Le chef du gouvernement, Tammam Salam, a participé au Sommet humanitaire mondial, tenu à Istanbul le 23 mai dernier. S’adressant à la communauté internationale, le Premier ministre a fermement rejeté toute forme d’implantation ou de naturalisation des réfugiés syriens, réclamant de l’aide pour faire face à cette crise.
Les propos du Premier ministre s’inscrivent dans le cadre de la polémique suscitée par un document de l’Onu, publié par le secrétaire général, Ban Ki-Moon, datant du 21 avril et rendu public le 9 mai, portant sur l’intégration des réfugiés dans les pays d’accueil. Ce document appelle à «l’adoption de politiques qui encouragent l’intégration des réfugiés dans les lieux où ils se trouvent». L’article 86 dispose: «Les réfugiés ont besoin de jouir d’une situation qui leur permette de construire leur vie et de planifier leur avenir. Il faut que les Etats d’accueil accordent aux réfugiés un statut juridique et qu’ils étudient où, quand et comment leur donner l’opportunité de devenir des citoyens par la naturalisation».
Les mises au point et les éclaircissements des Nations unies à New York et le bureau de l’envoyée spéciale à Beyrouth, Sigrid Kaag, n’ont pas réussi à arrêter le flux des prises de position libanaises rejetant toute manipulation internationale dans ce sens. De plus, une violente polémique a eu lieu récemment concernant les propos de Ban Ki-Moon sur un «retour volontaire» des déplacés. Le secrétaire général de l’Onu est devenu la cible des responsables libanais, ceux-ci le considérant clone de l’ancien secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, accusé de planifier la partition du Moyen-Orient en mini-Etats confessionnels. Précédant le rapport de Ban, de nombreux responsables onusiens ont émis des appels à l’implantation, suivis par les propos du président de la Banque mondiale, ceux de la représentante du Haut comité pour les réfugiés au Liban, Mireille Gérard, ainsi que d’autres responsables de l’Union européenne. Toutes ces déclarations ont porté sur l’intégration dans les camps sous le titre des droits de l’homme, ce qui contribue à rendre la naturalisation un fait accompli en fin de compte.
La faiblesse de l’Etat
Des sources suivant de près le dossier des déplacés estiment qu’il existe un réel danger qu’on impose au Liban l’intégration et la naturalisation sous divers prétextes: le contenu des traités internationaux concernant le déplacement auquel on ne peut pas s’opposer, la poursuite du conflit en Syrie et la difficulté de trouver une solution politique pouvant ramener le calme et permettre le retour des déplacés, la clause du retour volontaire, la possibilité de trouver un travail plus lucratif dans les pays d’accueil, etc.
La faiblesse des mesures prises par l’Etat libanais est également un autre facteur qui contribue à augmenter le danger de l’implantation. Des sources diplomatiques estiment qu’une position unifiée du gouvernement libanais rejetant l’implantation n’est pas suffisante. Il faut que celui-ci œuvre pour mettre un terme à ce déplacement tant qu’il n’existe pas d’indices sérieux portant sur un règlement politique de la crise syrienne.
Le gouvernement doit lancer un plan d’action dans deux directions: celle de la communauté internationale et celle du gouvernement syrien. Il devrait inciter les Etats étrangers et les institutions internationales à offrir une assistance sérieuse au Liban, afin de l’aider à supporter le poids du déplacement. Il devrait également appeler la communauté internationale à se mobiliser pour résoudre la crise des déplacés, car le Liban ne peut pas supporter leur présence plus longtemps, comme c’est le cas des réfugiés palestiniens depuis 1948.
Le Liban, considèrant qu’il y a un manquement de la part de la communauté internationale, devrait alors faciliter le départ des déplacés vers les pays occidentaux. La persistance des Nations unies et de l’Occident dans cette attitude dangereuse concernant la crise des déplacés, à travers les efforts déployés pour les naturaliser ou les intégrer dans la société libanaise, impose au gouvernement libanais d’établir un dialogue avec le gouvernement syrien, en vue de régler le retour des déplacés chez eux.
Joëlle Seif
Le dialogue avec la Syrie
La politique de l’autruche, pratiquée par quelques parties libanaises qui interdisent au gouvernement d’établir un dialogue avec le gouvernement syrien, contribue directement à servir les desseins de certains aux Nations unies et en Occident concernant les déplacés. Il est désormais clair qu’il existe des parties occidentales qui œuvrent pour la naturalisation des déplacés ou, pour le moins, leur intégration, avec tout ce que cela comporte comme danger, non seulement au niveau de l’économie du Liban mais aussi sur le plan de sa démographie et de son équilibre national.