en fait, la solution réside ailleurs. Ils doivent retourner chez eux dans des régions sécurisées. Dans un autre registre, j’ai souhaité que l’Occident fasse preuve de plus de fermeté envers l’Iran et le Hezbollah, responsables de la dégradation de la situation au Liban du fait de leurs ingérences en Syrie.

Vous appelez les Syriens des déplacés et non des réfugiés. Pourquoi?
Les Syriens venus au Liban n’ont pas le statut de réfugiés selon les normes adoptées internationalement. Ils sont venus sans autorisation préalable et ont mis le pays devant le fait accompli. Il est donc du devoir de la communauté internationale non pas de demander au Liban de les accueillir indéfiniment – d’autant plus que lui-même ploie sous le joug des crises qui le traversent – mais d’établir des «régions protégées» à l’intérieur de la Syrie. Que certains ne nous disent pas que nous sommes un peuple raciste. Nous avons fait preuve, en tant que Libanais, de beaucoup de tolérance dans l’accueil et dans l’intégration. Aucun pays au monde n’a fait ce que nous avons fait. L’Europe, qui a des moyens financiers, logiciels, structurels… importants et bien établis, a failli vaciller quand quelques centaines de déplacés syriens se sont rendus chez elle. Les déplacés doivent également reconnaître cet état de choses et en être reconnaissants envers les Libanais.

Comment évaluez-vous cette visite du président français?
C’est un soutien au Liban à l’heure où les Libanais ont perdu espoir. Cette visite prouve que la France se sent proche de nous et se tient à nos côtés. Ce qui m’a quelque part dérangée, c’est que toute la presse a insisté sur le fait que les politiciens libanais ont demandé à François Hollande d’essayer de faciliter l’échéance présidentielle. C’est triste qu’ils ne veuillent pas eux-mêmes prendre cette responsabilité qui leur incombe. Ils ont préféré servir leurs propres intérêts et non ceux du pays, renonçant à faire leur devoir envers lui, laissant l’Iran et le Hezbollah faire progressivement mainmise sur le Liban. Le 14 mars avait un public inconditionnel qui lui a simplement demandé de réaliser quelque chose pour le Liban. Il a failli. Certes, la situation n’était pas facile du fait que les personnalités du 14 mars ont été la cible d’incidents sécuritaires, d’attentas, d’assassinats… mais elles auraient pu mieux gérer la situation. J’accuse les forces régionales, et précisément les pays du Golfe, d’avoir incité, voire poussé, le 14 mars à faire des concessions qui ont joué en sa défaveur. Actuellement, certes, ces pays ont changé de politique vis-à-vis des développements et tentent de reprendre les rênes, mais les politiciens du 14 mars n’ont pas réussi à prendre la vague préférant préserver leurs intérêts et partager le gâteau avec le Hezbollah, le laissant, en contrepartie, prendre le pays en otage.
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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