Dans une interview recueillie par Magazine, Ahmad el-Assaad, chef de l’Option libanaise, tire à boulets rouges sur le tandem Amal-Hezbollah qu’il accuse d’avoir exercé des pressions sur l’électeur pour faire mainmise sur les municipalités. Le fils de Kamel el-Assaad ne ménage pas non plus les forces du 14 mars qu’il traite de «14 Bazar», les accusant de servir leurs propres intérêts au détriment de celui du pays.
Le tandem Amal-Hezbollah a remporté la majorité des conseils municipaux au Liban-Sud et à Nabatiyé. Pourtant, que signifient, même timides, les voix dissidentes qui se font entendre?
Nous pouvons assurer que le masque est tombé. Que ce grand mensonge qui consistait à dire qu’il n’y a pas de voix dissidentes dans la rue chiite n’est pas véridique. Malgré toutes les pressions exercées par le tandem Amal-Hezbollah, malgré toutes les menaces, il y a eu des indépendants qui n’ont pas hésité à se présenter pour dire nous aussi nous sommes là et nous désirons le montrer. Dans presque toutes les régions du Sud, il y a eu des listes contre «l’alliance sacrée». Cela signifie que les chiites ont plus que jamais de la quiétude, le sentiment de vivre dans la dignité sans être tributaires des partis qui décident, à leur guise, de leur sort. Les conditions de vie sont très difficiles dans les régions chiites. Le Hezbollah, qui prétend être le parti de Dieu, exerce une répression inimaginable. Le tandem a exercé ses pressions dans toutes les localités, mais surtout dans celles limitrophes d’Israël et ceux qui ne pliaient pas étaient accusés de connivence avec l’ennemi ou de renforcer la présence de Daech.
Pourquoi n’avez-vous pas formé vos propres listes?
Nous avons préféré soutenir les listes indépendantes existantes, car le tandem n’aurait pas hésité à menacer nos partisans encore plus directement qu’il ne l’a fait. Nous avons une parfaite connaissance de la situation sur le terrain. Nous avons évité de nous mettre en avant et l’avons fait de manière indirecte. Et nous avons réussi. C’est la première fois que le citoyen des régions à prédominance chiite brise le mur de la peur et fait entendre sa voix, même timidement.
Le 14 mars vous a-t-il assuré une aide quelconque, une logistique, des finances pour mieux affronter le 8 mars au Liban-Sud?
C’est qui le 14 mars? Moi je les appelle désormais le «14 Bazar», des gens qui vendent et achètent selon leurs propres intérêts. Nous avons besoin d’un élan extraordinaire, voire d’une révolution pour échapper à l’emprise iranienne qui se fait de plus en plus puissante au Liban. Il faut que notre pays entre de plain-pied dans le XXIe siècle et vive en concordance avec le reste du monde. Or, au lieu d’initier cette révolution, les politiciens du «14 Bazar» ont renoncé à leurs principes, à leur éthique et ont fait fi de l’extraordinaire chance qu’ils ont eue entre 2005 et 2009 quand l’ensemble de la communauté internationale les soutenait et bénissait la souveraineté et l’indépendance du Liban. La mainmise syrienne a été remplacée par une mainmise iranienne sans problème. Ces gens-là n’ont plus aucune crédibilité même dans les rangs de leurs partisans.
Les élections municipales ont eu lieu sans incidents majeurs, ce qui encourage les décideurs à ne pas ajourner les législatives qui se dérouleraient, en principe, au printemps prochain. Les voix dissidentes chiites seront encore plus fortes à votre avis d’ici là?
Les municipales ont sans doute coincé les politiciens qui se trouvent presque dans l’obligation d’organiser des élections législatives dans les délais voulus. Malheureusement, je pense qu’ils vont tergiverser jusqu’au dernier moment pour imposer la loi de 1960 qui leur assure des sièges. Quant aux voix chiites dissidentes, elles seront, je pense, moins présentes du fait des énormes pressions qui seront exercées, l’échéance législative étant plus politique que l’échéance municipale. Cela est d’autant plus sûr que l’Etat n’existe pas dans les régions chiites et que même l’Armée libanaise est à la solde du Hezbollah.
Les chrétiens sont unanimement contre l’adoption de la loi de 1960 qui les lèse…
Parce que vous croyez qu’ils ont les moyens d’imposer leur point de vue?
Propos recueillis par Danièle Gergès