Mon héritage, qui s’est déroulée du 26 au 28 avril au palais de l’Unesco, est la première au Liban d’Elisabeth Tuythof. Histoire de culture, d’émotion et de liberté.
Elle est libanaise de par sa mère et néerlandaise de par son père. Deux cultures qu’elle porte en héritage, côtoyant les autres cultures de tous les pays où elle a eu la chance de vivre ou de visiter. Elle, c’est Elisabeth Tuythof, une artiste peintre qui croque la vie en couleurs, en joie et en sérénité. Elle est à la fois Dr. Jekyll et Mr. Hyde, comme elle le dit si joliment. Dans ses toiles, elle passe tout aussi facilement du chaos à l’ordre, de la douceur à la puissance. Une puissance indicible qui peut vous en mettre plein la figure et l’émotion! Et dans ses mots, à travers ses mots, tout peut sembler possible, il n’y a plus de frontières entre la volonté et la capacité, à l’image de cette planète, imaginaire improbable, où il n’y aurait précisément plus de frontières, un monde ouvert à tous les possibles qu’elle traduit en peinture.
Cette première exposition au Liban, elle lui tenait à cœur depuis longtemps, elle y travaille depuis qu’elle a commencé à peindre, en 2000. Au fil du temps et des nombreuses expositions aux Pays-Bas notamment, elle ajoutait des toiles à son «Héritage», se refusant parfois à les vendre, justement parce qu’elles s’inséraient dans cette collection. Une collection qui raconte non seulement le Liban, mais également les Pays-Bas et tous les autres pays et cultures qui l’ont influencée et qui ont fait la personne qu’elle est aujourd’hui.
Peindre avec les émotions
«Mon Héritage parle de cette histoire. Chaque peinture a une raison d’être, une histoire à raconter», suivant en cela la tradition orale du conte et de la transmission du conte, par le mot. Ou par la peinture, comme une invitation ouverte à imaginer, à se projeter, à sentir chaque toile, à effeuiller les multiples couches d’émotions et de peinture qui constituent chaque œuvre.
Parce que c’est, avant tout, avec ses émotions et son cœur qu’elle peint. Et c’est de la même manière qu’elle estime que chaque personne perçoit une œuvre d’art. «Qui décide ce qu’est une bonne peinture? C’est une affaire d’émotion! Quand on entre dans un musée, dans une galerie, pourquoi s’arrête-t-on devant une toile précise? C’est justement parce qu’on ressent quelque chose, que ça nous plaît. Ça peut tout aussi bien être une toile blanche avec un point noir! L’art c’est ce qu’on crée, que ce soit de la peinture, un beau bouquet, une chanson, un livre des mots… Et puis tout le monde peut peindre», s’exclame-t-elle.
Un cri du cœur aussi spontané et décisif que sa carrière même. Issue du monde de la mode, études et carrière à l’appui, elle décide un jour de plaquer cette industrie où la créativité est souvent bloquée, entravée par des exigences culturelles. Elle reprend une vie de voyage autour du monde, poursuivant en cela le mode de vie de ses parents. Au moment où elle sent qu’elle commence à avoir du temps libre, comblée dans sa vie familiale avec ses enfants, à ses amis qui lui demandaient ce qu’elle voulait comme cadeaux pour son anniversaire, elle répond: peintures, canevas, pinceaux. Et elle commence à peindre. Une exposition au bout d’un an, elle fait son «coming out».
Au fil de la discussion, les idées se font et se défont, libres de tout cadre. Comme l’est Elisabeth Tuythof elle-même, comme elle aspire à peindre, comme elle aspire à vivre.
Nayla Rached