Magazine Le Mensuel

Nº 3059 du vendredi 24 juin 2016

Confidences Liban

Confidences Liban

A bout de patience
Le Premier ministre Tammam Salam n’a qu’une envie, celle de démissionner s’il le pouvait. Mais il est contraint, malgré lui, à demeurer à son poste. Ce qui ne l’empêche pas de qualifier son gouvernement de «nul» et de «lamentable», considérant que la mission qui lui est confiée ressemble plutôt à une punition. Il conseille de ne pas trop se fier à sa capacité d’endurance et à sa persévérance, parce qu’il est à bout de patience.
«Salam endure l’insupportable, c’est le président intègre d’un gouvernement tiraillé par les conflits et les intérêts incompatibles. Il aurait pu, dès le départ, contourner l’état de paralysie et de cafouillage dont souffre son cabinet en adoptant la méthode du vote pour trancher les sujets de divergence», estime le président Nabih Berry.

 

La question éludée par Salam
Le président Tammam Salam évite, jusqu’à présent, d’aborder la question des sanctions américaines contre le Hezbollah ou de la soumettre au débat à son équipe de peur de transposer la discorde politique au sein du Conseil des ministres. On sait que le camp du 14 mars appuie fermement ces mesures et le tarissement des fonds du Hezbollah, afin de le mater sur les deux scènes locale et régionale, alors que le Bloc de la Fidélité à la Résistance a mené campagne tambour battant contre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL) et d’autres établissements bancaires, faisant fi du rôle du gouvernement dans ce dossier.

La loi Boutros ressuscitée
Ont été écartées du débat sur le projet de loi électorale, les deux formules mixtes: celle du président Nabih Berry prévoyant un système mêlant les scrutins majoritaire et proportionnel (64-64) et celle du trio Moustaqbal-Socialiste-FL (60-68), parce que les divergences sur la répartition des circonscriptions électorales sont insurmontables. Des sources parlementaires révèlent que les discussions sont principalement axées, à ce stade, sur deux projets:
– Celui mis au point par le ministre défunt Fouad Boutros, en coopération avec un comité d’experts, basé sur l’élection de 77 députés au scrutin majoritaire et 51 à la proportionnelle
– Le projet adopté par le gouvernement de Najib Mikati construit sur le mode proportionnel et le découpage du pays en 13 circonscriptions électorales.
Les tendances peuvent se décanter après la séance du dialogue national, tenu le 21 juin, concluent les sources.

Achraf Rifi baisse le ton
Le général Achraf Rifi a baissé le ton vis-à-vis du président Saad Hariri, déclarant: «Nous lui vouons respect et amitié. Nous n’avons aucun problème avec lui au niveau personnel. Notre discorde porte sur certains points politiques que nous considérons cruciaux… La cause que nous partageons avec cheikh Saad nous réunira de nouveau». Les médiateurs sont nombreux à s’activer afin de réconcilier les deux leaders sunnites.



Le prisme de Mikati
Les responsables de la machine électorale du président Najib Mikati doivent lui soumettre un rapport détaillé sur les récentes municipales à Tripoli pour déterminer les lacunes et y remédier. Et aussi prendre les mesures qui s’imposent à la suite de ce fiasco.
Mikati reconnaît que des erreurs ont été commises et que l’entente entre les leaders a été annoncée tardivement sinon, dit-il, «nous aurions obtenu d’autres résultats! Mais ce n’est pas la fin du monde, nous devons accepter la défaite et, en politique, il n’y a pas de gagnant ou de perdant permanents». Bien que, selon une source de Tripoli, c’est le Moustaqbal qui assume le gros des pertes. Les chiffres ayant montré que 11000 électeurs du Tayyar el-Azm ont glissé leurs bulletins dans les urnes et que s’il n’y avait pas eu panachage entre les forces alliées, le paysage municipal aurait été totalement modifié.
Celui qui veut mesurer les poids politiques à Tripoli, ajoute cette source, doit lire les résultats d’al-Mina où le gagnant numéro un est Mikati, face à un Achraf Rifi déconfit.

Joumblatt demande des comptes
Le leader druze Walid Joumblatt a pris la décision de réévaluer la structure de son parti à la lumière des «erreurs et fautes» commises durant l’échéance municipale, via le «Conseil d’honneur» appelé à faire les enquêtes nécessaires. Nul ne pourra échapper au questionnement ou bénéficier d’une quelconque indulgence, qu’il soit cadre ou simple partisan, aurait dit Joumblatt citant les noms de Ghazi Aridi, Akram Chéhayeb et Alaeddine Terro. Il les aurait franchement informés que les faux pas enregistrés dans leurs villages respectifs (Baysour, Kfarmatta et Barja), comme les transgressions aux décisions du commandement, feront l’objet de questionnements et de mesures punitives.

Richard Jones: mission inaccomplie
Le départ du chargé d’affaires américain, Richard Jones, de Beyrouth est perçu, par certains milieux politiques, comme un indice du maintien du statu quo au Liban. Rien de nouveau en perspective en matière de scrutin présidentiel qui nécessiterait sa présence sur place! Jones avait été nommé pour une période transitoire, après le départ de David Hale, en attendant l’élection d’un chef d’Etat qui recevrait les lettres d’accréditation d’un nouvel ambassadeur américain. Jones quitte donc le Liban à une période délicate en raison de la vacance du pouvoir, de la crise interne en suspens et des retombées de la nouvelle loi américaine sur la stabilité sécuritaire et bancaire. Le Congrès américain a adoubé la nomination d’Elisabeth Richard comme ambassadeur de Washington à Beyrouth, il y a une quinzaine de jours. En mars dernier, devant le Congrès qui examinait sa candidature, la diplomate a consacré une partie de son discours aux dossiers du Hezbollah et de son intervention en Syrie, affirmant l’appui de l’Administration américaine aux sanctions contre le parti chiite, dans le but de «démanteler son réseau financier international!».

L’homme des missions complexes

Le général Abbas Ibrahim, directeur de la Sûreté générale, s’active à limiter les incidences négatives de la loi américaine contre le Hezbollah sur la stabilité financière et sécuritaire du Liban. Le dossier était au menu des pourparlers du directeur de la SG avec les hauts responsables américains au sein de la CIA et de la Sécurité nationale à Washington, il y a un mois. Il devrait y retourner bientôt pour poursuivre les concertations sur la coopération sécuritaire et la lutte antiterroriste.
Le général Ibrahim est l’une des personnalités officielles les mieux placées en termes de gestion du dialogue entre le gouvernement libanais et l’Administration américaine, et aussi l’un des médiateurs les plus en vue sur l’axe Hezbollah-BDL. Ibrahim poursuit sa mission axant ses efforts sur l’application par les banques du mécanisme mis au point par le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, et la commission d’enquête ad hoc.


Scénario apocalyptique
La guerre financière américaine contre le Hezbollah et son éventuelle escalade pourraient donner lieu à trois réactions, comme le rapportent des milieux proches de l’axe de la Résistance. Cette menace sur la stabilité nationale et ce sabotage des intérêts des Libanais sont perçus comme une agression extérieure qui nécessite des réactions musclées. La première viserait à assurer la protection d’une centaine de millions de citoyens rattachés au cycle économique de la société «résistante», en leur fournissant l’eau, le courant électrique et les services publics.
La deuxième, dont le but est d’empêcher l’effondrement de l’Etat libanais dû à la guerre financière israélo-américaine livrée contre lui, mènera à la prise de contrôle du Liban par le Hezbollah et ses alliés, exception faite du mohafaza du Nord qui sera le théâtre de conflits armés entre forces adverses.
La troisième réaction viendrait balayer le complexe militaire et de renseignements occidental infiltré dans le pays et qui regroupe des milliers de citoyens des pays occidentaux, dont les soldats de la Finul au Sud, les diplomates, journalistes et employés dans des sociétés et associations locales et internationales.
Ce scénario apocalyptique pourrait-il se concrétiser sans le feu vert de Téhéran?

 

Le Liban dans le collimateur de l’EI
Si jamais les aviations russe et syrienne intensifient leur pression sur les combattants de l’Etat islamique (EI), ceux-là pourraient quitter le camp de Yarmouk et la région est du Qalamoun en Syrie pour gagner Ersal et ses montagnes au Liban. Une possibilité contre laquelle mettent en garde des rapports de terrain qui estiment que le déplacement de Daech au Liban, à partir des bases lointaines de Raqqa, est une opération complexe jalonnée d’embûches, en raison de la distance géographique. Mais pour les éléments présents dans les régions proches, comme Yarmouk et le Qalamoun, le territoire libanais peut devenir un havre de sécurité qui les met à l’abri des raids aériens. Le Liban reste un objectif fondamental pour Daech. Le mouvement terroriste veut arriver à Tripoli à partir de Ersal pour mettre la main sur une issue maritime en Méditerranée. Mais la traversée de la plaine de la Békaa constitue une entrave sérieuse à l’avancée des terroristes vers le nord, alors que l’environnement favorable à cette opération s’étend des montagnes d’Akram jusqu’à la plaine du Akkar, puis Tripoli en passant par Wadi Khaled. Certaines analyses pensent que l’EI cherche à compenser le rétrécissement de son territoire en Syrie et en Irak en s’étalant progressivement sur le sol libanais.

 

Le gaz qui fâche
Grandes chances d’amélioration du climat entre le mouvement Amal et le Courant patriotique libre (CPL), selon les prévisions de sources issues du 8 mars. Avec l’aplanissement des divergences aiguës sur le dossier énergétique, la tendance est à la détente. Le président Nabih Berry souhaite, comme il l’a dit, que les dix blocs énergétiques soient soumis à adjudication pour confirmer et protéger les droits du Liban, peu importe le bloc à partir duquel cette opération sera lancée. C’est pourquoi le chef de l’Assemblée insiste sur l’inscription immédiate des deux décrets sur les ressources gazières à l’ordre du jour du Conseil des ministres. Il bénéficie en cela de l’appui déclaré du député Walid Joumblatt, de celui du Premier ministre Tammam Salam et donc du président Saad Hariri. Cette initiative vient mettre un terme à la discorde entre Amal et le CPL sur les blocs dont l’exploitation est prioritaire et qui sont, de l’avis du ministre Gebran Bassil, ceux de Beyrouth et de Batroun, sachant que les blocs 8 et 9 du Sud sont partagés entre le Liban et Israël et qu’il est impossible d’en tirer profit sans un tracé des frontières maritimes qui relève de l’Onu. Si ces prévisions se concrétisent, le trafic s’annonce dense entre Aïn el-Tiné et Rabié.

 

Les Turcs sont là
Les services de renseignements turcs qui s’activent au Liban-Nord sont de retour sur la scène médiatique. Un rapport publié, cette semaine, par un journal koweïtien qui cite des diplomates arabes et européens, met en lumière l’intensification de leurs activités dans la région allant de Tripoli au Akkar. Les Turcs mettent à profit leurs activités communautaires ou sociales pour implanter leur influence politique et d’espionnage, à un point tel que certains villages turkmans du Akkar sont transformés en véritables colonies où flotte le drapeau turc et auxquels Ankara fournit des services financiers, éducatifs et de santé. La nouvelle municipalité de Tripoli, présidée par Ahmad Kamareddine, a par ailleurs inauguré son mandat par l’accueil d’une délégation de l’Institut Orsem pour les études stratégiques au Moyen-Orient, dont le siège est à Ankara, afin d’étudier la réhabilitation du patrimoine tripolitain remontant à l’époque de l’occupation ottomane. La délégation était accompagnée d’un nombre d’académiciens et de conseillers de la présidence du gouvernement turc.

 

 

 

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