Nul ne peut accuser, sans être de mauvaise foi, l’Armée libanaise de négligence ou de laxisme permettant aux criminels de frapper à mort les régions libanaises. La France, les Etats-Unis et bien d’autres pays n’échappent pas au fléau du terrorisme et malgré toute la technologie et les moyens de contrôle qu’ils possèdent, dont les forces de sécurité libanaises sont toujours privées, n’ont pas réussi à sécuriser leurs pays. Les attentats suicide, les derniers en date, ont fait à deux jours d’intervalle au Qaa et à l’aéroport Atatürk d’Istanbul, presque autant de victimes, morts et blessés, au nom de cette même liturgie ou doctrine qui les motive. Même si chaque analyste défend sa thèse concernant le choix des cibles, il n’en reste pas moins que celles-ci ne se ressemblent pas et que, le plus souvent, seules l’innocence et la malchance de se trouver sur le terrain de la tuerie rapprochent.
Entre-temps, la caste politique continue à se lancer des accusations de tous genres bloquant toute action constructive dans le pays. L’affaire des déchets reste peut-être un des plus flagrants délits de corruption. Mais ce n’est pas le seul. Dieu sait s’ils sont nombreux. Le drame que les citoyens vivent est de ne pas savoir à quel saint ou imam se vouer alors qu’ils paient de leur santé, et de celle de leurs enfants le prix de la pollution aussi bien matérielle que morale qui envahit de plus en plus, hélas, le pays et ses semblants d’institutions publiques dont la carence est dénoncée par le chef du gouvernement lui-même.
L’économie du pays, fragilisée par une fuite de capitaux financiers et humains, est menacée sans cesse par des lois internationales et ne doit sa survie qu’à l’intelligence et à l’honnêteté avérées des dirigeants des banques et notamment du gouverneur de la Banque centrale.
Aux dernières pressions exercées sur la Banque centrale concernant les financements douteux, le secrétaire général du Hezbollah, se sentant visé, affiche sans vergogne et avec une franchise frisant l’arrogance que lui octroie son pouvoir, sa source de financement. Tout, dit-il, nous est fourni par l’Iran: salaires de tous les membres du parti, besoins vitaux et quotidiens sous toutes leurs formes, équipements militaires, soins médicaux… Le sayyed déclare sans détour que ses rentrées ne proviennent que de Téhéran. On le savait, ou plutôt le devinait, mais nul n’ignorait le lien de son parti et de sa politique alignée sur ce pays. Mais cette confirmation lançait, de toute évidence, un défi à ceux qui doutaient encore de la provenance de ses moyens. Les Libanais, les moins politisés et les moins informés, le savent déjà. Ils sont conscients à quel point le Liban est rendu, de ce fait, tributaire de la politique du parti chiite, mais ils n’en furent pas moins pris de court par cette déclaration sans vergogne. Ceux qui tentaient de se cacher encore derrière leur petit doigt, continuaient à l’occulter. Les ténors de la politique se sont trouvés contraints d’admettre sans l’avouer, pourquoi et combien il leur était inutile, de continuer à frapper aux portes des pays amis pour tenter d’obtenir un soutien et un déblocage des institutions, paralysées depuis plus de cinq ans.
Toujours renvoyés à leur propre responsabilité, ces quémandeurs d’aides n’ont peut-être pas encore compris l’inutilité de leurs requêtes. Ils continuent à plaider une affaire perdue d’avance, en cherchant, désespérément, une roue de secours. Ils sont désormais bien obligés de rester sur leurs terres et de tenter de s’entendre courageusement les uns avec les autres. Mais en sont-ils capables? Ne trouvent-ils pas leur intérêt dans cette stagnation politique? Ne se cachent-ils pas derrière la triste comédie de ces dialogues de sourds qui ne trompent personne? Accepteraient-ils de renoncer aux intérêts individuels qu’ils trouvent dans un «pouvoir» qu’ils défendent avec autant d’acharnement? Réalisent-ils les crimes qu’ils commettent contre une population qui, à un moment ou un autre, leur a fait confiance?
A toutes ces questions, la réponse est la même: les Libanais ont toujours fait preuve de leur capacité à réagir face à la faillite de la plupart des gestionnaires du pays. Ceux-ci ont donné toutes les preuves de leur incompétence et de leur manque de courage dont le peuple paie le prix.
Mouna Béchara