«Après de longs débats au bureau politique, il y a eu vote, la démission des ministres a remporté 27 voix sur 30. Le ministre du Travail a refusé de se plier au choix de la majorité. Sejaan Azzi a été nommé ministre pas pour représenter sa propre personne, mais pour représenter le parti au gouvernement». Interview de Serge Dagher, membre du bureau politique des Kataëb.
Depuis plusieurs semaines, le parti Kataëb menaçait de se retirer du gouvernement. La décision a été finalement prise et semble irrévocable, au risque de susciter des remous au bureau politique…
Nous avons en effet discuté à plusieurs reprises de la possibilité de retirer nos ministres du cabinet parce qu’au fil des mois, nous avons réalisé qu’il était impossible de changer les choses de l’intérieur. Au début, un seul ministre pouvait mettre des bâtons dans les roues s’il considérait que les décisions prises ne servaient pas l’intérêt du pays. Puis, les choses ont changé et il a été décidé qu’il fallait un arbitre pour mettre fin aux magouilles et aux marchandages, comme cela avait été le cas dans l’affaire des déchets, du barrage de Janné, des nominations dans les services de sécurité, qui ne respectent pas l’équilibre confessionnel… Lorsque toutes les tentatives de résister se sont soldées par des échecs, nous avons préféré démissionner. Quant aux remous dont vous parlez, j’aimerais vous rappeler que notre parti est démocratique. Avant de prendre la décision de retirer nos ministres du gouvernement, il y a eu des débats sur la question pendant de très longues heures.
Sejaan Azzi a déclaré que votre décision de l’écarter du parti était prise depuis longtemps et qu’il n’y a pas eu vraiment de débat sur la démission que certains considèrent anticonstitutionnelle…
L’article 53 de la Constitution stipule qu’il revient au président de la République, en concertation avec le Premier ministre, d’accepter ou pas la démission des ministres. Or, comme le pays est sans chef d’Etat, nous n’avons pas présenté de lettres de démission écrites, mais nous les avons annoncées verbalement. Je tiens à préciser, une fois de plus, que cette décision a été prise après concertations et de longues heures de débat au bureau politique, et ce n’est qu’après qu’il y a eu vote. Sur les 30 membres qui constituent ce bureau, 27 ont voté pour la démission et 3 contre. J’aimerais rappeler, dans ce cadre, que lorsqu’il y a eu débat au sein du parti autour de la déclaration gouvernementale quand le cabinet a été formé, plusieurs membres du bureau politique ont préféré que le parti ne participe pas au gouvernement, et en premier Samy Gemayel. Pourtant, la majorité a voté pour la participation, qui l’a emporté.
Prendre la décision d’écarter Sejaan Azzi du parti n’est-elle pas hâtive?
Nous n’avons porté préjudice à personne. Nous avons respecté son point de vue lors des débats auxquels il a participé. Il y a eu vote, la démission des ministres a remporté 27 voix. Le ministre du Travail a refusé de se plier au choix de la majorité. Rappelons que Sejaan Azzi a été nommé ministre pas pour représenter sa propre personne, mais pour représenter le parti au gouvernement. Le parti, après vote du bureau politique, a décidé de la démission de ses ministres, il devait se plier à cette décision prise à la quasi-unanimité.
Qu’en pense le président Amine Gemayel?
Il soutient clairement la démission des ministres Kataëb. Et je m’en tiens à cela.
Comment essayerez-vous de changer les choses puisque vous n’avez pas réussi à le faire à travers les institutions?
Nous sommes toujours présents au Parlement. Mais nous descendrons également dans la rue si les choses l’exigent. Ainsi, en ce qui concerne les déchets et leur enfouissement dans la mer, nous sommes totalement contre. Si le gouvernement vote ce projet, nous descendrons dans la rue.
Les protagonistes de la table de dialogue réunie à Aïn el-Tiné n’arrivent pas à s’entendre sur une nouvelle loi électorale. Si c’est la loi de 1960 qui est finalement adoptée, quelle serait votre position?
Il revient à Nabih Berry de mettre une date butoir pour s’entendre sur cette question, sinon les députés doivent se rendre au Parlement et voter la loi qui leur semble la meilleure, comme cela se fait dans tous les pays démocratiques. Une nouvelle loi électorale doit être adoptée d’urgence.
Propos recueillis par Danièle Gergès