L’ancien chef de l’Etat, le président Michel Sleiman, ne cache pas son mécontentement à l’égard de la démission des ministres Kataëb du gouvernement d’autant, dit-il dans ses assises privées, que les trois ministres qui formaient avec ses propres représentants un front uni se concertaient, à ce titre, sur tous les sujets qui font débat. Leur absence affaiblit fortement ce bloc et renforce l’axe et le rôle du Courant patriotique libre (CPL) qui demeure le seul courant chrétien dans le gouvernement.
Le président Sleiman considère que la sortie du gouvernement des deux ministres Kataëb tombe à un moment «particulièrement inopportun», surtout dans son timing. Il l’a qualifiée d’erreur grave alors que, estime-t-il, «nous assistons à un blocage de l’élection d’un président de la République et à la paralysie de toutes les institutions de l’Etat. Sans oublier les divergences internes concernant les sanctions économiques imposées au Hezbollah et les répercussions de la crise syrienne, révélant qu’il avait personnellement tenté de jouer un rôle de conciliateur à ce sujet auprès des Kataëb pour leur faire renoncer à cette option, mais ils se sont montrés réticents et ont refusé de se laisser convaincre.
Ceci en ce qui concerne le président Michel Sleiman. Dans les cercles politiques, on se pose de multiples questions sur la nature des relations que pourra avoir, à partir de maintenant, le chef du gouvernement Tammam Salam avec le Bloc du Changement et de la Réforme, d’autant que le Courant patriotique libre représentera désormais, quasiment seul, les forces chrétiennes au sein du gouvernement.
Cette situation a provoqué également la surprise dans les rangs des principaux dirigeants du Courant du futur qu’on dit mécontents et inquiets de l’attitude et du comportement des ministres Kataëb. Ils auraient essayé d’attirer l’attention du chef du parti, le député Samy Gemayel, sur les conséquences de cette démarche qui met le Futur dans une position difficile de solitaire face aux représentants du CPL dans le gouvernement, qui, désormais, y fera cavalier seul pour parler des droits des chrétiens dans tous les projets et dossiers en suspens.
Sûreté de l’Etat
Berry exige le maintien de Toufeily
Après la crise politique qui a paralysé son action, la Sûreté de l’Etat pourrait être réactivée si son numéro 2, le général Mohammad Toufeily, dont les désaccords avec son directeur Georges Karaa, empêchaient le service de fonctionner normalement, part à la retraite. Mais selon certaines informations, le président du Parlement, Nabih Berry, tenterait d’obtenir, du Conseil des ministres, une prorogation du mandat de cet officier en dépit de l’opposition des milieux chrétiens.
Cette crise, qui intervient à un moment où le pays a besoin de toutes ses capacités sécuritaires pour faire face à la menace terroriste, a provoqué une crispation dans les milieux chrétiens pour les raisons suivantes:
♦ Le président Tammam Salam, selon les mécontents, ne tient pas son rôle et ne remplit pas les obligations qui sont les siennes en vue de résoudre la crise, d’autant que ce service dépend directement de lui sur le double plan administratif et financier.
♦ Salam, dit-on, est sous l’emprise du président de la Chambre, Nabih Berry, et tient à lui donner satisfaction plus qu’il ne chercherait à répondre aux souhaits du groupe chrétien du gouvernement.
♦ Berry veut remplacer l’actuel directeur de la Sûreté de l’Etat, le général Georges Karaa, dont le mandat s’achève dans un an. S’il n’obtient pas satisfaction sur ce point, il souhaite proroger ou retarder le départ de son adjoint, le général Mohammad Toufeily, selon le principe: «Ils restent tous les deux en poste ou ils quittent en même temps».
♦ Berry est confronté à une opposition chrétienne attachée, d’une part, au général Karaa et ne trouve aucune raison de lui faire «prendre sa retraite» avec une année d’avance et cette même opposition refuse, d’autre part, le maintien du général Toufeily à son poste, la prorogation n’étant pas légale, disent les opposants à cette formule.
Selon certaines sources, beaucoup attendaient la mise à la retraite de Toufeily comme solution au problème. Mais le chef du Parlement, Nabih Berry, qui appuie Toufeily dans sa confrontation avec le général Karaa, a réclamé le retard du départ du premier par une décision gouvernementale provoquant des réserves de la part des ministres chrétiens qui considèrent que la prorogation de Toufeily est une entorse à la loi et que la solution est dans la désignation de son remplaçant qui coopèrerait avec le général Karaa. Ces mêmes sources ont écarté, à juste titre, la possibilité que le chef du gouvernement, Tammam Salam, prenne l’initiative de la prorogation, car cela laisserait des répercussions négatives à l’intérieur du gouvernement.
Chaouki Achkouti