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Nº 3058 du vendredi 17 juin 2016

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Culture

Beit Beirut renaît de ses cendres. Les prémices d’un travail de mémoire

Tous les Libanais l’ont au moins «croisée» une fois dans leur vie, sans vraiment se rendre compte de sa présence. Erigée en plein Sodeco, sur la ligne de démarcation, rue de Damas, Beit Beirut, cette maison jaune qui porte les blessures du passé, reprend vie aujourd’hui.

Sa transformation est rapide et progressive. D’un immeuble résidentiel construit entre 1924 et 1936 en deux étapes, à un emplacement stratégique constituant une «cachette» pour les francs-tireurs de l’époque de la guerre libanaise, ce «bastion» à l’architecture inspirée de la période ottomane, du mandat français et de l’art déco ouvrira ses portes au grand public à partir de septembre 2016. C’est sous l’égide du président du conseil municipal, Bilal Hamad, que deux responsables, Nadim Abourizk, vice-président du conseil, et Rachid Achkar, conseiller municipal, ont été désignés pour assurer le pilotage du projet Beit Beirut. En 2011, le permis de construire est obtenu, donnant ainsi le feu vert à la réalisation des travaux menés par l’architecte Youssef Haïdar qui précise, dans une conférence donnée au musée de la Préhistoire, à Monnot, à l’occasion de la Journée internationale des musées que «du fait de la préservation des traces, on travaille sur celle de la mémoire. Dans un pays comme le nôtre, où aucun travail de mémoire n’a été entrepris, nous faisons face à un problème d’amnésie générale, que ce soit sur le plan historique, culturel, architectural, etc.».
 

Lieu mémoriel et fonctionnel
Beit Beirut ou Immeuble Barakat prendra bientôt la forme d’un véritable lieu de mémoire où les «lacunes» architecturales ont été remplacées par des prothèses claires et distinctes qui constituent des éléments de rajout, purement fonctionnels, visant à «redonner vie au bâtiment», comme le précise Haïdar. Composée de certains éléments intérieurs qui seront l’équivalent d’objets de collection, Beit Beirut fait écho à la logique de ce que l’architecte appelle «l’exo-musée», dans la mesure où cette bâtisse s’exhibe au public, du seul fait de son érection au milieu de Sodeco. Plus encore, les escaliers, qui se trouvent à l’intérieur de cette enceinte et qui ont jadis été démolis par les francs-tireurs pour empêcher toute attaque adverse, ne seront jamais reconstitués, «afin de conserver cette ‘absence’ comme élément majeur de mémoire», comme l’indique Haïdar. Lieu mémoriel, certes, mais aussi lieu fonctionnel, Beit Beirut servira, au-delà de son aspect muséal, d’espace actif de travail et de conservation pour les chercheurs et les artistes, prenant la forme d’une sorte de centre culturel ou de centre de recherche et de documentation. C’est dans ce sens que Haïdar a ajouté au bâtiment existant, un bâtiment nouveau, tout en préservant la façade et l’intérieur originels.
Plusieurs étages constituent Beit Beirut. Le rez-de-chaussée, ce lieu de rencontres, disposera d’une petite salle de conférences. Quant au premier étage, il sera réservé à un centre culturel basé sur un mémorial. Pour accéder au musée sur l’histoire de la ville de Beyrouth, les visiteurs devront monter au deuxième étage. Pour finir, un espace d’expositions temporaires et une documentation sur tout le travail du lieu à travers d’archives seront mis à la disposition du public qui pourra échanger avec des chercheurs qui en feront également leur lieu de travail. Cinq sous-sols seront réservés aux archives, en plus du premier sous-sol qui contiendra un auditorium. Le toit, quant à lui, sera ouvert en guise de terrasse pour permettre aux gens de flâner à l’air libre.

 

Natasha Metni

Insuffler la vie dans les bâtiments
Ayant étudié l’architecture entre les Beaux-arts et la Villette à Paris, Youssef Haïdar rentre au Liban après la fin de la Guerre civile et œuvre sur des projets culturels de réhabilitation comme le Musée du savon à Saïda, celui de l’American University of Beirut, de Riad el-Solh à Saïda, sur la modernisation et l’extension de la Grande mosquée de Beyrouth, etc. Beit Beirut constitue pour lui «un être vivant, avec beaucoup d’histoires et de blessures cachées ou apparentes», qu’il faut soigner.

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