S’il faut tirer une leçon des deux premiers rounds des municipales, mis à part l’espoir d’un retour à une démocratie très relative, c’est la sécurité, assurée par des forces de l’ordre appréciées de tous. Mais le climat n’était pas vraiment à la sérénité, loin de là. Dans plusieurs régions, les rivalités ont dégénéré. Des accusations, parfois justifiées, n’ont pas manqué d’agressivité, heureusement verbale. Dans la capitale, la liste coiffée par des pôles politiques à majorité sunnite a remporté la victoire, mais de toute évidence non pas haut la main. La différence entre les deux formations en compétition a encouragé les citoyens, notamment les chrétiens, à s’exprimer plus massivement dans d’autres régions, pour affirmer le poids de leur présence. Si, après le 8 mai, l’affluence du 15 mai dans les bureaux de vote était nettement plus importante, laissant croire que le tandem maronite redonnait du souffle à la communauté, l’enchantement fut de courte durée. La coalition des deux formations n’a pas semblé aussi solide qu’elle le paraissait. Peut-on parler de renouveau? Sur quel programme les électeurs ont-ils fait leur choix? Sur des patronymes familiaux ou sur une appartenance partisane? Dans les deux cas, l’avenir des régions n’est toujours pas défini et les programmes clairs et concrets continuent de faire défaut, alors que les promesses se multiplient.
Ceux, pour qui le déroulement sécurisant des scrutins ouvrait la voie à la présidentielle, ont, hélas, tiré des conclusions hâtives. Très vite, la réalité libanaise les a rattrapés et remis sur les rails. Le problème a resurgi autour, cette fois, des priorités constitutionnelles: peut-on élire un chef d’Etat en l’absence d’un Parlement? La réponse à cette question en entraînera, sans aucun doute, une autre, et cela ne s’arrêtera que lorsque les ténors de notre République auront cessé de croire qu’ils ne sont toujours pas maîtres de leurs destinées et qu’ils sont appelés à les reprendre en main au plus vite.
Pour en revenir aux nouvelles équipes municipales, seront-elles plus efficaces que les précédentes? Oubliera-t-on les méfaits dont certaines de ces dernières ont été responsables? Des trottoirs marqués par les traces laissées par des chiens, défoncés depuis belle lurette et sources d’accidents… inutilisables par les piétons suppléés par les voitures qui y sont parquées. L’eau polluée coulant de tuyaux défectueux. Une eau, si précieuse et si rare dans les foyers. Des travaux permanents dont on voit rarement le résultat. Des feux de signalisation plus souvent en panne qu’en service et une circulation particulièrement pénible et on passe…
Le problème crucial des déchets, accumulés à Beyrouth depuis des mois, resurgit. Longtemps refusés dans leurs incinérateurs par d’autres municipalités, acceptés par la région de Nahmé, après de longs et durs débats et à titre provisoire de deux mois, il revient sur le tapis. Les relents nauséabonds remplissent à nouveau l’air de la capitale et de ses banlieues. La nouvelle équipe pensera-t-elle à consulter l’un des éminents écologistes libanais? Saura-t-elle mieux gérer la vie quotidienne des citoyens? Ne doutons pas des bonnes intentions des uns ou des autres, sauf qu’elles ne servent qu’à paver l’enfer.
C’est sur les jeunes qu’il faut compter. Les anciens ayant fait leur temps et leurs preuves. Beaucoup votaient pour la première fois et leur intérêt, comme leur enthousiasme, étaient visibles. C’est à cela peut-être aussi qu’auront servi ces élections municipales qui ouvrent une brèche sur les autres opérations démocratiques oubliées ou négligées depuis belle lurette.
Face à l’incapacité et à l’incompétence des ténors de la politique du XXIe siècle au Liban, les exemples, dont les échos nous parviennent de la diaspora libanaise, nous réjouissent et nous dépriment. Plusieurs de nos concitoyens émigrés ont enrichi de leurs compétences les pays qui les ont accueillis. Ils y sont très nombreux, dans la politique comme dans l’économie. Nous ne citerons que l’exemple le plus récent, celui de Michel Temer, Brésilien d’origine libanaise, élu à la tête de la République du cinquième plus grand pays de la planète comptant plus de 200 millions d’habitants. Nous déplorons de ne pas aller piocher nos chefs parmi les émigrés libanais qui font la fierté du pays à l’étranger plutôt que de faire des navettes chez les «puissants de ce monde» pour quémander le droit d’avoir un chef à la tête de l’Etat.
Mouna Béchara