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Nº 3053 du vendredi 13 mai 2016

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Culture

Inauguration de la fondation «diane». CEECDD Pour une meilleure culture citoyenne

Les Libanais peuvent-ils se rassembler autour d’une écocitoyenneté? Quelle écocitoyenneté pour un développement durable? Des questions auxquelles ont tenté de répondre les intervenants à l’inauguration de la Chaire de l’éducation à l’écocitoyenneté et au développement durable (CEECDD) à l’USJ.

«Le XXIe siècle sera solidaire ou ne sera pas». C’est sous ce slogan que Nicolas Hulot, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme et ancien envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète, a placé son discours à la cérémonie d’inauguration du CEECDD, organisée sous le patronage de Ghassan Salamé, ex-ministre de la Culture, ex-conseiller spécial du secrétaire général de l’Onu et professeur émérite à Sciences Po Paris, et en présence d’ Emmanuel Bonne, ambassadeur de France au Liban, le vendredi 6 mai, à l’Université Saint-Joseph (USJ). Nous nous enlisons aujourd’hui, et de plus en plus, dans une «crise culturelle, une crise de civilisation» de laquelle la technologie seule ne pourra nous sortir, comme l’affirme Hulot. Il faudrait préférer à «notre ennemi mortel qui est la résignation, la mobilisation et l’action». De son côté, le recteur de l’USJ, le Pr Salim Daccache, a souligné «la nécessité de mettre les jeunes et les enfants à l’épreuve d’être citoyens et porteurs du sens civique», surtout dans un contexte libanais où l’éducation à la citoyenneté permettrait de «contribuer à l’émergence de nouvelles générations engagées sérieusement dans le processus, à l’approfondissement du  sens de l’Etat, à l’approche critique positive des problèmes, à la capacité de choisir démocratiquement suivant sa conscience et non selon ses appartenances aveugles, à la réconciliation avec la politique comme service, au respect des droits et des devoirs civiques et citoyens par chacun et de chacun, à la militance contre la corruption et le changement de son regard sur la fonction publique, etc.». Il est donc important que les nouveaux programmes officiels d’éducation civique et de formation à la citoyenneté soient revus, ayant jusqu’alors «montré leurs limites et leur inefficacité pour ne pas parler d’échec», la question des droits et des devoirs étant «capitale et fondamentale pour la mise en place d’une culture citoyenne».
Selon Ghassan Salamé, une telle éducation devrait avoir l’ambition d’altérer, en profondeur, trois rapports fondamentaux de notre existence à la politique, au temps et à l’espace. Se demandant «jusqu’à quand pouvons-nous tolérer une telle paralysie de nos structures de gouvernance avec une présidence vacante, un Parlement auto-prolongé sans raison convaincante et pratiquement en arrêt d’activité, et un gouvernement qui n’a de sa fonction que le nom?», Salamé estime que, dans cet affaissement de l’Etat, siège un grave déficit de l’esprit citoyen et qu’éduquer à la citoyenneté n’est donc guère une invitation à la passivité ou à la résignation, mais bien un encouragement à l’indignation, à l’action, et parfois même à la révolte.
 

La fondation «diane»
Elaborant le concept d’écocitoyenneté, le titulaire de la CEECDD et doyen de la Faculté des sciences de l’éducation de l’USJ, Fadi el-Hage, explique que cette notion est née dans les pays occidentaux, à la fin des années 70 et que la Conférence de Rio (1992) lui a assuré de fortes retombées. «Si être citoyen, c’est être responsable et autonome, individuellement et collectivement, si un bon citoyen est celui qui contribue à donner un sens à la société dans laquelle il vit, l’écocitoyenneté, elle, fait référence à l’écologie. La citoyenneté s’exerce donc également vis-à-vis de l’environnement et de la nature». Il s’agit donc, selon Hage, pour chaque citoyen, de se comporter quotidiennement en acteur de la préservation de l’environnement, en accomplissant des écogestes dans la vie de tous les jours, afin de réduire ce que les scientifiques appellent l’«empreinte écologique».
Conçue en 2012 et créée en 2015, le but de la fondation «diane» est d’éveiller les citoyens sur ce qui se passe dans leur pays. «Pour ceci, nous avons créé trois volets qui se complètent», atteste Diane Fadel, à l’origine de cette initiative: d’abord, la création de la Chaire, l’éducation étant à la base des changements de mentalités et constituant «le lieu de notre think tank», comme le souligne Fadel. «Nous avons aussi créé notre Do Tank», confie-t-elle. En d’autres termes, la fondation supporte, stratégiquement et financièrement, des entreprises qui rendent à la nature ce qu’elle leur donne. «En résumé, nous voulons prouver avec eux que développement, profit et respect de l’environnement peuvent aller de pair», souligne la fondatrice de la Chaire. Plus encore, des «Citizen Café» sont régulièrement mis en place pour développer une communauté de citoyens conscients et responsables se réunissant pour sceller un pacte de citoyenneté autour des valeurs de l’environnement, débattre de problèmes d’actualité, s’informer auprès d’experts, découvrir de nouvelles idées appliquées, partager les problématiques d’entreprises nouvelles, bref reprendre des forces en puisant les uns chez les autres plus de connaissance, d’idées nouvelles, de motivation et d’énergie.

Natasha Metni
 

Une vision d’avenir?
Créée par la fondation «diane» en octobre 2015, à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, la Chaire de l’éducation à l’écocitoyenneté et au développement durable (CEECDD) vise à pousser tout citoyen libanais à intégrer les problématiques d’écocitoyenneté et de développement durable dans ses décisions, ses valeurs, ses attitudes et ses pratiques, à améliorer la connaissance des enjeux socio-écologiques et à repenser les modèles de développement pour construire une harmonie entre les citoyens et la nature. A la fin de la cérémonie d’inauguration, des prix ont été remis aux gagnants du concours-photo lancé par la Chaire au niveau des écoles et des universités sur le thème du développement durable et de l’écocitoyenneté. Les personnes ayant remporté les prix sont: Clara Mouzannar, Carl Abi Semaan, Rafka Rayès et Bachar Skayni.

Nicolas Hulot
«Le Liban manque de gouvernance et de vision politique»

Quels sont, aujourd’hui, les enjeux en matière d’écologie et de développement durable?
Il ne s’agit pas simplement d’enjeux environnementaux, mais plutôt d’enjeux de guerre et de paix. Les enjeux écologiques ne consistent pas uniquement en la protection de quelques espèces en voie de disparition. La crise écologique c’est la raréfaction de l’eau, avec la disparition des ressources naturelles, la disparition des terres agricoles, le grand déséquilibre climatique qui poussera des milliers de personnes à se déplacer… La crise écologique est une crise profondément humanitaire.
 

Pensez-vous que le monde, et plus précisément le Liban, soit prêt pour une mutation écologique?
C’est encore un peu tôt pour l’affirmer, tant pour le Liban que pour le reste du monde. Mais à Paris, le Liban comme les 196 partis qui y étaient affirmaient leur détermination. Nous verrons donc si les mots seront suivis des faits. Le Liban a pris sa part d’engagement.

 

Le changement viendra-t-il de la société civile ou des politiques?
Le changement viendra d’une connexion entre l’imagination de la société civile et la coordination des responsables politiques.

Comment le Liban pourrait-il sortir de sa crise actuelle?
La crise des déchets au Liban ne consiste pas en un problème de technologie, de pratique ou de comportement, mais tire sa source du manque d’organisation politique et de gouvernance. Eléments par le biais desquels se fait la gestion des déchets, des ressources naturelles et énergétiques. En effet, la faiblesse de la gouvernance et de l’autorité de l’Etat sur ces sujets fait que les difficultés en matière d’écologie se font de plus en plus accrues. Tout devrait passer par une réappropriation de l’autorité gouvernementale en la matière. Il est impératif de se fixer un certain nombre de règles, de coordonner les différents acteurs, notamment les acteurs locaux, et de donner aux collectivités locales les moyens de prendre en charge la gestion des déchets. Les solutions ne peuvent provenir de l’extérieur, contrairement aux technologies. D’ailleurs, une ville comme San Francisco peut apporter beaucoup d’idées à un pays comme le Liban, ayant fait passer la problématique des déchets de la «colonne dépenses» à la «colonne recettes», puisqu’avec la gestion des ordures, beaucoup d’emplois ont été créés. D’où la nécessité de mettre en place une forme d’autorité et de vision politique.

Propos recueillis par Natasha Metni

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